La génétique : du cheval de sport aux Angus !

Publié par Julien Counet le 12/06/2022

La vie est remplie de surprises et prend parfois des virages inattendus. Emmanuel Spinnewyn fait partie de ces gens guidés par leur passion qui ne reculent pas devant les défis qui s’offrent à eux. Après 5 années passées en Belgique chez Keros où il aura pu se former au transfert d’embryon, notre homme s’installe en Mayenne et développe ses propres activités. Passionné de génétique, il distribue les étalons du team Nijhof pour la France et reprend la carrière d’élevage de Nouma d’Auazay qu’il accueillera chez lui à la fin de sa carrière sportive. Mais finalement, avec son épouse, la journaliste Aurélie Covini, le couple décide de partir s’installer en Anjou, à Brissac, pour profiter d’une surface d’élevage beaucoup plus importante. Mais rapidement, le projet dévie. La ferme acquise contient des vaches charolaises … qui seront finalement utilisées pour accueillir des embryons congelés d’Angus ! Emmanuel Spinnewyn s’est découvert une nouvelle passion. Pas très éloignée finalement, car on parle toujours d’élevage, on parle toujours de transfert d’embryons mais cette fois, on parle de persillage, de facilité de vêlage et beaucoup d’autres choses. Chaque veau est génotypé pour connaitre ses caractéristiques, une manière pour l’éleveur de gagner plusieurs années de sélection. Comme toujours, la passion a germé et notre homme  ne fait pas les choses dans la dentelle car comme pour les chevaux, c’est le haut niveau qui l’intéresse !


« Mon objectif est vraiment de profiter de l’expérience que j’ai pu emmagasiner avec le transfert d’embryons équins. Je pense qu’aujourd’hui, si on veut faire de la sélection génétique, cela passe par l’insémination et le transfert d’embryons si l’on veut aller vite et sélectionner fort. »

Mais pourquoi avoir porté votre choix sur l’Angus ?

E. S. : « C’est la première race à viande au monde. Il y a donc une population énorme mais c’est aussi celle où il y a le plus de sélection génétique. Je trouve que c’est la race qui répond le mieux aux attentes des consommateurs en termes de viande mais aussi aux attentes socio-écologiques.  Je pense que l’impact sur le climat peut aussi évoluer par la sélection génétique.  Il y a de très gros enjeux encore à venir. C’est un vrai challenge et c’est cela qui me plait énormément. Il faut aujourd’hui répondre à cette attente qui est déjà là mais qui va encore s’intensifier je pense dans les années à venir. »

On sent que la passion de l’élevage est toujours là mais c’est simplement transposé.

E. S. : « Oui, cela reste de l’élevage et de gros animaux. Je reste dans mon domaine de compétence car je ne suis pas un spécialiste de la production végétale. Nous continuons à faire de la sélection génétique et je pense que les chevaux et les bovins se marient très bien. Si on va en Normandie cela saute aux yeux que ce soit pour les pâturages ou l’utilisation des bâtiments. Ce sont des productions qui ont beaucoup de similitudes. On apprend donc des deux et on s’en sert pour l’autre également.  Ca ouvre aussi un peu plus l’esprit, c’est vraiment intéressant. »


L’élevage de chevaux de sport va-t-il devenir un « hobby » ?

E. S. : « Oui. Je n’ai de toute façon jamais eu beaucoup de naissances.  J’ai fait naître mes premiers poulains à la fin des années 90 mais je n’ai jamais eu qu’une à deux naissance par an avec juste une petite pointe d’euphorie l’année qui suivait la très bonne vente de mon poulain pour 40.000 euros lors de la Z Quality Auction. Cela m’avait motivé et j’ai eu plus de naissances sur deux générations avant de revenir entre 1 à 3 poulains par an. C’est un rythme qui me convient bien. Je compte intensifier les bovins même si les chevaux me passionnent toujours autant. »

La vie de famille a eu un poids important dans cette décision ?

E. S. : « Oui, sans aucun doute. Cela fait 10 ans cette année que nous sommes mariés Aurélie et moi. Nos deux enfants sont arrivés rapidement derrière et cela nous a fait évoluer. Nous ne vivons plus que pour nous, nous voyons les choses différemment. On préfère des choses plus sûres… même si les Angus représentent non seulement un gros challenge mais aussi de gros investissements. Nous avons néanmoins confiance dans cette nouvelle production. Le fait d’avoir des enfants fait que l’on se stabilise, que l’on est plus à la maison et que l’on bouge un petit peu moins. On garde toujours beaucoup de contacts avec l’extérieur mais cela change la donne inévitablement. »


La collaboration avec le Team Nijhof continue néanmoins ?

E. S. : « Oui ! J’ai toujours bien aimé leurs étalons et estimé leur façon de les sélectionner. Ils ont eu Clinton, Heartbreaker, Voltaire, Burggraaf et aujourd’hui, il y a Eldorado vh Zeshoek, Verdi ou encore Grandorado. Lorsque j’ai commencé à distribuer les étalons de la famille Nijhof, les cracks d’aujourd’hui étaient encore jeunes et méconnus. Cela nous a permis de mettre gentiment les choses en place et de répondre à la demande quand les gens ont désiré utiliser Eldorado ou Verdi sur leurs juments. Pour moi, cette collaboration est une véritable chance pour nous d’autant que les choses se passent très bien. C’est une relation très saine où l’on travaille vraiment en confiance. Nous sommes claires et transparents … et cela fonctionne. Je suis entre la famille Nijhof et les éleveurs français. Mon travail consiste à faire en sorte que cela se passe bien pour tout le monde en essayant de toujours améliorer le service, en tentant de ne pas travailler qu’avec du congelé, mais aussi de faire un maximum de réfrigéré. Il s’agit d’une des seules maisons à l’heure actuelle qui arrive encore à gérer le sport de haut niveau avec des étalons qui sont prélevés en frais en pleine saison. Ils ont vraiment la fibre élevage. »


Puis il y a toujours Nouma d’Auzay qui est devenu votre véritable étalon « maison » …

E. S. : « Patrick Blanckaert, son éleveur et propriétaire, est un véritable passionné d’élevage et c’est là que l’on s’est retrouvé. Nous avons essayé de faire connaitre un peu plus Nouma en France. C’est un cheval qui a eu de vraies bonnes performances avec Franke Sloothaak puis avec Julien Epaillard avant de repartir en Allemagne jusqu’à la fin de sa carrière sportive. Cela fait désormais quelques années qu’il est à la maison. Il a ses éleveurs habituels qui aiment l’utiliser. Il n’a pas de grosses générations mais à chaque génération, il y a des chevaux qui sortent du lot autant en CSO qu’en concours complet. C’est bien d’avoir un étalon de cette qualité à la maison. »

Aujourd’hui, la suite de votre carrière ?

E. S. : « Continuer à mettre l’élevage d’Angus en place. J’ai vraiment besoin de ce nouveau challenge et au niveau équin, l’objectif est de se recentrer aux activités que je gère le mieux et que mon temps me permet de gérer. Ce sont des métiers où l’on travaille 7 jours sur 7 et il faut pouvoir se libérer du temps pour la vie de famille. A un moment, même si on aime faire du transfert, inséminer et ce genre de choses, il faut prendre le temps de bien faire les choses. Faire les choses à moitié ne m’a jamais intéressé. »