Il y a des semaines qui ne devraient jamais exister. Pour Sacha Beghuin, c’est une saison entière qui s’effondre : Elcup van Beek II Z, son cheval de tête et de cœur, s’est cassé la jambe à Oliva. Lui s’est déchiré les ligaments d’un genou en tentant de le soutenir. Résultat : cheval opéré, radios sous surveillance, cavalier bientôt à l’hôpital, et une écurie à réorganiser en urgence. Une période noire — mais affrontée avec une lucidité désarmante.

“J’ai entendu un crack. Tout le concours l’a entendu.”
La scène se déroule à Oliva, lors d’un simple parcours d’échauffement avant le Grand Prix du lendemain. Rien d’engageant, rien de risqué. Un tournant un peu serré, un cheval en pleine forme, presque rajeuni après plusieurs mois de gestion méticuleuse avec de bons résultats à la clé (Une victoire dans le GP 2* de Lier une belle prestation aux Championnats de Belgique,…). Puis le bruit. Un bruit sec, horrible, qui fige tout le concours. « Il allait droit, bien relax… et j’ai entendu un gros crack. Tout le concours l’a entendu je pense », raconte Sacha.
Dans la fraction de seconde qui suit, tout se renverse. Elcup s’est cassé la jambe. Le cavalier saute immédiatement au sol et attrape le genou du cheval pour le soutenir. À la réception, là, c’est son propre genou qui cède. genou cède. Deux destins sportifs qui basculent nets en une seconde.
Elcup en clinique : une opération réussie malgré la gravité
Pour le cheval, la décision est immédiate : direction la clinique. « C’est mon cheval de cœur. Il m’a fait grandir dans le haut niveau », souffle Sacha. L’opération se déroule bien, et les jours qui suivent , les plus critiques, s’enchaînent sans complications. Ni fourbure, ni coliques, pas même un signe d’alerte. Une semaine après, les radios sont parfaites. Les doigts commencent à se décroiser. mais pas encore complètement. D’autres contrôles ont lieu cette semaine encore, et si tout continue d’évoluer correctement, Elcup pourra rentrer à la maison dans deux semaines.
L’avenir reste un grand terrain d’incertitude. Peut-être qu’il pourra refaire un peu de sport, à un niveau raisonnable. Mais plus avec Sacha. « Je ne veux pas prendre le risque de lui faire du mal », insiste-t-il. « j’imagine plutôt quelques petites épreuves avec ma compagne, juste pour garder le cheval actif sans le solliciter inutilement. » Et si le sport n’est plus une option, une autre piste prend forme : le lancer dans la reproduction dès l’année prochaine. Entier, bien né, avec Elvis ter Putte et Armitage dans le pedigree, et des premiers résultats prometteurs, Elcup a clairement quelque chose à transmettre.

Et puis il y a le cavalier : une rupture des croisés et une opération prévue
Pour Sacha, la suite n’est pas plus légère. Conseillé par plusieurs cavaliers, il se rend chez Lieven Maeschaalck, le kiné devenu référence des sportifs belges. Là-bas, il croise Kevin De Bruyne, discute, consulte, et finit par rencontrer le chirurgien. Le Dr Declercq qui a déjà opéré le diable rouge. Le diagnostic tombe en quelques gestes . « Il a pris mon genou entre ses mains et l’a déboité tout simplement, comme ça. » Les ligaments croisés sont complètement abîmés. Pas de débat, pas de plan B. Il doit se faire opérer. Ce sera mardi prochain.
La rééducation s’annonce longue. Trois mois seront nécessaires avant de pouvoir remonter en dressage, si tout se déroule parfaitement. Il faudra attendre le quatrième mois pour ressauter. Cet hiver, Sacha ne remettra donc plus un pied en piste. La reprise se fera directement en extérieur, au printemps. « Je vais toujours à Oliva en début de saison hivernale car ça raccourcit la période où l’on saute à l’intérieur. Cette année en ce qui concerne l’intérieur, c’est déjà fini. »
En attendant, les journées seront rythmées par la route vers Anvers, trois heures de trajet quotidien pour une revalidation intensive. « Je préfère ça, et remonter correctement, plutôt que de bâcler et perdre du temps », explique-t-il avec le pragmatisme qu’on lui connaît.

Une écurie qui tourne malgré tout, et un moral qui tient
Impossible pour lui de rester au lit. Les médecins peuvent dire ce qu’ils veulent, il passe ses journées aux écuries. Il groom, fait les boxes, passe la piste, donne cours. Il plaisante en disant que les rôles se sont inversés : « Les grooms montent, et moi je fais le groom. » Mais la vérité, c’est que son genou reste gonflé, et que les kinés lui demandent de lever le pied.
Pour faire tourner l’écurie, il a mis en place une solution maison : son cavalier monte les chevaux à sa place. Travailleur, impliqué, il assure la continuité, sortira en nationaux, fera évoluer les chevaux et maintiendra la machine en route. La recherche d’un groom de concours, elle, est mise en pause : inutile pour le moment.
Un moment noir, mais pas une fin
C’est sa première grande blessure depuis qu’il est cavalier professionnel. La première qui le force à s’arrêter, vraiment. La première qui met un frein brutal à une saison planifiée au millimètre. Et pourtant, malgré la violence du choc, rien dans son discours ne trahit l’abattement. Juste une immense lucidité, et l’énergie calme de ceux qui savent qu’ils reviendront.
Elcup, lui, suivra sa propre route. Peut-être un peu de sport. Peut-être la reproduction. Peut-être les deux.
Sacha reviendra aussi. Plus tard. Plus fort. Réparé. Cette période noire n’est qu’un chapitre à vite refermer.