Il y a des victoires qui sentent la fierté nationale et la confiance en l’avenir. Celle de Niels Bruynseels à Liège, ce samedi soir, en fait clairement partie. Pas un Grand Prix, non, mais une ranking 1m50 qui valait bien plus que des points : un signal, un de ces moments où on voit un couple se construire sous nos yeux. Et à vrai dire, personne n’a vu venir Devidanga SW Z (Dominator 2000 Z x Numero Uno). La jument, neuf ans à peine, découvrait la hauteur. Première fois à 1m50, première victoire. Et à domicile, s’il vous plaît.
« C’est nouveau pour elle, c’est la première fois qu’elle sautait 1m50 », souffle Niels, encore un peu étonné de son propre calme. « Je l’ai depuis seulement six mois, donc je suis vraiment très content. Et le faire ici, en Belgique, c’est encore plus spécial. J’étais surtout venu pour lui donner de l’expérience. Gagner c’est la bonne surprise. Et le faire à Liège, c’est toujours super. »
À Liège, Niels a ses habitudes. Il y a déjà gagné le Grand Prix (2015 avec Cas de Liberté), connaît la ferveur des tribunes.
« Quand tu viens à Liège, tu veux bien faire. Pas juste dérouler des parcours. Il y a de la pression, mais le public est derrière nous. C’est un vrai plaisir de pouvoir leur offrir quelque chose. »
Et offrir, il a offert. Une victoire pleine d’énergie, une jument électrique mais à l’écoute, et un cavalier qui déroule son plan comme un métronome : lentement, sûrement. Pas de raccourcis, pas d’effets de manche.
« Je fais toujours les choses progressivement avec mes chevaux. À neuf ans, c’est l’âge parfait pour apprendre les gros parcours sans brûler les étapes. »
Le sang et la méthode Criel
Derrière la victoire, il y a aussi l’œil d’un homme : Ludwig Criel, propriétaire historique de chevaux comme Utamaro d’Écaussinnes, Diablesse de Muse, Ilusionata (van’t Meulenhof) qui ont tout sauté . Un passionné pur sucre, de ceux qui vivent chaque saut comme une finale de Coupe du monde.
« Parfois je dis à mon épouse que je vais mourir quand le cheval saute », rigole-t-il à moitié. « Je suis très nerveux. Être propriétaire, c’est une profession mais aussi une passion. Il faut être passionné, sinon on le fait mal. Des victoires comme aujourd’hui font tout oublier. »
(Ludwig Criel, propriétaire et Melanie Cloup, la groom de Niels pour entourer les vainqueurs)
L’histoire de Devidanga SW Z, elle, commence très tôt. achetée à trois ans, au début de la collaboration avec Niels, façonnée maison par Bernardo Mathias, un cavalier Portugais qui « fait un travail extraordinaire ».
« Bernardo produit les chevaux jusqu’à 1m45, et s’ils ont de la qualité, quand ils sont prêts, ils vont chez Niels. »
Un système bien huilé, presque artisanal, où la patience vaut plus que la performance immédiate.
« On ne saute jamais un cheval de quatre ans. On commence à la fin de sa quatrième année. On peut tuer un cheval, le démolir. Il faut de la patience. »
Et du sang, aussi. Beaucoup de sang.
« C’est une jument avec énormément de sang. C’est Numero Uno dans la lignée maternelle, et puis tout le scope de Dominator 2000 Z. » ajoute Ludwig Criel.
L’école du temps long
À Liège, cette école de la lenteur efficace a trouvé sa récompense. Six mois à peine que Devidanga est dans les écuries de Bruynseels, et déjà une victoire en ranking. Une étape, pas une fin.
« On va continuer à construire, autour d’1m45, 1m50, cet hiver. J’espère qu’elle deviendra un vrai cheval de Grand Prix l’année prochaine. »
Pas de précipitation, pas de plan miracle. Juste du travail, de la patience, et un public liégeois qui en redemande.
« L’organisation ici est top, les parcours sont super. C’est un très bon week-end jusqu’à présent. » Conclut Niels Bruynseels
Un week-end à la belge, donc : un peu de sang-froid, beaucoup de cœur, et une victoire qui a le goût du futur. Devidanga SW Z n’a peut-être sauté « que » 1m50, mais elle a surtout sauté dans une nouvelle dimension. Et dans le sourire tranquille de Niels, on devine qu’il le sait déjà.
« Parfois je dis à mon épouse que je vais mourir quand le cheval saute. » Ludwig Criel, propriétaire en apnée heureuse.