Kamel Boudra, un test d’écriture réussi

Publié par Julien Counet le 02/08/2023

Journaliste, véritable emblème médiatique de l’équitation, Kamel Boudra aura été le visage d’Equidia durant de nombreuses années avant une aventure sur RMC sport. Régulièrement appelé à participer à différentes émissions à la radio, cet éleveur passionné de l’affixe « de la Villa Rose » a notamment intégré depuis quelques temps l’équipe de Grand Prix medias où il se sent bien. Pourtant la vie n’a pas été un long fleuve tranquille pour l’animateur. En 2020, une partie de tennis à Deauville avec des amis tourne au cauchemar, une chute qui semble tout à fait anodine oblige l’animateur à rester allongé près de sept mois avec trois vertèbres fracturées. Si l’on y ajoute le passage du Covid et la décision de RMC d’arrêter purement et simplement la retransmission des épreuves équestres sur sa chaîne, on peut aisément comprendre, qu’à ce moment Kamel Boudra ne vit pas la plus belle période de sa vie. Pourtant, c’est à ce moment, que l’homme va retrousser ses manches et se lancer un énorme défi, personnel d’abord qui deviendra un défi d’équipe avant de se transformer aujourd’hui en un réel succès populaire. C’est ainsi qu’est né le livre « Eric Lamaze, gagner pour survivre ». 

« A cette époque, je n’avais plus de boulot et il n’était pas raisonnable que je mette autant d’énergie pour faire ce livre. J’avais très mal au dos, c’était très pénible. Les broches me faisaient mal … mais je sentais que je devais faire ce livre. Mon objectif n’était pas de faire un livre sur un cavalier mais bien sur une star! Eric m’avait proposé d’écrire un livre sur lui, mais ensuite il n’a plus donné de nouvelles alors que j’avais trouvé un éditeur. Ensuite, c’est un coup de téléphone durant le CSIO de Rome en 2021 qui a tout changé. Au final, j’ai vu très peu Eric pour écrire ce livre. J’ai passé deux jours à Bruxelles mais le passé ne l’intéresse pas. C’est quelqu’un qui regarde toujours devant lui.

Je suis diplômé en histoire de l’art et durant le confinement, j’ai décidé de m’inscrire à des cours en ligne en art moderne. J’ai passé beaucoup de temps à lire également. C’est un peu un mélange de tous ces facteurs qui m’ont donné l’envie d’écrire ce livre. Il est clair que l’argent était bien loin d’être ma motivation. J’ai pu rencontrer des gens qui n’étaient jamais intervenu à propos d’Eric, comme sa mère qui n’avait jamais eu le droit de parler. J’ai eu la chance qu’elle me connaisse de la télévision, comme pour beaucoup de personne, mon nom leur disait quelque chose et c’est certain que ça m’a ouvert des portes. J’ai cette empathie qui permet aux gens de se livrer. A la fin du confinement, j’ai pris le premier avion pour le Canada. Ce n’était pas raisonnable vu mon état de santé. Mes proches et même ma maison d’édition étaient inquiets mais j’avais peur qu’Eric intervienne en interdisant à certaines personnes de parler. Je suis parti avec à l’esprit de faire une véritable enquête. Ca a été un moment incroyable. Mon objectif était vraiment de parler de l’homme et très peu de chevaux. Je suis vraiment « tombé en amour » de la dame qui l’a mis à cheval.

N’ayant aucune notion d’écrivain, l’éditeur m’a alors proposé de me mettre quelqu’un à disposition pour m’aider. Il faut bien dire que je n’ai pas l’habitude de travailler seul… mais je n’avais pas envie de travailler avec quelqu’un que je ne connaissais pas. J’ai alors tout de suite pensé à Céline Gualde qui travaillait avec moi à Equidia. Elle a tout de suite accepté et c’est devenu un véritable travail d’équipe. C’est une amie chère mais qui aura su me prouver encore une fois qu’elle est sans concession. Le livre devait être rendu pour le 1er janvier … et nous l’avons terminé le 29 décembre! L’éditeur m’avait conseillé de ne pas envoyer le livre à Eric mais j’ai quand même tenu à le faire même si cela faisait de nombreux mois où je n’avais plus aucune nouvelle de lui. Il n’était pas content et ne voulait pas que l’on sorte le livre… sans l’avoir lu! Nous ne pouvions plus faire marche arrière et je n’étais pas content de le savoir fâché … mais au final, il était assez ému… même si il trouvait que j’aurais pu être plus gentil.

Pour moi, c’était vraiment un plaisir de vivre une autre aventure après 20 ans à faire de la communication mais en gardant cette envie de bien faire les choses. Je ne me suis jamais senti comme un imposteur en faisant ce livre et les premiers retours ont directement été très positifs. Je suis content car j’ai pris un squelette et je m’y suis tenu. Il fallait vraiment que le bébé sorte. Il y a évidemment des moments où j’en ai eu marre mais j’ai tenu le cap car il fallait que je puisse passer à autre chose. Jean Louis Gouraud, directeur de collection, a été une personne clé également car avec ses équipes, ils m’ont véritablement fait confiance. Il y a eu beaucoup d’échange par téléphone. Ils m’ont apporté un support extraordinaire car entre le covid, mon accident, la disparition d’Eric qui ne nous répondait plus… il s’en est passé des choses durant l’écriture de ce livre. Par la suite, ils ont envoyé le livre à de très nombreux médias bien au-delà de la presse équestre. Je voulais que ce livre puisse être lu également par des non-initiés mais je n’avais jamais imaginé les retours que nous aurions de la presse généraliste. C’est un plaisir de voir des petits encadrés dans les journaux et évidemment d’être appelé par « Les Grosses têtes ». Mon travail a toujours été nourri par le retour des gens. Le partage est quelque chose de vraiment important pour moi. Je pense que les gens ont été touchés par la sincérité du travail et au final, Eric en sort héroïque. Ca complète l’image que les gens avaient de lui.

Je pense que le fait de ne pas venir de ce milieu fait que je ne suis pas influencé et je prends toujours autant de plaisir à aller voir des chevaux sauter. Il m’arrive de m’accorder une journée de congé pour aller voir des 5 ans. Aujourd’hui, ce livre est un vrai succès. Il y a déjà eu trois rééditions et si Actes Sud espérait de bonnes ventes, la maison d’édition n’avait pas imaginé ça. Cela m’offre la chance de pouvoir imaginer un autre projet. Je pense que j’aurais écrit ce livre il y a 10 ans, je n’aurais pas osé faire ce que je voulais mais là, j’étais prêt. Aujourd’hui, je vais bien. Ce qui me fait vraiment plaisir, c’est que le chemin a été difficile et ça le rend encore plus beau. »

Eric Lamaze, Gagner pour survivre par Kamel Boudra; Actes Sud

Julien Counet