Les Coupes des nations de concours complet avaient un petit goût de championnat comptable : un long marathon de points où les calculatrices pouvaient parfois couronner un vainqueur avant même que le dernier cross ne pointe le bout de son galop. Pas franchement le scénario idéal pour donner des frissons aux tribunes. Mais ça, c’était avant.
David O’Connor, patron du comité FEI eventing et champion olympique, bref, quelqu’un qui sait ce que ça fait de jouer pour de vrai, a annoncé la mue : un changement pensé pour donner un petit shoot d’adrénaline à une série qui en manquait parfois. “Nous avons un véritable potentiel de croissance”, assure-t-il. Et la recette est simple : Les équipes se battent au cours de la saison et puis hop, reset général pour une finale entre les qualifiés. Tout le monde repart à zéro. Pas de points d’avance, pas de matelas, pas de sécurité. On efface tout et on laisse parler le sport. Vous pensez » Ben oui, comme en obstacle quoi » et vous n’avez pas tout a fait tort.

Il promet un format “capable de créer du grand sport, de la grande passion et de l’excitation”. Traduction : les chefs d’équipe vont transpirer comme au contrôle vétérinaire et les tribunes vont arrêter de regarder les points sur leur téléphone.
Parce qu’on l’a vu aux derniers Européens : une victoire arrachée “au dernier obstacle du dernier cavalier du dernier jour”, ça vous claque une dramaturgie qu’aucun tableur ne pourra jamais offrir.

Boekelo 2026 : théâtre du renouveau
Pour cette première finale version reboot, la FEI n’a pas fait dans la dentelle : direction Boekelo, gazon mythique, ambiance bière-frites, public dense comme un cross du dimanche matin.
Du 1er au 4 octobre 2026, le complet version haute tension entre en scène.
2027 ? Encore plus pimenté : une finale qui offrira carrément un ticket olympique pour Los Angeles 2028 à la meilleure équipe non encore qualifiée.
Tout se jouera au classement général, mais avec points doublés en finale pour tout le monde histoire de rajouter quelques gouttes de sueur.
Il faudra aussi se qualifier pour cette fameuse finale. On imagine déjà les trailers filer aux quatre coins de l’Europe au printemps : kilomètres, ferrages, gasoil, vétérinaires et budgets serrés.
Lara de Liedekerke : « Un peu sceptique »
8e mondiale, recordwoman du nombre de victoires internationales sur une saison, Lara de Liedekerke apprend le changement… Et elle n’est pas sûre de lever le pouce immédiatement :
« C’est un palier important… difficile d’avoir une réflexion vraiment construite. »
Elle comprend l’idée, mais rappelle que le complet, c’est autre chose qu’un simple copier-coller du jumping :
« Le complet est beaucoup plus discutable sur la régularité des trois épreuves. »

Et surtout, la Belgique n’a pas le vivier des grosses nations, Angleterre, France, Allemagne.
Cette année, les Belges avaient pu gratter des points “à gauche et à droite”, mais courir partout n’est pas simple :
« Financièrement, ce n’est pas facile d’envoyer des chevaux partout en Europe. »
Une autre inquiétude : les points doublés et les règles qui changent en cours de route.
« Je trouve ça embêtant de changer les règles quand ça devient si important. »
Et puis il y a le calendrier, éternel casse-tête du complet :
« Cette année, il y avait déjà un clash avec Avenches… Il y a toujours un problème, une contrainte. Ça refroidit. »
Conclusion ?
Un prudent « À voir ».

Sébastien Cavaillon : “Plus ouvert, plus logique”
En France, Sébastien Cavaillon, vainqueur du 4* long de Saumur en 2024, accueille la réforme avec davantage d’enthousiasme.
« Cela ouvre un peu plus les possibilités. Les deux dernières années, on connaissait déjà le vainqueur bien avant la fin. »
Pour lui, réunir davantage de nations, notamment les Américains, c’est plus juste, plus proche de ce qu’on voit sur une saison normale ou aux Jeux.
Et l’ajout d’une place olympique à partir de 2027 ?
Un vrai booster :
« Oui, ça peut attirer plus de nations. C’est très bien. »

Reste un point noir : l’argent. Aujourd’hui, chaque organisateur choisit sa dotation, parfois inexistante.
« Il manque un sponsor titre. Il faudrait rendre le circuit plus attractif financièrement.
Harmoniser les dotations. Un vrai partenaire, comme Longines ou Rolex en obstacles. »
Sur la question des grosses nations favorisées ?
Il tempère : c’est déjà le cas, mais contrairement aux championnats, les Coupes des nations restent une porte d’entrée pour les nouveaux couples. « C’est comme ça que j’ai pu entrer en équipe de France. »
Et surtout, courir en équipe, ça reste spécial :
« On passe l’année en sport individuel. Les Coupes des Nations permettent de vivre autre chose. J’adore ça : la cohésion, le collectif. » conclut le cavalier Français.

Le complet version FEI : plus vivant, plus lisible, plus intense
Entre les sceptiques, les optimistes et les pragmatiques qui comptent les kilomètres sur le compteur du camion, une chose est sûre : la FEI veut du sport vivant, palpitant, vibrant.
Une finale où rien n’est joué tant que le dernier cheval n’a pas franchi la ligne.
O’Connor a appuyé sur le bouton “Reset”. Maintenant, reste à voir si la machine à frissons s’allume comme prévu.
En attendant, Boekelo 2026 peut se préparer : ça risque d’être électrique.
Découvrez le nouveau règlement ici (en anglais)
(Photo cover © FEI/Libby Law)