On est dans un « good flow », on veut la qualification pour Paris!

Publié par Julien Counet le 05/11/2022

À l’issue du Morocco Royal Tour le sélectionneur national marocain était satisfait de ses trois semaines de concours sur le sol du Royaume. Voici deux ans, Philippe Le Jeune s’est vu confier une tâche et il entend bien garder sa ligne de conduite pour la mener à bien.

“En 2018-2019, il n’y avait pas souvent de sans faute de la part de cavaliers marocains sur le MRT. Maintenant sur des 1m50 ils font plein de sans-faute. Et comme il y a des résultats, tout le monde est motivé. Tout est positif et il y a aussi autour tout un engouement positif parce qu’il y a un plus grand nombre de cavaliers qui arrivent au haut niveau.”  se réjouit Philippe Le Jeune.


 

Ces résultats n’arrivent pas maintenant par hasard non plus, C’est principalement le fruit d’un plan mis en place à l’arrivée du belge.

On ne peut pas nier qu’il y avait un manque de bases et d’expérience ici au Maroc. Quand on regarde les concours nationaux, ce ne sont pas de grosses épreuves. Ce qui laisse les cavaliers marocains avec un réel manque d’expérience, même si ils sont très talentueux. Comparé à l’Europe il y a un fossé.

Personne ne peut nier que les meilleurs et les plus beaux concours, ceux où il faut être le plus compétitif, se font en Europe. C’est là que ça se passe. Ce n’est pas pour rien que les Américains, les Canadiens ou les Brésiliens viennent là.

 

Venir en Europe n’est pas trop dans les habitudes des cavaliers marocains. Cest compliqué de quitter le Maroc. Il faut faire plein de test, il faut des carnets ATA, il faut louer des écuries en Europe,…et tous les propriétaires ne sont pas prêts à faire ces dépenses.

Mais dans la vie il faut savoir ce quon veut. Si on veut évoluer au haut niveau, il faut s’en donner les moyens.

J’ai la chance d’avoir le soutien et la confiance totale de son Altesse Charif Moulay Abdallah Alaoui. Cest grâce à lui que tout ce qui se passe est possible.

Il a bien compris ce qu’il fallait faire pour hisser le Maroc parmi les meilleures nations. Ça n’a pas toujours été le cas du côté des cavaliers.

Je leur ai dit une fois “vous avez une chance de cocus! Vous avez la chance de monter des chevaux de qualité qui ne sont pas à vendre. Vous avez la possibilité de travailler sur du long terme. J’espère qu’ils en ont pris conscience. Mais là je pense quon est parti sur un good flow” comme on dit en anglais.


Ils ont parfois été un peu choqués par mon language un peu cru…Tout le monde le sait, je dis ce que je pense. Jai été éduqué comme ça par des Neco Pessoa, Patrick Le Rolland et d’autres grands cavaliers. C’était le language du cheval. Maintenant on a affaire parfois à des amateurs et des gens riches. Donc cest difficile demployer ce language ou alors ils vont voir ailleurs. Je dois parfois être plus diplomate, je travaille là dessus personnellement.

 

Philippe Le Jeune est un passionné et cette passion, parfois, déborde un peu. Le champion du monde ne cache pas que sa relation avec les chevaux est souvent plus facile qu’avec les humains.

Moi je veux arriver au haut niveau et pour y arriver, il y a une ligne droite. Certains mavaient répondu oui mais on a une culture différente”.

Jai répondu pour moi la culture, la religion, les origines, ça na rien à voir avec le haut niveau. c’est juste une question de travail et de motivation.

 

Derrière Kebir” (Abdelkebir Ouaddar), le cavalier phares, il y a sept ou huit autres cavaliers marocains qui méritent leur place. Kebir monte pour le Roi, à la fédération il y a quatre ou cinq cavaliers et puis trois ou quatre autres qui dépendent de propriétaires. Mais pour moi il y a 7 ou 8 cavaliers marocains qui sont dignes d’être au haut niveau et qui vont y arriver si on peut continuer à leur donner leur chance.

On a le potentiel pour faire deux équipes au niveau 5 étoiles. Cest mon souhait darriver à ça un jour. Jai toujours réalisé mes rêves et cest mon rêve. Donc moi, je ne vais pas abandonner. Si le Prince continue à me faire confiance, moi je suis sûr quon va y arriver.

 

Kebir a gagné les deux grands Prix (Tétouan et El Jadida). C’était quelque chose de formidable et de très émotionnel en même temps. C’était avec le cheval du Roi (Istanbull V.h Ooievaarshof) , un cheval que je connais bien puisque cest moi qui lai déclenché pour arriver au haut niveau, car cest un cheval très délicat. Après Kebir a voulu retourner avec Marcel Rozier. Il ny a aucun problème pour moi par rapport à ça. J’étais ravi pour Kebir, j’étais super content parce que c’était gagner d’une superbe manière.

El Gahli Boukaa a lui aussi gagné un Grand Prix sur le MRT 2022. Il sentraine avec Simon Delestre, j’étais ravi pour lui aussi. Tout ces résultats tirent tout le monde vers le haut.”

 

Cette accession au plus haut niveau ne se fera pas sans un sérieux piquet de chevaux. De ce côté là aussi Philippe Le Jeune tient les rennes, toujours de façon étroite avec le Président de la Fédération Royale Marocaine, Son Altesse le Prince Abdallah Alaoui.

 

Je suis entraineur national pour tout le Maroc, mais cest moi qui gère aussi l’écurie fédérale, soit une quarantaine de chevaux. En ce qui concerne lachat des chevaux, Son Altesse achète beaucoup dans les ventes à gauche et à droite, principalement des jeunes. Evidement concernant les chevaux plus âgés, plein de gens lui envoie des videos et puis il me demande ce que jen pense. Je donne alors mon avis. Le plus souvent, je vais moi même les essayer pour avoir ma propre opinion et puis je donne un retour favorable ou non.

 

Pour Philippe Le Jeune, la réussite passe donc par l’Europe. Cela vaut aussi pour les chevaux qui régulièrement passent par sa structure en Belgique à proximité de la Mer du Nord.

 “Pour moi, la priorité, cest la santé des chevaux, physique et mentale, jattache beaucoup dimportance à ça. Javais dit au prince chaque cheval qui rentre chez moi, je le considère comme le mien. cest comme un de mes enfants. Dailleurs quand le Prince est venu chez moi il a trouvé les chevaux magnifiques. On fait tout pour. Ils vont à la plage, dans la mer, on les met au paddock, on est tout le temps occupés avec eux. Et cest aussi quelque chose que jessaie dapprendre aux cavaliers. Il ny a pas que les concours, il y a tout ce quil y a derrière qui est aussi important cest comme ça que les chevaux veulent faire le petit truc en plus pour vous.

 

Je veux que les chevaux de 6 et 7 ans viennent aussi, sinon cest les laisser en arrière par rapport à ce qui se fait avec les chevaux de cet âge en Europe. Cest une très grosse organisation. Financièrement, ça demande beaucoup, en personnel aussi. On a beaucoup de chance davoir son Altesse le Prince qui me fait entièrement confiance en ce qui concerne la gestion des chevaux, les concours, le suivi des chevaux avec mon vétérinaire,… Je connais bien les chevaux car beaucoup dentre eux restent chez moi durant lannée et cest mon épouse (ndlr: Lucia Vizzini) et moi qui nous en occupons. On les monte et on fait des concours 2* à Lier, etc, pour les travailler, pas pour faire des classements.

Ensuite je vois avec quel cavalier chaque cheval peut aller le mieux. Le but cest de changer le moins possible. Quand ça se passe bien, il faut que ça reste comme ça. Après cest au cavalier à toujours vouloir se perfectionner. Je suis un perfectionniste, je demande toujours de faire quelque chose de plus que juste ce quil faut.

Je vais donc être toujours exigeant. Un Jour Un cavalier était venu auprès de mon épouse et lui avait dit Philippe il est tout de même exigeant. Elle lui a répondu  si tu crois quil est exigeant avec toi, sache quil l’est dix fois plus avec lui même même encore maintenant quand il monte un cheval de 6 ans. Donc sois content quil soit comme ça avec toi. Et cest vrai. Mais cest pour ça quon y arrive.

Le sport de haut niveau, cest se remettre en question, transpirer et de temps en temps se faire engueuler, mettre sa fierté de côté et se dire ok, je me bat. Ça aussi ce n’était pas toujours facile au début. Mais là on a une bonne ligne de conduite.

 

Je ne sais pas ce que cest que dabandonner. Jai un rêve. Jai toujours voulu amener le Maroc au plus haut niveau et faire quelque chose dans les Coupes des Nations. On a pas eu de chance à Rabat cette année (4ème place finale). Mon rêve cest de gagner un jour la CDN chez euxchez nous. Jai lexpérience de victoires en Coupe des Nations en Belgique et je sais que gagner dans son propre pays, cest quelque chose dextraordinaire. Je tiens vraiment à ce quils vivent ça. Ce nest que partie remise, on va y arriver, jen suis sûr.

 

On a des chevaux qui arrivent à maturité. On a trois ou quatre chevaux que beaucoup dEuropéens rêvent davoir et certains on déoffert des fortunes pour ces chevaux. Ce qui est formidable, cest que le Prince ne vend aucun cheval.

 

Ceux qui sont venu chez moi (ndlr: à Alveringem, en Belgique), cet été, ont suivi un programme. Ils ont tourné en concours en Europe, en France, en Italie, Donc ils se sont fait des armes et ça porte ses fruits maintenant.

 

Quand on voit les Mister dEclipse, Ike 1348, Ceika Malouine, ce sont des cracks. Mister dEclipse , cest un cheval qui avait été acheté via mon épouse et que lon a eu à 8 ans. Ike 1348, son altesse la acheté quand il avait 6 ans en Suède et puis on la amené petit à petit. Les autres chevaux ont 13-14 ans, ils ont beaucoup dexpérience et ont été une chance pour les jeunes chevaux. Ils ont contribué à ne pas les bruler” en sautant les étapes. Ces chevaux sont très compétitifs, on peut leur faire confiance et ça fait quon peut amener les plus jeunes gentiment. On y arrive là.

Je crois que lannée prochaine sera bien et que 2024 sera une année durant laquelle on pourra faire vraiment de bonnes choses.

Maintenant, notre objectif, cest de se qualifier pour les jeux de Paris. Cest le CSIO à Doha fin février (27 février-1er mars 2023) qui va être le juge. Ça se joue sur une Coupe des Nations et ils prennent les deux premiers. Et bien voilà, il faudra être de ces deux là. Cest un peu la roulette russe. Comme avec la Belgique qui devait gagner la finale de Barcelone pour se qualifier et qui la fait. On va essayer de faire simplement la même chose.(rire)

 

Après le MRT les chevaux ont droit à un petit mois de repos et puis on va les remettre en condition. Ensuite on partira à Oliva pour les remettre en route au mois de janvier. Ils reviendront ensuite chez moi pour un suivi vétérinaire. Le but c’est d’essayer daller à Doha quelques jours avant la compétition afin de sadapter. Cest une piste impressionnante. Cest bien que les chevaux et les cavaliers soient dans le bain rapidement. A part Kebir ils nont pas une expérience folle de ces concours, donc cest bien de mettre toutes les chances de notre côté.

Jessaie de mettre toute mon expérience à leur service pour que quand ils rentrent dans une telle piste ils soient en confiance. Même si je leur ai dit quune fois en piste c’était à eux deux de jouer, je ne peux plus rien faire.