Hooney d’Arville, la grise de cœur et de gloire de Lara de Liedekerke

Publié par Sébastien Boulanger le 11/05/2025

Certaines victoires vous construisent. D’autres vous révèlent. Et parfois, un cheval vous transforme. C’est exactement ce que représente Hooney d’Arville pour la cavalière belge Lara de Liedekerke-Meier.

En juin 2024, leur victoire à Luhmühlen marque une étape historique : un premier succès en CCI5*, l’un des concours les plus prestigieux du circuit complet. Une consécration pour une cavalière qui n’a jamais cessé de croire en sa jument, même si le parcours n’a pas toujours été tranquille…

Ce week-end, le couple participe au très attendu CCI5* de Badminton, l’un des concours les plus mythiques au monde. Une nouvelle page de leur histoire commune est peut-être en train de s’écrire.

Lara de Liedekerke nous raconte: « J’ai monté sa maman, Nooney Blue… Ma jument Junior, Jeune Cavalier et Senior. Elle a énormément représenté pour moi. Et puis, elle est devenue maman de celle-ci, Hooney d’Arville. »

Élevée sous les yeux de sa future cavalière, Hooney n’a rien d’une évidence. C’est une jument complexe, introvertie, parfois déconcertante. Lara le dit d’emblée, avec une honnêteté qui révèle à la fois la rigueur et l’attachement :

« C’est une jument que j’apprécie énormément, et qui est née à Arville et probablement, plus que probablement, mourra à Arville aussi…Pourtant, c’est une jument qui m’en a fait voir de toutes les couleurs. Très compliquée… aussi compliquée que qualiteuse, je dirais. Ça veut dire beaucoup. » d’ajouter la cavalière belge.

Un mode d’emploi à inventer

Avec Hooney, rien ne s’est joué sur des automatismes. Il a fallu du temps. Beaucoup. Et une capacité rare à écouter.

« Elle a un mode d’emploi qu’on a mis longtemps à comprendre. Il y a des choses qui l’inquiètent. Elle est très introvertie. Elle a besoin d’être rassurée, mais de manière ferme, juste, intelligente. Elle m’a poussée à devenir une cavalière plus ouverte. À ne pas mettre les chevaux dans une case. »

(© FEI/Libby Law Photography)

Au fil des années, une confiance réciproque s’installe. Fragile d’abord, puis de plus en plus solide. Jusqu’à cette saison 2024 où les deux semblent enfin marcher sur le même tempo. Et ce jour, à Luhmühlen, où l’inattendu devient réel.

« Je pense qu’on était loin d’être favoris. Le logiciel Equiratings ne nous donnait même pas 1 % de chance de gagner. Mais c’est ça, la beauté du sport : parfois, on va à l’encontre de toutes les statistiques. Je n’y suis jamais allée en pensant que j’allais gagner. Et puis c’est arrivé… je ne sais pas pourquoi. Les planètes se sont alignées ce jour-là. Je ne sais pas qui, là-haut, avait envie qu’on gagne. Jamais je n’aurais cru que je faisais partie de ce club élitiste : gagner un cinq étoiles en concours complet, en sachant qu’il n’y a que cinq concours sur une année. Et que les carrières ont beau être longues, il faut avoir les bons chevaux au bon moment. Et c’est juste incroyable.
Je pense que parfois, je n’y crois toujours pas. Je suis retournée là bas cette année et j’ai vraiment revécu certaines choses. Je le sentais jusqu’au fond de mes tripes
»

Une jument qui impose le respect

Hooney n’est pas qu’un résultat. Elle est une leçon de sport, et même de vie comme le confie Lara :

« Elle m’a appris la remise en question. À adapter mes objectifs. La patience. La résilience. Ce sont peut-être mes points forts aujourd’hui, alors qu’avant, ça a pu être des faiblesses. »

Dans son caractère, Lara retrouve des traits de Nooney Blue, sa mère : la force sur le cross, la délicatesse au dressage, le respect des barres. Il faut dire qu’elle a de qui tenir avec son Champion du monde de père, Vigo d’Arsouilles. Mais les similitudes avec sa mère sont là aussi.

(© FEI/Libby Law Photography)

«J’ai trouvé énormément chez sa mère, chez elle. Bon, déjà, elles sont grises. Elles ont toutes les deux ce feu sur le cross. Je la trouveprobablement plus qualiteuse , même si sa mère l’était vraiment. Mais c’est difficile à dire, vu que sa mère a été ma jument junior et qu’aujourd’hui je suis dans un autre stade de ma carrière.

(© FEI/Libby Law Photography)

Ça a mis un peu longtemps qu’Hooney me fasse confiance sur le cross, mais une fois qu’elle a eu   compris les règles du jeu, elle a été très honnête. Elle veut vraiment rester entre les fanions. Et elle est très, très délicate sur le dressage. Comme sa mère. Mais là où Hooney se distingue, c’est dans cette capacité à dire — sans mots — ce dont elle a besoin. Il lui manque que la parole, en fait. Mais elle nous exprime vraiment ce qu’elle attend de nous. C’est précieux. »

Une alliée de l’ombre : Bettina, la gardienne envers et contre tout.

Dans l’ombre des paddocks, Bettina Cardinael, groom de Lara, veille sur Hooney avec une attention bouleversante. C’est elle qui connaît ses humeurs, ses rituels, ses besoins silencieux.

« j’ai eu un vrai coup de cœur pour elle. Même avant de travailler pour Lara. Elle est super belle, et au début, très timide. Mais peu à peu, elle s’est ouverte. Je crois que je n’ai jamais autant aimé un cheval. »

Le lien qu’elle tisse avec Hooney est fort, sans exubérance. À l’image de la jument.

«Je pense qu’elle sait qu’elle est un peu la reine de l’écurie, mais elle n’en abuse pas. Elle est discrète. Par contre, si elle n’est pas la première à être sortie ou préparée, elle peut bouder un peu. Elle a ses humeurs : parfois très câline, parfois elle a juste envie qu’on la laisse tranquille. Je suis un peu comme elle, donc je la comprends bien.»

« L’idée de partir avec elle sur une grosse échéance, c’est une vraie joie. Mais ce qui me fait le plus plaisir, c’est de passer une semaine rien qu’avec elle. C’est un peu comme partir en vacances avec sa meilleure copine. C’est cliché, mais c’est ce que je ressens. Peu importe où je vais avec elle, je suis heureuse. Je pense que je l’ai plus que tous les gens qui m’entourent» sourit Bettina.

Et le jour de la victoire à Luhmühlen, elle est là, à sa place, avec une émotion sincère.

« Quand j’ai compris qu’elle avait gagné, mon premier réflexe a été de la remercier et de lui faire un gros câlin. En rentrant aux écuries, l’équipe avait tout décoré. Ils lui avaient acheté je ne sais combien de kilos de carottes. Mais dès le lendemain, retour à la vie normale : je l’ai remise dans sa prairie, et elle était ravie.»

« Je l’aimais déjà avant, et je l’aime un peu plus chaque jour. La voir gagner un cinq étoiles avec Lara, c’était très fort. Un de mes plus beaux souvenirs, peut-être même « le » plus beau de ma carrière. Mais je suis sûre qu’elle m’en offrira d’autres.»

Hooney d’Arville, cheval olympique un jour?

Jusqu’où Lara de Liedekerke envisage t’elle d’emmener sa jument grise? on dit que l’appétit vien en mangeant alors pourquoi pas envisager le couple sur la prochaine échéance olympique. Déjà que certains les voyaient à Paris

« Il y avait beaucoup de demandes et de pression aussi un peu médiatique, de savoir pourquoi ce n’était pas elle que je montais à Paris. On avait toujours dit que ce ne serait pas elle à Paris. C’est vrai qu’on a quand même un petit doute en se disant qu’il n’y a pas beaucoup de gagnants cinq étoiles en concours complet, qu’on ne l’emmène même pas au concours qui était vraiment le plus important en 2024.

Du coup, l’année dernière, elle m’avait tellement donné que je m’étais décidée à ne pas la remettre sans une grosse échéance. Donc elle a terminé calmement l’année dernière, et cette année, elle a très très bien commencé. Elle va refat un cinq étoiles là maintenant. Je ne sais pas encore si c’est celle que je prendrai aux Europes.

Ça a été juste, je pense, beaucoup de patience, beaucoup de remise en question pour aboutir à un résultat qui était incroyable.Et aujourd’hui, j’essaie de me dire que je fais un objectif à la fois, et on verra. Donc évidemment, j’ai encore plein de projets. Elle n’a que douze ans.

Mais avec Hooney, j’essaie jamais de voir sur de trop long terme. J’essaie de voir comment elle va, comment elle se sent, et elle continue à tellement, tellement évoluer que je suis confiante qu’on trouvera encore des objectifs qu’elle remplira, je l’espère, correctement.

En ce qui concerne Los Angeles, elle n’aurait que quinze ans. Après, on n’est pas convaincues, Kai et moi, que c’est une jument de format court. En fait, c’est une jument qui aime bien quand elle a beaucoup besoin de galoper et qu’elle peut vraiment se relâcher entre les obstacles.

Et il n’y a rien à faire, les Jeux Olympiques, c’est un condensé intense de 8 à 9 minutes pour les médias. Pour que ça reste attractif pour le téléspectateurs. Donc la formule des Jeux Olympiques, je ne suis pas certaine que ça lui conviendrait. Mais elle a tellement évolué depuis des années que, peut-être que d’ici trois ans… Mais je ne le ferai que si ça peut lui correspondre. Là elle vient de gagner un format court 4* en Italie. Mais pas aussi condensé que ce sera à Los Angeles.

Mais bon, jamais je n’aurais cru quelle allait gagner un 5* et puis qu’elle allait confirmer derrière. Donc on va voir. On va mettre un pas après l’autre et on verra où le destin nous mènera. »

Continuer la lignée?

À 12 ans, Hooney entame une nouvelle maturité sportive. Mais son avenir n’est pas encore tout tracé. Pour Lara, pas encore question de planifier des échéances pour la reproduction.

À Arville, la priorité reste toujours donnée à la carrière sportive des chevaux avant tout. Lara de Liedekerke évoque ainsi la reproduction d’Hooney d’Arville, mais avec une approche mesurée, fidèle aux valeurs du lieu. Pas question de précipiter quoi que ce soit. Le sport d’abord, puis, si le destin le veut, la reproduction.

«j’aurais aimé déjà avoir des poulains d’elle, mais on n’a jamais fait de transfert d’embryons ici. On a toujours laissé les chevaux faire leur carrière sportive dans un premier temps, puis faire leur carrière reproductive ensuite. C’est important de respecter ce rythme. »

Pour Lara et son mari Kai, la démarche est simple : donner aux chevaux le temps de s’épanouir dans leur domaine de prédilection, avant de penser à la reproduction.

« Du coup, Kai trouve qu’on n’a peut-être pas besoin de changer ça, parce qu’elle a réalisé des résultats. Si le destin veut qu’elle ait des poulains, elle en aura. »

À jamais une place à part.

Avec sa victoire en 5*, Hooney n’a pas seulement écrit une page de carrière pour Lara. Elle a signé une ligne historique pour la Belgique avec un premier succès à ce niveau.

« Je les aiment tous, mais déjà de par tout ce qu’elle m’a appris et arce qu’elle m’a donné ma première victoire en 5*. Donc je pense que oui, elle gardera toute sa vie une place bien particulière pour moi.. »

Un reportage réalisé en collaboration avec EQUI TV