Il y a des histoires de chevaux. Et puis, il y a des histoires de cœur. Celle de First Step Valentin, c’est un peu les deux à la fois : un cheval de Grand Prix, dressé au millimètre par Larissa Pauluis, qui change de main pour rejoindre une autre amazone belge de haut vol, Charlotte Defalque. Mais attention : pas question ici de transfert sec façon mercato, plutôt d’un passage de flambeau en toute amitié. Une belle leçon d’esprit d’équipe à la belge, et un petit parfum de rêve collectif .
« Valentin, c’est mon cheval de cœur »
Quand on parle de Valentin, les yeux de Larissa brillent. Et pas seulement parce qu’il s’agit d’un cheval de Grand Prix. First Step Valentin, c’est aussi un projet né à deux, avec son regretté mari, Grégoire Naslin. Ensemble, ils avaient fondé beaucoup d’espoir dans ce cheval, et à juste titre.
« Valentin, c’est mon cheval de cœur. Et puis, je ne sais pas monter deux chevaux dans les grosses épreuves, parce que c’est interdit. Donc, plutôt que de laisser le cheval un peu de côté, je trouvais ça super intéressant et très chouette sportivement de lui permettre d’avoir un cheval pour essayer d’intégrer l’équipe. Il faut que ça clique, il faut qu’il y ait des résultats et il faut que le couple se fasse. »
Pour Larissa, le choix de confier Valentin n’est donc pas anodin. C’est un geste de confiance et d’amitié, mais aussi une manière de prolonger l’histoire d’un cheval qui compte plus que les autres.
« Oui, c’est un luxe d’avoir deux chevaux exceptionnels au même moment. Mais c’est aussi l’opportunité de faire quelque chose de vraiment bien sur le plan sportif, pour la team. Je trouve ça super chouette. C’est notre aventure simplement. »
Pourquoi Charlotte ? La réponse fuse, sincère, spontanée :
« Parce que c’est quasiment ma meilleure amie. Et parce que je trouve qu’elle monte bien et qu’elle le mérite. C’est très difficile, quand on a eu accès à ce genre de niveau, de redescendre. Donc là, on avait l’opportunité de faire quelque chose de vraiment chouette. Je trouve ça super sympa et j’aimerais bien mettre toutes les chances du côté de la team, ce serait top. »
Une phrase simple, mais lourde de sens : dans un sport souvent marqué par la compétition et l’individualisme, Larissa choisit le collectif, l’amitié, et la transmission.
Et puis, il y a aussi la lucidité :
« Le cheval de Charlotte (Botticelli) a 19 ans, donc il est toujours en Grand Prix. Mais elle ne va pas encore pouvoir planifier beaucoup de saisons, il est trop vieux pour ça. »
« Un cadeau de Noël avant l’heure »
Charlotte, elle, parle de cette aventure comme d’un joli hasard devenu un projet solide :
« Oui, c’est vrai ! Cela fait un petit temps qu’on en parlait, mais sans jamais que quoi que ce soit ne se concrétise vraiment. Avec Larissa, on a une très belle amitié : on passe beaucoup de moments à refaire le monde, parfois autour d’un petit verre de vin… À la base, c’était presque une boutade entre nous. Puis, de fil en aiguille, comme je parlais de mettre Botticelli à la retraite sportive, l’idée a commencé à prendre forme, et finalement, on l’a concrétisée. »
Le duo se met au travail dès la mi-septembre, au retour des championnats d’Europe.
« On a commencé à travailler ensemble à partir de la mi-septembre. On a gardé ça un peu pour nous, pour voir comment ça se passait — d’autant que Valentin n’était plus sorti en compétition depuis le début de l’année, et qu’il avait été castré entre-temps. Il fallait voir comment il allait évoluer, et si le match entre nous fonctionnait. »
Et visiblement, le match fonctionne.
« On a finalement fait notre “révélation”, notre petite surprise, lors d’un stage avec la fédération la semaine dernière. Depuis, la nouvelle n’est plus vraiment un secret ! Mais on reste prudents : on veut d’abord voir comment ça se passe en compétition avant d’afficher de grandes ambitions. L’idéal serait évidemment une qualification pour les Championnats du monde l’année prochaine… mais on va y aller step by step. »
Valentin, un cheval avec énormément de caractère
À l’entendre, Charlotte parle de la rencontre avec Valentin comme d’une rencontre de tempéraments:
« Valentin est un cheval avec énormément de caractère, mais aussi énormément à donner, et c’est ce que je trouve très beau. Quand on est en symbiose avec lui, il est capable de tout offrir. Il a une vraie sensibilité, une attache forte envers son cavalier. C’est aussi un cheval d’expérience, qui connaît son travail, et c’est toujours un plaisir de monter ce type de chevaux. On peut se concentrer sur le détail, sur la finesse. »
Le défi maintenant : apprendre à parler la même langue.
« Comme je disais, on avance vraiment étape par étape. Il faut apprendre à se connaître, à construire la relation. Ça ne se fait pas du jour au lendemain. J’espère qu’on pourra rapidement se découvrir en extérieur et débuter sur les concours nationaux, probablement en novembre. L’objectif serait ensuite de décrocher une sélection pour l’international et construire progressivement la saison. »
Et puis, il y a cette petite touche d’humour entre copines :
« On en rigole souvent avec Larissa : on a chacune nos aides, nos “boutons” à nous. Je mesure 1m50, Larissa est bien plus grande, donc forcément les jambes tombent à des endroits différents pour le cheval ! Il faut juste un peu de temps pour que tout le monde s’aligne. Mais à la maison, tout se passe très bien. »
Botticelli garde sa place
Pas question pour Charlotte d’oublier son compagnon de toujours.
« Absolument pas. Botticelli (Vivaldi x Valinja (Koss)) reste mon partenaire, et on a encore des perspectives pour la fin de saison afin de boucler la boucle de notre belle aventure. Je ne l’abandonne pas : il va continuer à travailler à la maison. C’est une retraite sportive, pas une retraite tout court ! Il adore sa routine, qu’on s’occupe de lui, donc tout ça va continuer. Il apprend simplement à partager un peu (rires). Mais il avait déjà l’habitude, puisque j’ai déjà un jeune cheval à côté de lui. Notre relation ne changera pas, elle est unique. »
Une page se tourne, mais sans mélancolie : juste la promesse de continuer à écrire de belles lignes.
Sur le papier, ce transfert a tout du bon coup pour le dressage belge. Larissa Pauluis avec Flambeau, Charlotte Defalque avec First Step Valentin et Justin Verboomen avec Zonik Plus : voilà une équipe de rêve que la Ligue Equestre Wallonie Bruxelles doit déjà imaginer défiler sous le drapeau noir-jaune-rouge.
(Eugène Mathy, Président de la LEWB, Charlotte Defalque, Justin Verboomen, Larissa Pauluis et Marie-Isabelle Lomba, DG Sport ADEPS)
Charlotte s’enthousiasme :
« Ce serait un magnifique rêve ! On s’entend tous les trois très bien, et la dynamique en Belgique est vraiment positive. Je vois une énorme différence par rapport à il y a quelques années. Alors oui, si un jour on peut représenter la Belgique ensemble, j’en serais extrêmement fière. »
Dans un sport souvent solitaire, Larissa et Charlotte signent ici un geste rare : celui du partage. Et peut-être, sans le savoir, viennent-elles d’offrir à la Belgique son prochain grand couple de dressage. First Step Valentin, un cheval, deux femmes, un rêve commun : avancer, ensemble, step by step.
