A Fontainebleau ce week-end, Simon Delestre avait décidé d’emmener Kinmar Agalux pour le championnat de France. Une jument irlandaise de 12 ans qui évolue au plus haut niveau sous la selle de la cavalière thaïlandaise Janakabhorn Karunayad. Malheureusement, cette dernière s’est cassé la cheville et étant qualifiée pour les Jeux Olympiques de Paris, elle a demandé au cavalier français de sortir sa jument pour se donner toutes les chances d’atteindre son rêve olympique si elle réussit à retrouver la forme dans les temps. Ce premier essai s’est transformé par une première médaille, Simon Delestre décrochant l’argent lors de ce championnat de France Elite avec la manière et une finale double sans-faute impressionnante.
Une bonne raison pour retracer l’histoire de cette jument avec son naisseur, Gerry Marron de Kinmar Stud.
Comment s’est passé l’arrivée de la mère d’Agalux et le fait d’utiliser à l’époque un jeune étalon inconnu tel que Aganix?
Gerry Marron : « J’ai vu une annonce d’une yearling à vendre par Lux Z. J’ai toujours pensé que les juments par Lux Z était très bonne et en plus, il y avait beaucoup de sang dans son pedrigree. C’est ainsi que nous avons fait l’acquisition de Kinmar Lux Good (Lux Z x Master Imp xx). Elle était facile à travailler, pas très grande mais avait une conformation parfaite. Chez nous au Kinmar Stud, chaque membre de la famille, (ma femme Mary, mes trois fils, Eamon, Cillian et Diarmaid) joue un rôle essentiel dans le programme d’élevage et nous partageons nos avis avant de décider.
Mes trois fils et moi-même l’avons fait sauter en liberté à l’âge de 3 ans et nous avons estimé qu’elle était très bonne, nous avons donc décidé de la saillir et de la garder pour l’élevage. Son premier poulain était par Ars Vivendi … qui concourt actuellement en concours complet 4*.
- photo Gerry Marron en compagnie d’Aganix du Seigneur lors d’une visite à Zangersheide
Entretemps Luc Henry m’avait contacté par l’intermédiaire de Dermott Lennon car il cherchait à rencontrer quelqu’un en Irlande avec qui il pourrait travailler et créer un élevage ici. Luc aimait la façon dont les chevaux étaient élevés en Irlande et, en 2008, nous avons commencé à travailler ensemble. Je lui ai rendu visite un peu plus tard dans l’année et alors que j’étais en Belgique, il m’a emmené voir un poulain de 2 ans qu’il avait récemment acheté. Ce poulain n’était autre en fait que le futur étalon star de Zangersheide : Aganix du Seigneur! Nous l’avons fait sauter en liberté et je peux encore vous dire aujourd’hui comment il avait sauté ! Je n’avais jamais vu ça! Je vous assure que vous n’avez pas besoin de vidéo pour vous rappeler ces moments là.
Nous avions convenu avec Luc qu’il m’envoie de la semence congelée d’Aganix et j’ai donc inséminé Kinmar Lux Good avec Aganix. Elle a été en fait la première jument en Irlande à être inséminée par Aganix et Tina (petit nom de Kinmar Agalux) a été le résultat de cette insémination. »
Comment et à quel moment vous êtes-vous rendu compte qu’Agalux était probablement un cheval qui sortait de l’ordinaire ?
G.M.: « Tina, alors âgée de 3 ans, était également une jument très vive. Cillian, mon fils, a commencé à la travailler avec au sol à la longe et aux longues rênes. Plus tard, elle a été débourrée par Keith Wilson. Je crois qu’il a eu de temps en temps quelques moments de frayeur sur elle ! Après deux mois sous la selle, il nous a dit qu’elle était prête pour intégrer une écurie de concours. Il a tout de suite déjà senti que Tina était spéciale. Je savais alors que le meilleur endroit pour Tina était l’écurie de l’ancien champion du monde Dermott Lennon à Banbridge. Moi-même et Dermott avons travaillé ensemble depuis 2009. J’ai déposé Tina chez Dermott et quatre jours plus tard, il m’a téléphoné pour savoir ce que je prévoyais pour elle. Nous avons alors formé un partenariat à 3 avec Dermott, mon oncle Eamon Bishop et moi-même. Huit mois plus tard, Dermott l’a amenée à son premier concours au très connu Centre Équestre de Cavan. Il l’a sellée, l’a emmenée à la longe dans le passage entre les deux arènes et il y est resté pendant environ une heure. Il est retourné au camion et je pensais qu’il allait alors monter sur Tina, mais au lieu de cela, il a commencé à lui enlever tout son harnachement. J’ai demandé à Dermott si quelque chose n’allait pas et il m’a répondu « non ». « Elle a vu et appris assez de choses pour aujourd’hui ». J’ai compris ce jour-là que la route allait être longue avec elle mais je savais aussi qu’elle devait être une jument très spéciale car voir un champion du monde faire ce qu’il avait choisi de faire avec elle était juste incroyable. »
Comment s’est déroulé la suite de sa carrière ?
G.M.: « À partir de ce moment-là, Dermott l’a emmenée à des concours d’entraînement et lui a peu à peu fait prendre confiance en elle. Je pense qu’il est très important de commencer l’éducation des jeunes chevaux avec la bonne personne. Il y a tellement de bons chevaux perdus à cause d’une mauvaise gestion lorsqu’ils sont jeunes.
Il y avait régulièrement quelqu’un qui s’intéressait à elle lors des entraînements ou lors des petits concours auxquels elle participait, mais Dermott disait toujours que nous vendrions Tina quand elle serait prête, pas quand nous, nous serions prêts. En avril 2020, Dermott a parlé de Tina à la cavalière thaïlandaise Janakabhorn Karunayad et à son entraîneur Stuart, qui avaient observé ses progrès et suivi son évolution depuis le début de sa carrière. Ils ont organisé un essai. Immédiatement, Tina a plu à la cavalière et elle a acheté la jument. Le reste appartient à l’histoire ! »
Étant donné qu’Agalux avait l’air de continuer à montrer de très bonnes dispositions chez Dermott, avez-vous eu l’idée d’élever avec elle avant qu’elle ne soit vendue ?
G.M.: « En fait oui, en 2017, nous avons effectué trois transferts d’embryons avec elle. Sur les recommandations de Luc Henry, nous avons décidé d’utiliser les 3 étalons suivants : Urano de Cartigny, Untouchable 27 et O’Neill Van’t Eigenlo. Dermott a vendu son hongre par Urano à la cavalière l’année dernière. La pouliche d’Eamon Bishop, Kinmar Jai, par Untouchable 27 est très similaire à Tina et elle est actuellement sous la selle très professionnelle d’Angela Waras, ancienne groom et cavalière de Dermott. Elle a l’air très spéciale également. Mon propre embryon par O’Neill Van’t Eigenlo est une pouliche et nous avons décidé en famille de la garder pour l’élevage. »
Avez-vous encore d’autres produits issus de la mère d’Agalux?
Il nous en reste au moins deux qui ont été testé. Nous avons un demi-frère de Tina, c’est un hongre de 3 ans qui est par For Kinmar Hero Z (For Pleasure & Alana Hero Z (Aganix du Seigneur x Diamant de Semilly)). Il nous donne beaucoup d’espoir lors de séances de saut en liberté et il sera débourré cette année.
Ensuite, nous avons aussi, encore avec Dermott, une propre sœur de Tina, Kinmar Abbey. C’est une jument baie foncée de 5 ans qui a beaucoup de similitudes avec sa sœur. Elle est actuellement déjà dans les écuries de Dermott. Espérons qu’elle suivra les traces de Tina !
Vous attendiez vous à ce que Kinmar Agalux puisse un jour participer aux JO?
G.M.: « Luc m’a souvent dit qu’un jour j’élèverais un cheval olympique. En fait il avait peut-être raison si Tina y va. Nous espérons bien entendu que Tina pourra aller aux Jeux Olympiques avec sa cavalière et qu’elle pourra y réaliser une belle prestation pour cette édition 2024 qui aura lieu à Paris. »
Que représente pour vous le fait d’avoir un cheval sélectionné pour les JO?
G.M.: « Cette une grande joie et une grande fierté pour notre famille et notre élevage que d’avoir un cheval qualifié pour les Jeux Olympiques. C’est un peu un aboutissement et nous leur souhaitons le meilleur. »
