Victor Bettendorf et Doha de Riverland : la Dolce Vita en mode 5 étoiles

Publié par Sébastien Boulanger le 11/10/2025

Rome, fin d’après-midi, soleil rasant sur le Circo Massimo. Et un Luxembourgeois qui sourit, presque surpris.
Victor Bettendorf vient de signer sa première victoire en cinq étoiles avec Doha de Riverland, un hongre de 12 ans (Nabab de Rêve x Quaprice Bois Margot), élevé par Leslie Pelat et, depuis un an, copropriété du couple Bettendorf et de l’éleveuse.

Une victoire dans l’épreuve à 1,50 m du Longines Global Champions Tour de Rome. Pas encore un Grand Prix, mais un vrai symbole : celui d’un couple qui vient de changer de dimension.

« Non, je ne la sentais pas venir, cette victoire », sourit Victor. « J’ai vu les premiers partir au barrage, je me disais qu’un top 5, ça allait être bien aussi. Mais ça s’est bien goupillé, j’ai réussi à bien le mettre devant. Il est très, très, très respectueux. »

Le respect comme moteur

Respectueux, Doha ? C’est peu dire.
Sur le barrage, le fils de Nabab de Rêve a montré autant de respect que d’envie : les antérieurs bien rangés, le chrono claqué, le public romain conquis. Et Bettendorf, sans en rajouter, résume le tout avec le pragmatisme qu’on lui connaît :

« C’est un cheval un peu technique. Il y avait deux roll-backs, je savais que je devais prendre des risques. Il a très bien fait, et comme il a beaucoup de respect, ça m’a un peu facilité la chose. »

Un an plus tôt, la rencontre

En juin 2024, Victor découvre ce hongre au moteur discret mais à la tête bien faite.
Avec Adeline, sa compagne, ils achètent la moitié du cheval à Leslie Pelat, dans l’idée, classique, de le valoriser et de le commercialiser. Sauf que Doha, lui, a décidé de brouiller les plans.

« Franchement, je ne pensais pas qu’il allait faire des Grands Prix », avoue Bettendorf. « Mais il est classé à Windsor, classé à Saint-Tropez, un petit quatre points malheureux… Et là, il devient vraiment régulier. À Vienne, il était super, c’est moi qui fais quatre points sur le dernier, pas lui. »

Un cheval technique, chaud, sensible, les adjectifs fusent, mais derrière, la constance s’installe.

« Il commence vraiment à être un des meilleurs chevaux de mon piquet », admet Victor. « J’avais un très bon sentiment quand je l’ai essayé, mais je ne pensais pas qu’il progresserait aussi régulièrement. »

La régularité, le vrai déclic

Le tournant ? Il le situe lui-même :

« Oui, surtout au niveau de la régularité. Au début, il faisait des parcours un peu irréguliers. J’avais du mal. Mais là, ça fait plusieurs concours où, même si ça se passe mal, je ne fais que quatre points. Et ça, c’est un très bon signe. »

Le cheval s’est assagi, le cavalier aussi. Enfin, presque.

« J’ai peut-être été un peu gourmand cette année », reconnaît Bettendorf. « J’avais envie de rester en cinq étoiles. Mais je dois apprendre à être plus patient. Quand on a la gagne, on veut gagner, mais parfois il faut être plus raisonnable. C’est ça qui me manque encore un peu : la patience.
Il faut que j’apprenne encore à temporiser. Je ne connais le haut niveau que depuis deux ou trois ans et, comme j’aime gagner… j’ai fait des erreurs cette année. Ça prouve que j’ai encore des choses à apprendre.
» nous confie Victor.

Entre envie de vendre et goût du jeu

Le Luxembourgeois n’élude rien : Doha reste un cheval à vendre, même si l’histoire prend une tournure de plus en plus sportive.

« S’il reste bien et qu’il permet de performer à ce niveau-là, c’est aussi intéressant pour le vendre après. Donc oui, il y a un peu des deux. »

Mais l’attachement est là. Doha a gagné sa place dans le top 5 des chevaux qui comptent pour Victor.

« J’en ai monté de très bons : Foxy (de la Roque), c’était hors du commun. Mr. Tac, c’était mon cheval de cœur. C’est une histoire un peu différente. Mais dans les très bons chevaux que j’ai montés, Doha est sûrement dans les cinq ou six meilleurs. »

Et la suite ? Direction Riyad.

« Il va encore à Riyad dans deux semaines. Je pense que je vais l’emmener en cheval de tête. Après, ça dépendra des autres aussi pour l’épauler. J’ai deux très bons 9 ans, mais ils ne sont pas encore assez prêts. »

Les Coupes du monde, le casse-tête du Luxembourgeois

Car si tout roule sportivement, côté coupes, ça coince.
Bettendorf, citoyen d’un pays de 500 000 habitants, est privé de Coupe du monde pour une raison aussi absurde que réglementaire :

« Il faut avoir au moins 3,5 millions d’habitants, et nous, on est 500 000. Il me manque 3 millions ! C’est la seule raison pour laquelle je n’ai pas le droit de faire les Coupes du monde, et c’est un peu agaçant. Ça fait trois ans que je me bats et rien ne change. »

Il rit, mais c’est jaune. Il faut une invitation pour participer. Certaines arrivent, d’autres non.

« Certains concours sont super sympas et m’invitent. Ça a été le cas à Bâle et Göteborg, c’était vraiment gentil de leur part.
Mais d’autres ont leurs cavaliers prioritaires, ou vendent leurs places, ce qui est normal. Ce n’est pas du tout une critique envers les concours, mais envers la règle.
»

Et une wild card? Elles ne peuvent lui être délivrées que pour les autres ligues. Autrement dit ok pour être invité à aller sauter en Asie, mais pas en Europe…

Le cavalier luxembourgeois, qui fêtera ses 35 ans dans une semaine, garde donc son calme et ne compte pas trop sur une campagne de natalité hors norme au Grand-Duché pour résoudre le problème. Il espère plutôt voir cette règle un peu injuste évoluer un jour.

« J’aimerais beaucoup faire un jour le circuit Coupe du monde, parce que ce sont des concours traditionnels que j’admire. Si ça change un jour, ce serait super. »

En attendant, il continue de tracer sa route, entre deux cinq étoiles, entre raison et passion, entre patience et envie d’en découdre.

Rome, au Circo Massimo, lui a offert son premier grand moment avec Doha de Riverland.
La suite s’écrira ailleurs, mais sans doute avec le même ton : celui d’un cavalier qui ne surjoue rien.
Juste un homme qui apprend à temporiser… en gagnant.

(Photos © LGCT/Stefano Grasso)