Dix semaines sans étriers, c’est long. Trop long pour un cavalier qui carbure à l’adrénaline des pistes et au galop. Dix semaines à tourner en rond — au propre comme au figuré — entre opération, rééducation et réflexions. Mais aujourd’hui, Constant Van Paesschen remonte en selle, le regard encore un peu marqué par l’orage, mais l’envie intacte. Direction Maubeuge. Trois chevaux. Et un moral, enfin, à peu près remis en état de marche.
« Compliqué et déprimant »
Le ton est donné d’entrée. Quand on lui demande de résumer ces dernières semaines, Constant ne cherche pas la formule : « Compliqué et déprimant. On n’a pas envie d’être privé de ce qu’on aime faire. »
Le genre de phrase qu’on entend souvent dans le sport de haut niveau. Sauf que là, ce n’est pas du théâtre. L’homme a morflé, physiquement et moralement.
En cause ? Une opération du pied — des morceaux de cartilage à retirer, un ligament synthétique à poser. Et avec ça, le cocktail classique : douleur, immobilité, frustration, doutes. Le tout saupoudré d’un agenda vide et d’un planning de concours réduit à néant. Un enfer pour tout cavalier compétiteur. Mais le Belge ne s’est pas laissé couler.

« On a repris la kiné dès le lendemain »
Pas de miracle, mais du boulot. La rééducation commence dès le lendemain de l’opération. « Gentiment, mais directement. » Pas question de traîner. Ni physiquement, ni dans la tête. Même si le pied gonfle, même si le rouge monte jusqu’à la cheville, Constant enchaîne les séances et surveille chaque signal du corps comme on observe un cheval chaud à la détente : avec prudence, mais détermination.
Et au bout de quatre semaines et demie, miracle (ou presque) : il remonte. Un cheval. Puis deux. Avant une rechute. Le pied proteste, retour chez le spécialiste, mais l’envie est plus forte. Trois jours plus tard, nouveau feu vert. Et rebelote. Cette fois, ça tient. Le rythme revient. Doucement.
« On ne perd pas ça »
Le plus dur dans le retour ? Pas les douleurs. Ni même la condition physique. Non, c’est ce foutu équilibre entre prudence et confiance. « On remonte peut-être un peu plus douteux. On appuie différemment. On compense. Le corps et la tête disent : ‘Attention’. »
Mais les sensations reviennent. La distance. Le bon feeling. Et même quelques sauts — encore un peu durs, mais gérables. Le corps accepte. Le moral suit. Le plan se déroule. Et la suite a un nom : Maubeuge. Trois chevaux pour se remettre dans le bain (Diaz du Thot, Kismet et Kandico de Paep Z). Et des objectifs plus clairs au fil des jours.

« On a fait nos croisements, on a gelé nos plans »
Pendant cette pause forcée, Constant ne s’est pas contenté de regarder les autres sauter sur ClipMyHorse. Il en a profité pour se plonger dans un autre versant du sport : l’élevage. Sélection des croisements, choix d’étalons moins consensuels, préparation des ICSI pour l’hiver. « On a acheté deux ou trois paillettes d’étalons que pas tout le monde aime, mais que moi je connais bien parce que j’ai monté des chevaux en lien avec eux »
Toujours cette même idée : avancer. Travailler. Préparer demain.
La perte du soldat, de l’ami.
Mais ces dix semaines n’ont pas été qu’une affaire de kiné et de fiches d’élevage. Il y a eu aussi ce départ. Un cheval, Isidoor Van de Helle, »pas le meilleur en qualité, mais celui qui s’est toujours donné. » Un soldat. Un ami. Le genre de perte qui ne laisse personne indemne. Surtout pas un cavalier qui l’a eu dix ans à ses côtés. « Émotionnellement, c’était très dur. Même s’il était déjà à la retraite sportive. »

La cicatrice est encore fraîche. Mais la selle l’appelle. Et Constant le sait : pour passer à autre chose, rien ne vaut un concours, du sable sous les bottes, et quelques chevaux à emmener au dessus des barres.
Le tunnel derrière, la piste devant
Il ne crie pas victoire. Pas encore. Mais il y a dans sa voix ce mélange de lucidité et de soulagement qui sent bon la sortie de crise. « On augmente semaine après semaine. On y arrive. »
À Maubeuge, il ne cherchera pas à brûler les étapes. Mais à reprendre sa place. Pas à pas. Saut après saut. Cheval après cheval. Et tant pis si ça ne clique pas tout de suite. L’essentiel, c’est d’être là. En selle. Enfin.
