Au Crozet, cet été, Justin Verboomen et Zonik Plus ont régalé l’Europe. Des notes à faire pâlir plus d’un coach, des reprises qui sentent la grâce… mais pas encore de quoi gratter les sommets de l’histoire du dressage. Parce que si la discipline aime les jugements au centième près et les piaffers millimétrés, elle aime encore plus les records. Et en matière de Kur en musique, il y a du très, très lourd dans le rétro.
L’Allemagne, terre de gros scores
Souvenez-vous des JO de Paris 2024. Jessica von Bredow-Werndl et sa Dalera : classe, maîtrise, et 90,09 % au compteur. L’Allemande n’en était pas à son coup d’essai. Un an plus tôt, chez elle à Riesenbeck, elle avait déjà planté un monumental 92,818 % en championnat d’Europe, (record toujours d’actualité). Le record d’Edward Gal, de 92,300 % datant d’Olympia à Londres en 2009 est piétiné.
Il faut dire que ça volait particulièrement haut lors de ces championnats puisque derrière l’Allemande, on retrouvait Charlotte Fry avec un Glamourdale en grande forme signant un score de 92,379 % ! Et ce n’est pas tout! Car, pour compléter ce podium de rêve et de reines, Charlotte Dujardin faisait monter Imhotep sur la 3ème marche avec 91,396 %. Bref, un podium à l’allure de panthéon du dressage.
Londres, décembre 2014 : la légende
Et pourtant… rien de tout ça n’a encore détrôné LA référence. Retour en arrière. Mercredi 17 décembre 2014, il fait froid à Londres, mais sous la verrière historique de l’Olympia à Londres le public est chauffé à blanc. L’entrée en piste de sa protégée et favorite, Charlotte Dujardin n’arrange rien. Il faut dire que la veille, la cavalière d’Enfield a fait vasciller son public lorsqu’elle fut gratifiée d’un 87,46% à l’issue du Grand Prix. Un record! Mais ce public ne s’attendait probablement pas à ce que Valegro remette ça le lendemain et fasse même encore mieux dans le Freestyle. Charlotte Dujardin, 29 ans, déjà championne olympique, du monde, d’Europe et reine de la Coupe du monde, s’avance avec Valegro dans un calme absolu. La cavalière lève la main pour lancer sa musique. Les premières notes aux sonnorités chinoises retentissent. « How To Train Your Dragon ». L’Anglaise sait très bien comment entraîner son dragon à elle. Et puis plus rien : juste un couple qui flotte au-dessus du rectangle jaune, fusion absolue, piaffers d’école, transitions en apesanteur.
Standing ovation. Les juges, d’habitude si compassés, se lâchent. La présidente du jury est dithyrambique en direct. Les scores tombent et le public exulte. Charlotte Dujardin, casque encore vissé, cligne des yeux. 94,300 %. Record du monde. Moment d’histoire.
L’héritage
Deux ans plus tard, au même Olympia, Valegro tire sa révérence sous les ovations. Depuis, la cavalière britannique a vu son étoile pâlir — suspension d’un an par la FEI pour mauvais traitement sur un cheval d’une élève – retour à la compétition prévu pour juillet 2025. Le monde du dressage attend, mais ce record, lui, tient toujours. Comme un Everest que les pointures de la discipline fixent en se disant « un jour, peut-être… ».
Pour l’instant, Justin Verboomen, Zonik Plus et tous les autres peuvent bien briller. Pour entrer dans la légende, il faut signer un 94,300 % en musique et faire se lever tout un public. Ce jour-là, Charlotte Dujardin n’a pas juste gagné. Elle a dansé l’histoire du dressage.
(Photo cover © FEI)
