Le Grand Prix de Liège, dans sa version deux étoiles avait des accents plutôt féminins ce dimanche. En tout cas en ce qui concerne le barrage. 8 qualifiés. 7 femmes. Prêts à en découdre sans faire de quartier.
La dolce vitesse
La musique du barrage s’ouvre sur des accents transalpins. Luccia Le Jeune Vizzini, impeccable, dégaine un chrono carré comme un double expresso : 38.38 avec Goss Darsouil MF (Vigo d’Arsouilles x Jarnac). Pas de faute, pas de bavure, un tour cousu main. Façon Gucci ou Versace.

Mais pas de quartier entre Italiennes. Derrière, Matilde Gorgia Bianchi déboule avec Rr Carcom (Cornet du Lys x Cardento 933). Elle coupe tout, saute les plantes, et claque un 38.11.

Potter, magie et chrono supersonique
Et puis, d’un coup de baguette magique, Zoe Potter fait des merveilles avec Cornet’s Ghost (Cornet Obolensky x Balou du Rouet). Le nom n’invente rien : Ghost vole.
La Britannique trace un parcours façon Poudlard Express. 37.31.
Le public comprend : la fête italienne vient de se faire ensorceler. Dans la régie, on prépare déjà le God Save the King.

Less is More, la locale de l’étape
Et puis reste Émilie Evrard, dernière à s’élancer, en selle sur Less is More Chavannaise (Asca Z x Jenson van ‘T Meulenhof), née à la maison, à moins de 50 kilomètres de là.
Une histoire comme on en rêve dans le sport belge : un cheval du cru, une famille soudée, une cavalière qui monte “sa” jument depuis toujours.


“Depuis le premier parcours que j’ai fait avec elle, j’ai toujours dit à papa qu’elle avait quelque chose de spécial”, souffle Émilie, encore émue.
Huit ans, les yeux pleins d’étincelles, la jument s’élance. Les virages ? À plat. Less is More ne fait pas une foulée en trop. Un barrage design, digne de Mies van der Rohe. C’est clair, c’est net.
Dernier oxer. 34.58. Les vannes lacrymales de la famille Evrard peuvent s’ouvrir.

Pleurs, joie, famille
“C’est la consécration de tout ce qu’elle nous a déjà donné. Elle n’a que huit ans…” dit Émilie, les mots hachés par l’émotion.
Au paddock, sa sœur Elise, vétérinaire et complice de tous les jours, participe à la scène, tremblante, les yeux humides.
“Elles sont incroyables toutes les deux. Ce duo ne cessera jamais de nous impressionner. À chaque grand rendez-vous, elles sont là.”

L’élevage Chavannaise, c’est une entreprise de famille. Papa (Yvan), les filles, les poulains. Quinze naissances par an, du travail, des rires, parfois des engueulades, souvent des miracles.
“On essaie maintenant d’élever moins, mais mieux. Avec des juments vraiment hors normes.”
L’avenir selon Émilie
Une victoire pareille, ça ouvre forcément des portes, et quelques questions.
Pour Émilie, l’avenir de Less is More se jouera avec le cœur… mais aussi avec raison.

“Elle a tout pour devenir un cheval de Grand Prix. J’espère la revoir, peut-être plus avec moi, mais dans des cinq étoiles où elle pourra briller comme elle le mérite.”
Une phrase douce-amère, parce qu’elle sait que les chevaux exceptionnels finissent souvent par changer de main.
“Ce serait égoïste de la garder si ça devait l’empêcher de faire du très haut niveau. Elle mérite sa chance.”

Juste la foi tranquille d’une cavalière qui connaît sa jument par cœur et qui veut le meilleur pour elle.
Et quoi qu’il arrive, Less is More Chavannaise restera “de la maison”, une des plus belles cartes de visite que puisse rêver un élevage familial.


