Dublin, dimanche après-midi. Le soleil joue à cache-cache avec les nuages au-dessus du RDS Main Arena, mais dans les tribunes, c’est déjà la fournaise. Quarante cavaliers triés sur le volet, un parcours signé Alan Wade, le maestro irlandais qui sait doser les difficultés comme personne, et une seule équation à résoudre : 14 obstacles, 17 efforts, 77 secondes pour éviter de se faire crucifier par le chrono et les barres. Spoiler : presque tout le monde va y laisser des plumes.
Le premier à se jeter dans la gueule du loup, Kevin Jochems, rate le coche dès les premières foulées avec Camilla van de Helle (L.B. Crumble x Casall) . Deux fautes, une pénalité de temps, et un message clair : ici, pas de place pour les distraits. Derrière, l’Irlande compte sur Shane Sweetnam avec James Kann Cruz (Kannan x Cruising) pour faire rugir la foule. Il galope à bloc, boucle son tour en 74″39… mais laisse filer une barre. Même tarif pour les cadors Aaron Vale et Harrie Smolders, pourtant en pleine bourre après Dinard : Wade ne fait pas de sentiment.

Tout le monde au tapis…ou presque
Les passages s’enchaînent, les fautes aussi. Au 19ᵉ départ, le 4 points de Sweetnam tient toujours la tête d’affiche. Eugenio Garza Pérez y croit, mais explose sur le dernier obstacle. Tom Wachman, gamin prodige du cru, sort avec les 4 points réglementaires et pile-poil dans le temps. Le suspense monte, l’adrénaline aussi. Rodrigo Pessoa dégaine un chrono rapide avec son Major Tom (Vagabond de la Pomme x Heartbreaker), mais lui aussi tape une barre. Amy Millar voit ses espoirs s’écraser sur l’avant-dernière ligne. Seamus Hughes Kennedy, dernier espoir vert, termine avec un lourd 8 points. Il reste deux cavaliers et toujours pas de sans faute…

Et là, Laura Kraut entre en scène. Casque vissé, regard concentré, la championne olympique ne s’emballe pas. Elle tricote son parcours avec Bisquetta (Bisquet Balou vd Mispelaere x Takashi van Berkenbroeck) comme on tisse une dentelle à Bruges. Fluide, millimétré, impécable. Le chrono s’arrête à 73″97. Zéro faute. Les tribunes explosent. Le seul clear round du jour, le Graal.

Quand la cloche retentit pour le dernier concurrent, tout le monde sait déjà que c’est plié. Kraut vient de livrer une masterclass dans l’un des GP les plus impitoyables vus à Dublin depuis des années. Treize abandons, des champions envoyés au tapis, et elle, seule survivante, plantée au sommet avec le sourire tranquille de celle qui vient d’écrire l’histoire. De fait, Trevor Breen Jette l’éponge avant même la fin.
À Dublin, ce dimanche pour l’avant dernière manche des Rolex Series, il n’y avait qu’une reine. Elle s’appelle Laura Kraut. Et elle était intouchable.

Les résultats complets du Grand Prix ici
(Photos © Rolex Series)