Ce samedi à Lanaken, ils étaient seize cavaliers à avoir passé le « cut » pour les deux ultimes manches du championnat de Belgique de saut d’obstacles. 16 finalistes dans un mouchoir de poche (6.14 points entre le premier Jos Verlooy à la dernière Gudrun Patteet). L’ambiance est posée : tout peut basculer.
Un triple délicat
Sea Coast Chica V.V. Z (Comme Il Faut x Chacco-Blue) ouvre le bal pour Patteet. Gros rythme, mais l’entrée dans le triple piège la cavalière : une barre tombe. 10,14 points. Très vite, le triple se révèle juge de paix de ce premier tour. Bernaerts en fait les frais, Daem aussi (12 points). Seuls Jeroen Appelen et Thibeau Spits tirent leur épingle du jeu avec un parcours sans faute en ce début d’épreuve.
Pieter Devos arrive ensuite, frais (enfin plus ou moins) de sa victoire à la Champions League de Vienne la veille avec Fernando Martinez Sommer pour les Prague Lions. Une fois qualifié pour la finale, il a choisi de revenir monter Panamarenka van den Blauwaert, 10 ans, pour lui donner de l’expérience. Pari gagnant : tour clair et leadership provisoire avec 5,02 points.
« Je n’ai dormi que quatre heures cette nuit. Ça a demandé beaucoup d’énergie et si ce n’est pas nécessaire je préfère ne pas le faire. Mais ici c’était nécessaire pour l’équipe et le classement du Global. Il n’y avait pas d’autre cavalier disponible. D’un autre côté, je voulais faire cette finale ici à Lanaken, par respect pour les organisateurs et aussi parce que c’était une super expérience pour Panamarenka. Mais je ne veux pas faire ça tous les week-ends. » nous confie Pieter Devos.
Les favoris sous pression
Philippaerts, quant à lui, semble démobilisé. Ou alors est-ce Just Him qui commence à tirer la langue? Une barre dès l’oxer numéro 4. Tarif: 8,14 points.
Vandecasteele et Tijskens fautent eux aussi. Koen Vereecke, solide jeudi, craque sur l’eau, puis une deuxième faute arrive.
Rik Hemeryck accumule deux fautes aussi et quitte la course à tout espoir. C’est une vraie finale, avec un vrai parcours. Seuls les meilleurs du jour s’en sortiront.
Gilles Thomas se présente avec 1.20 de pénalité. Mais le triple finit par céder pour lui aussi : 5,20 points. Il est juste derrière Devos qui a décidément bien fait de prendre son avion. Le suspense est maximal.
Il ne dure malheureusement pas pour longtemps pour Sacha Beghuin qui rejoint le camp de ceux pour qui le sans faute n’est plus qu’un lointain espoir perdu. 8 points. Adieu sa troisième place.
Jan Vermeiren, sur Qmusic-K van ’t Kattenheye, est un peu l’invité surprise de cette course à la victoire. Enfin, quand on voit la qualité de cette jument de 9 ans, on se dit qu’il a tout à fait sa place dans la course au titre. Le tour est parfait. Sans faute. Encore une fois. Le dernier obstacle n’était pas franchi totalement que Vermeiren jubilait déjà. Alors imaginez une fois cette ligne franchie… c’est l’explosion.
Verlooy en patron
La pression est alors sur Jos Verlooy. Peut-on vraiment parler de pression pour celui qui a déjà décroché trois titres consécutifs? Le cavalier entame son tour, déterminé. Le couteau entre les dents. Jos déroule son plan millimétré avec FTS Killossery Konfusion : parcours parfait, clean sheet. Le public retient son souffle pour la deuxième manche.
Redistribution des cartes
On prend les mêmes et c’est reparti pour la dernière. Cette fois c’est promis. Enfin les mêmes, presque. Hemeryck et Daem ont choisi de rentrer à l’écurie.
Gudrun Patteet, elle ne renonce pas. Elle finit enfin par tenir le parcours sans faute derrière lequel elle courait depuis mercredi. Une petite victoire perso.
« J’avais hésité à participer. Mais terminer comme ça me fait vraiment penser que j’ai finalement bien fait de venir avec Chica finalement. Je suis vraiment contente. » nous glisse Gudrun.
D’autres par contre remettent une couche : Bernaerts (8 points), Vereecke (8 points), Beghuin (9 points), Philippaerts (8 points), Spits (8 points).
Gilles Thomas lui prend la tête avec un sans faute: un troisième titre consécutif à l’horizon pour Mister podium?
Devos qui peut passer devant, manque le coche pour …1 point de temps. Un point qui pourrait lui coûter le podium. Car deux cavaliers doivent encore passer. Et ce sont de sacrés clients.
Le dénouement
Ce sont désormais Jan Vermeiren et Jos Verlooy qui ont les cartes en mains.
Vermeiren a le cheval. Les nerfs c’est autre chose. Touchette sur le 1. Mauvaise distance sur le 3. La palanque vole et l’espoir de titre aussi. Quelques foulées encore, deuxième faute et c’est le podium qui se barre. Tout ça pour ça. Vermeiren est cinquième derrière. C’est cher payé.
Même Bart Jay Junior Vandecasteele auteur d’un superbe championnat avec Vamos de la Pomme d’Or Z, lui passe sous le nez.
Gilles Thomas n’en demandait pas tant et Pieter Devos non plus. Ils sont tous deux assurés d’un podium. Reste à savoir sur quelle marche ils vont monter. Un suspense de courte durée car Verlooy avale ce dernier tour comme tous les précédents. 4ème titre. Grande classe.
Quand on demande au nouveau champion si gamin il rêvait un jour de gagner quatre titres de champion de Belgique, Jos Verlloy répond « Franchement, j’espérais déjà en gagner un… alors quatre ! (rires) C’est incroyable. Déjà les trois d’affilée, sur le moment, je n’ai pas réalisé. Mais plus le temps passe, plus je me rends compte que c’est exceptionnel. Aujourd’hui je suis surtout très heureux pour mon cheval. FTS Killossery Konfusion (Siec Livello / Cruising) a tout donné, il a sauté avec son cœur, au maximum. Je voulais absolument faire un bon parcours pour lui. Il a déjà gagné beaucoup d’épreuves mais les gens oublient ça.
Je voulais lui offrir un titre parce que ça, on s’en souvient. C’est pour lui. Maintenant on va pouvoir mettre une belle photo de lui aux écuries. » conclut le nouveau champion de Belgique entouré de ses parents aux anges.
Le dauphin savoure aussi. Il faut dire que par rapport aux deux dernières éditions, cette deuxième place était loin d’être assurée pour Gilles Thomas.
« Ce championnat était peut-être plus compliqué que les précédents. La première fois que j’ai gagné, c’était avec Ermitage Kalone, un cheval exceptionnel, même s’il n’avait que neuf ans. L’année dernière, j’avais Luna(van het Dennehof), très expérimentée et en super forme. Cette année, j’ai choisi un cheval qui avait moins d’expérience à ce niveau.
Je n’étais pas vraiment un des grands favoris. En effet. Qiara de Kalvarieest rapide, donc je voulais faire un bon chrono sans prendre trop de risques. Mon parcours était rapide, deux secondes plus vite que Jos, mais j’ai eu une barre. J’étais 12ᵉ avec seulement 1,2 point de pénalité. Tout restait possible.
Les parcours étaient techniques. Les quatre tours étaient exigeants. En marchant le parcours du premier tour de la finale, entre cavaliers on se disait que c’était un beau championnat : des obstacles assez gros, techniques… Si on fait double sans faute en finale, on doit être sur le podium. Aujourd’hui, c’était ça. C’est ce qu’on aime voir dans un championnat : du suspense et des renversements. » conclut le 6ème mondial.
Pour Pieter Devos c’est un week-end plutôt fructueux (Il faut dire qu’il s’y connait en la matière…). Mais cette troisième place lui a surtout amené une réponse, oui Panamarenka a sa place dans son piquet pour le grand sport.
« Aujourd’hui, c’était un championnat très solide pour ma jument. Après le premier jour, je me suis dit “ok, ça va être compliqué pour samedi”. Mais après le deuxième jour, je dois dire que c’était vraiment un tour très solide, très facile. Tout a un peu changé : je me suis dit “super, je vais revenir”. Je ne m’attendais pas du tout à être sur le podium. Aujourd’hui elle a refait deux tours magnifiques, même si j’ai pris un petit point de temps car elle commençait à fatiguer, ce qui est normal pour un cheval à ce niveau. Elle a beaucoup de galop, donc à chaque obstacle je devais la freiner, du coup ça devient un peu lent… Mais elle a super bien sauté. Pour moi aujourd’hui, c’est un cheval qui peut viser les cinq étoiles et c’est ça le plus important.
Panamarenka, c’est ma femme qui l’a vue ici il y a trois ans. Elle n’était pas en finale mais elle avait bien sauté. Moi j’étais à New York. Elle m’a appelé pour dire qu’il y avait un cheval intéressant. On a pris rendez-vous pour l’essayer, fait quelques sauts et on l’a acheté. On l’a fait progresser tranquillement car elle était très verte. Ma femme l’a montée d’abord, puis moi il y a quelques mois seulement. On lui a laissé beaucoup de temps parce qu’elle était un peu faible et sans expérience. Cette année ça a été plus vite…»
Jos Verlooy s’offre sa quatrième couronne nationale. Une victoire de classe, calculée, parfaitement exécutée. Avec ce titre, il se rapproche un peu plus du record de six victoires de Ludo Philippaerts et marque un peu plus l’histoire du saut d’obstacles belge.
