Résistance aux vermifuges : l’épidémie silencieuse qui menace les écuries

Publié par Sébastien Boulanger le 05/12/2025


La résistance aux vermifuges n’est plus une théorie de labo : c’est une bombe à retardement qui explose déjà dans de nombreuses écuries européennes. Face à des parasites de mieux en mieux armés, le projet WORMS au Royaume-Uni pousse à une prise de conscience collective. Diagnostic coprologique, gestion des pâtures, suivi individualisé… Les écuries, centres équestres et pensions détiennent une partie de la solution, à condition de changer leurs réflexes. Et de travailler main dans la main avec les vétérinaires.

Pourquoi la résistance progresse : un ennemi qui apprend vite

Pendant longtemps, on a vermifugé « au calendrier » : deux fois par an, parfois quatre, toujours les mêmes molécules. Résultat ?
Les strongles et ascaris ont compris le jeu. Ils ont muté, se sont adaptés, et aujourd’hui, plusieurs études européennes confirment une baisse d’efficacité de certaines molécules, notamment les benzimidazoles.

Cette tendance s’accélère dans les structures où les chevaux sont nombreux, où les rotations de pâtures sont limitées et où les vermifuges sont administrés sans analyses préalables. Autrement dit : un terrain parfait pour sélectionner des parasites qui deviennent insensibles aux traitements.

WORMS : un projet britannique pour reprendre le contrôle

Le projet WORMS (Working On Reducing Medicines in equine Sector) (Worms veut aussi dire vers en anglais) veut remettre de l’ordre dans la pratique. Son ambition :

  • Former les professionnels et gestionnaires d’écuries.
  • Éduquer les propriétaires sur l’utilisation raisonnée des vermifuges.
  • Harmoniser les protocoles de gestion parasitaire.
  • Encourager l’adoption systématique des analyses de fèces (FEC — faecal egg count) avant toute administration.

L’idée est simple : passer d’une stratégie « vermifuge systématique » à une approche médicale, personnalisée et réellement efficace. Idée dont le continent pourrait s’inspirer rapidement.

Les bonnes pratiques pour les centres équestres

1. Tester avant de traiter

Le FEC est la clé. (Fecal Egg Count) pour faire simple: comptage des œufs dans les crottins.
Un cheval qui excrète peu d’œufs n’a pas besoin d’être vermifugé. Un autre, plus « excréteur », demandera un suivi plus rapproché. Le traitement devient individualisé, adapté, intelligent.

2. Gérer les pâtures comme un vétérinaire gère un protocole

Les parasites se jouent des clôtures, mais pas d’une gestion stricte :

  • ramassage régulier des crottins,
  • rotation des parcelles,
  • éviter le surpâturage,
  • co-pâturage avec des ruminants (quand possible).

Chaque geste réduit la pression parasitaire — et donc le besoin de vermifuger.

3. Isoler (temporairement) les nouveaux arrivants

Un cheval qui arrive dans une nouvelle écurie peut introduire des parasites résistants.
La bonne pratique : FEC + traitement ciblé + contrôle avant intégration au troupeau.

4. Travailler en binôme avec un vétérinaire

Le suivi parasitaire n’est pas un bricolage maison.
Un vétérinaire accompagne :

  • l’analyse des résultats FEC,
  • le choix des molécules,
  • le bon dosage,
  • l’évaluation d’une éventuelle résistance sur place.

5. Contrôler l’efficacité

Deux semaines après un vermifuge : FEC de contrôle.
Si le taux diminue trop peu, la résistance s’installe.

Pourquoi c’est urgent : les risques sanitaires explosent

Des vermifuges qui ne fonctionnent plus, ce n’est pas seulement embêtant : c’est dangereux.
Les ascaris peuvent provoquer des coliques fatales chez les jeunes chevaux, les strongles (vers ronds parasites) endommagent les intestins et peuvent entraîner amaigrissement, baisse de forme et complications graves pouvant conduire jusqu’à la mort;.

Si les molécules deviennent inefficaces, il n’existe aucun plan B à court terme.

Vers une nouvelle culture de gestion parasitaire

Les vermifuges ont sauvé des milliers de chevaux depuis 40 ans. Mais ils ont été victimes de leur propre succès.
Passer à une gestion raisonnée, c’est adopter une culture plus responsable : observer, analyser, décider, plutôt que dégainer le tube en pilotage automtique.

Pour les écuries, c’est aussi une opportunité :
mieux maîtriser la santé du troupeau, réduire les coûts, e^tre rassuré sur l’impact des vers.

La résistance n’est pas un fantasme, ni une tendance de niche. C’est une réalité qui s’impose à tout le secteur.
Avec le projet WORMS comme inspiration et une collaboration étroite entre gestionnaires et vétérinaires, les écuries peuvent reprendre la main.
La lutte contre les parasites ne se gagne pas à coups de seringue, mais avec de la méthode, du suivi… et un peu d’humilité.

Cycle de vie de Parascaris (ver rond (nématode))spp.

  1. Des œufs contenant des larves infectieuses sont ingérés par le poulain.
  2. Les œufs éclosent dans l’intestin grêle et les larves pénètrent la paroi intestinale.
  3. Environ une semaine après l’infection, les larves migrent à travers le foie.
  4. Deux semaines après l’infection, les larves atteignent les poumons et les voies respiratoires.
  5. Les larves remontent par la trachée et le pharynx, puis sont de nouveau avalées. De retour dans l’intestin grêle, elles se développent en vers adultes capables de se reproduire.
  6. La période prépatente dure environ 10 à 15 semaines ; les œufs sont alors rejetés dans l’environnement avec les fèces du poulain.