Iron Dames : le fer chauffe-t-il trop vite ?

Publié par Sébastien Boulanger le 17/10/2025

C’est un projet que vous n’avez pas pu manquer. Des Ferrari roses en endurance, des combinaisons fuchsia sur les circuits, des vestes assorties dans les paddocks du Global Champions Tour : depuis 2018, les Iron Dames ont débarqué avec l’assurance d’un blockbuster. Un projet total, pensé par Deborah Mayer pour que les femmes puissent “performer à armes égales” dans les sports mécaniques comme dans l’équitation. Mais depuis quelques semaines, la mécanique grince.

(©LGCT/Stefano Grasso)

Tout est parti d’une rumeur italienne. Un journaliste, bien informé des paddocks automobile, a évoqué des difficultés financières pour la fondatrice du projet. À l’appui, une information qui fait tache d’huile : Mayer aurait mis en vente une partie de sa collection de voitures, dont deux ayant porté les couleurs d’Iron Lynx, la structure sœur des Iron Dames en sport automobile.

Dans la foulée, les signes de fébrilité se sont accumulés. Doriane Pin, étoile montante du programme automobile, a interrompu sa saison de FRECA pour se concentrer sur la F1 Academy. L’équipe Prema, partenaire historique d’Iron Lynx en IndyCar, serait, elle aussi, en difficulté. Et sur la scène équestre, certaines ventes ont commencé à attirer l’attention.

Un empire féminin sur deux fronts

Depuis 2024, Deborah Mayer n’a pas seulement voulu faire du bruit sur l’asphalte. Elle a aussi investi lourdement dans le jumping, en lançant deux équipes dans la prestigieuse Global Champions League. Douze cavalières, des noms de premier plan , Sophie Hinners, Katrin Eckermann, Janne-Friederike Meyer-Zimmermann, Edwina Tops-Alexander, et une écurie flambant neuve : Iron Dames Jumping.

Pour donner des ailes à ce projet, Mayer a multiplié les acquisitions de chevaux d’élite. Dubaï du Cèdre, médaillée de bronze olympique à Paris sous la selle de Julien Épaillard, a rejoint les rangs l’an dernier. Cydello, un hanovrien de onze ans, a été acheté au printemps et confié à Eckermann, avant de rejoindre récemment Edwina Tops-Alexander.

Mais le conte de fées a connu une pause brutale. Dubaï du Cèdre a été revendue, le 12 octobre, à la Fédération équestre saoudienne. Un transfert discret, mais symbolique : cette jument-star incarnait la puissance d’investissement d’Iron Dames.

Les observateurs notent également que d’autres chevaux du piquet pourraient être proposés à la vente. Une inflexion notable pour une structure qui semblait jusqu’ici fonctionner sans la moindre contrainte financière.

Mayer, la volonté d’un modèle`

Derrière les Iron Dames, il y a une femme : Deborah Mayer. 48 ans, financière, ancienne pilote, entrepreneuse, mécène, elle a bâti son image sur la conviction que la performance n’a pas de genre. Le programme a permis à des dizaines d’athlètes féminines d’évoluer au plus haut niveau, de la F4 à l’endurance, en passant par les Grands Prix à 1,60 m.

(© Iron Dames)

Mais l’ambition a un coût. Multiplier les fronts : sport auto, endurance, IndyCar, F1 Academy, jumping, exige des moyens considérables. Et les signaux de septembre laissent penser que la fondatrice doit désormais jongler entre passion, pragmatisme et réalité économique.

Sur le terrain, pourtant, le projet résiste. À Fuji, lors des 6 Heures, le journaliste belge Martin Businaro assurait que les Iron Dames seraient bien présentes en WEC la saison prochaine, et qu’Iron Lynx pourrait continuer grâce à des pilotes apportant leur propre budget. “Des bonnes nouvelles arriveront en temps voulu”, confiait une source dans le paddock.

Trop vite, trop grand ?

En un an, Iron Dames est passée du symbole à l’empire, du rêve à la gestion quotidienne d’un modèle multisport complexe. La structure reste engagée sur les grandes scènes du sport auto : la finale de l’ELMS le 18 octobre, puis celle du WEC à Bahreïn début novembre. Les futurs mouvements aux sein du piquet Iron Dames seront aussi à surveiller puisque l’heure des ajustements semble venue.

(© Iron Dames)

Derrière les couleurs flamboyantes, un mot d’ordre se dessine : patience. Mayer et son équipe veulent rassurer, prouver que le fer ne rouille pas si vite. Reste à savoir si le feu sacré suffira à entretenir la flamme, ou si, à force de frapper trop fort, les Iron Dames n’auront pas, cette fois, tapé un peu trop haut, un peu trop vite.

(Cover Photo © Iron Dames)