Super Grand Prix de Prague : l’Évangile selon Abdel Saïd

Publié par Sébastien Boulanger le 23/11/2025

Dans l’O₂ Arena de Prague, près de 160 000 spectateurs compressés dans une cuve sous haute tension ont vécu le Super Grand Prix de la Global Champions League comme un thriller. Un sprint final où la moindre hésitation coûtait une valise d’euros. Une nuit où les barres pesaient une tonne et où les centièmes valaient de l’or. Et au bout, deux noms : Abdel Saïd, Bonne Amie (A Big Boy x Landfriese), et une victoire qui claque comme un uppercut.

Première manche : les petites trahisons

Philipp Weishaupt et Kokomo B jettent l’éponge avant même que la soirée ne prenne feu, tandis que les autres ne commettent que des micro-erreurs : Grégory Cottard, Gilles Thomas, Nicola Philippaerts sortent avec 4 points, agaçants mais pas éliminatoires. Les autres déroulent clair.
Onze sans-faute dans un Super Grand Prix ? Utopique en théorie, réalité crue en piste quand on aligne les meilleurs couples de la planète.

À ce moment-là, l’O₂ Arena sourit. Le chef de piste Uliano Vezzani, lui, prépare sa vengeance.

Super Grand Prix Prague LGCT

Deuxième manche : quand le manège se met à tanguer

Ce n’est plus un parcours, c’est une expédition minière : on cherche l’air, on creuse la faute, on tombe dans les pièges.
Le champion de la saison régulière, Gilles Thomas, dépose les armes avec Qalista DN (Emerald van ‘t Ruytershof x Landetto). Abandon aussi pour Anastasia Nielsen, impeccable en première manche avec Action Man (Action-Breaker x Stakkatol) . Même les guerriers vacillent : Jérôme Guéry, clair et autoritaire au premier tour, en prend 16 au second avec un Careca LS Elite rincé mais vaillant jusqu’à la moelle.

Le Belge ne dramatise pas. Dans les couloirs, il lâche un sourire franc et une analyse sans fard :

« Le premier tour était déjà très, très haut, mais logique avec les meilleurs chevaux du monde. Careca avait déjà donné énormément pour sauter sans faute au premier tour. Dans le second, j’ai eu deux fautes que j’aurais peut-être pu éviter, deux petites fautes où il aurait fallu un peu plus d’effort.
Voilà. Je crois que j’ai eu un week-end incroyable. Dès le premier jour, Careca sautait sans faute dans la Ligue. Le deuxième jour, je suis sans faute aussi avec mon autre cheval (Gigolo’ Di Villagana). Et encore sans faute dans la première manche du Super Grand Prix. Je ne pouvais pas espérer beaucoup mieux que ça ce week-end alors que je venais avec des chevaux qui n’avaient jamais vraiment sauté des parcours comme ça.
»

Le vice-champion du monde en titre se réjouit aussi de l’issue du Super Grand Prix :

« On était quand même cinq Belges dans ce Super Grand Prix (sur 15 partants, ndlr). On voit que la Belgique est en grande forme, et ça fait plaisir. »

Une dynamique belge qui va prendre tout son sens dans les minutes suivantes.

Le sprint final : une marge de 0,02 seconde

Quand la poussière retombe, un seul cavalier signe le sans-faute en seconde manche : Nicola Philippaerts avec Katanga vd Dingeshof (Cardento x Tornedo FCS)De quoi regretter amèrement les 4 points du premier tour, mais suffisant pour remonter fort.
tour l’empêchent d’aller plus haut. Tout se jouera donc au chrono.

Et c’est là que le destin fait une pirouette magnifique : celui qui avait remporté la toute première étape de la saison à Doha boucle la boucle à Prague.

Abdel Saïd : 62.43 secondes, 4 points, un missile en équilibre sur le fil.
Une performance posée, glaciale, presque insolente sous la pression.

Deux centièmes derrière, deux centièmes (!!!), Simon Delestre, revanchard, encore chauffé à blanc par son “Helmet Gate”, frôle l’exploit avec Cayman Jolly Jumper (Hickstead x Quaprice Bois  Margot) (62.45). La foule hurle, la France tremble, mais le Belge reste devant.

Super Grand Prix Prague LGCT Simon Delestre

Et pour compléter ce podium digne des grands soirs : Scott Brash, 40 ans tout juste soufflés (happy B-day Scotty !!!). Hello Chadora Lady (Chacco-Blue x Nintender) : une barre au sol, mais le reste parfait en 62.81. L’Écossais fête son anniversaire avec une médaille et un stade debout.

Super Grand Prix Prague LGCT Scott Brash

Les autres ne sont plus que détails après ces trois-là. Tous avalés par Saïd.

Le chèque, la montre, la légende

Abdel Saïd vient de signer l’une des plus grosses victoires de sa carrière et d’empocher le chèque qui va avec : environ 300 000 €. (1,2 millions d’euros à se partager tout de même)
Au pied du podium, il souffle : « C’est incroyable. Je suis très fier de Bonne Amie… Je n’y croyais pas trop. Avec tous les monstres qui venaient après moi, je me disais que ça allait tomber. Mais elle, c’est une grande dame. » Lui est petit par la taille, immense par le talent.

Super Grand Prix Prague LGCT Abdel Said

La remise des prix devient une liturgie du mérite : trophées, montres, ovation. Les grooms, Malin Henlov, Margotx Guillui, David Hornet, sont mis à l’honneur sous un tonnerre d’applaudissements. Un Super Grand Prix à l’américaine, un Super Bowl du saut d’obstacles comme on n’en voit qu’une fois par an.

« Les premiers seront aussi les derniers. » Dernier chapitre de l’évangile selon Abdel.

Doha en ouverture, Prague en fermeture : Abdel Saïd boucle la saison comme un best seller bien écrit, avec ce twist final qui consacre les audacieux. Delestre se console. Brash se satisfait.

Place ce dimanche à la finale de la Global Champions League, pour mettre, cette fois, un point final à la saison 2025 du Global.

Retrouvez les résultats complets du Super Grand Prix du LGCT ici

(Photos: LGCT/Stefano Grasso)

Super Grand Prix Prague LGCT