Vendredi Biats, double médaillé d’Europe dans son jardin

Publié par Julien Counet le 17/08/2023

Ce week-end, à l’occasion des Championnats d’Europe de complet au Haras du Pin, un Selle Français de 14 ans a brillé sur les terres de sa naissance et fait la fierté de son éleveur, Philippe Brivois. Vendredi Biats est un fils de Winningmood et de Liane Normande (Camelia de Ruelles x Count Ivor xx) qui s’est distingué ce week-end en remportant l’or par équipe avec la Grande Bretagne et l’argent en individuel avec Kitty King.

« Ce sont les troisièmes Championnats d’Europe auxquels participe Vendredi, mais le fait qu’ils se déroulent en Normandie, dans l’Orne à une heure de la maison alors que nous vivons dans le Perche dans le berceau du Percheron m’a procuré des émotions incroyables. Avant les performances d’Oslo Biats lors des Mondiaux des jeunes chevaux au Lion d’Anger, j’élevais pour le saut d’obstacle. Mais lorsque j’ai découvert le concours complet en entrant par la grande porte grâce à William Fox Pitt, j’ai dit à mes enfants que le CSO, c’était fini et que nous allions viser uniquement le complet. » explique Philippe Brivois. Il faut dire qu’Oslo Biats a frappé très fort. Le fils de Lando a remporté le Championnat du monde des 6 ans avant d’être vice-champion du monde à 7 ans et ensuite de gagner jusqu’en 5* à Pau notamment. « William Fox-Pitt a été bien plus qu’une simple rencontre, c’est devenu un ami. Dès le départ, il m’a prodigué des conseils judicieux. Il m’a dit qu’après les performances d’Oslo, j’allais avoir beaucoup de propositions … mais que si je voulais avoir d’autres chevaux au haut niveau, c’était l’endroit qui était important et c’était on ne peut plus juste. Nous avions la chance d’avoir plusieurs trois ans qui convenait très bien au complet lorsqu’Oslo s’est illustré et nous avons directement embrayé. Avoir un cheval en 5*, c’est génial … mais en avoir plusieurs de lignées différentes qui se suivent, c’est incroyable. C’est aussi grâce à William Fox Pitt car pour chaque cheval de mon élevage qui s’est illustré au haut niveau, il a toujours eu sa patte dans l’histoire. Avec lui, j’ai découvert quelque chose que je ne connaissais absolument pas dans le CSO. Les cavaliers d’obstacles, lorsque vous leur dites que vous êtes l’éleveur, avec un peu de chance, ils vous disent bonjour et avec beaucoup de chance, ils acceptent que vous leur offriez un café. Ici, lorsque je me suis présenté, on m’a demandé pour que je les rejoigne au camion car on voulait absolument me présenter aux propriétaires et on m’a remercié d’avoir fait naître une « petite merveille ». Au départ, je me demandais si c’était vraiment possible. Par la suite, quand Oslo a commencé sa carrière internationale, il courait beaucoup en Grande Bretagne et William a insisté pour que je vienne le voir. Il m’envoyait le programme du cheval et quand je lui disais que je venais sur tel concours, son secrétariat m’organisait tout mon voyage. C’était juste exceptionnel. Par la suite, ils ont organisé des choses pour que mes enfants puissent aller en Grande Bretagne pour apprendre l’anglais. C’est vraiment une histoire magnifique. »

Mais une belle histoire ne vient jamais seule et celle de Vendredi Biats mérite elle aussi d’être racontée.

« Un jour, mon fils revient du collège en m’expliquant qu’une de ses amies aimerait faire un poulain avec sa jument … avant de me dire que ce serait bien si le poulain naissait ici! Je me suis dit « ouhlala » mais il m’aide tellement que je ne voulais surtout pas le décourager. Je suis alors allé voir cette jument, Liane Normande, que l’on a fait sauter en liberté… mais sa prestation n’avait pas été transcendante. Cependant, ses origines m’ont interpelé. Son père Camelia de Ruelles était un très bon cheval qui a très bien produit malgré une production très confidentielle. Il a rapidement eu la réputation d’être un cheval compliqué mais c’était un cheval avec énormément de qualités avec surtout beaucoup d’influx et une énorme sensibilité. En plus, le père de mère de Liane était le pur-sang Count Ivor. Nous avons donc trouvé un arrangement avec l’amie de mon fils et nous avons fait saillir la jument de Winningmood parce que, comme Lando, j’ai beaucoup aimé la longévité de sa carrière mais en plus, c’est un cheval qui a pu être performant en étant utilisé par une cavalière. Nous sommes ainsi devenus co-propriétaire et co-naisseur d’un poulain l’année suivante. Poulain qui s’est révélé très mignon mais surtout une petite chose. Six mois plus tard, il avait rattrapé son retard. En revanche, à trois ans, nous avons eu une sacrée surprise. Il faut dire que faire sauter nos trois ans est notre activité favorite mais avec lui, c’était assez particulier. Je n’avais jamais vu ça avant … et je n’ai toujours pas revu ça depuis! Quand on a essayé de faire sauter Vendredi … il passait sous les barres. Même un obstacle de 80cm, il arrivait … passait sa tête sous les barres et renversait tout! Mon fils a alors eu l’idée d’aller chercher un bout de moquette pour mettre sur le sol, et là, il a montré de bonnes aptitudes. Six mois plus tard, lorsque nous avons réessayé, il a recommencé … et nous avons remis la moquette. Nous l’avons alors envoyé au débourrage mais la personne qui l’avait au travail nous a rapidement conseillé de nous en débarrasser. Mais nous avons eu beaucoup de chances car au même moment, William Fox Pitt me demande pour voir nos poulains en video. C’était l’époque des clés USB, toutes les videos se suivaient. Il regarde les poulains … mais à la suite, il y avait les trois ans qui sautaient … qu’il regarde également. Il me demande pour voir le gris … Je lui ai demandé s’il était sûr…  et finalement il me demande de lui amener quinze jours plus tard avec un autre cheval. Son cavalier se met alors dessus … mais il bondit à deux mètres et demi du sol, dépose son cavalier et s’arrête sans aucune émotion. William me dit alors que ce serait bien que je le fasse débourrer avant de lui rammener … mais il comprend vite que ça ne va pas être possible et que maintenant que je lui ai emmené : il se débrouille pour trouver une solution mais je ne le ramène pas en France! J’ai eu de gros doutes sur le travail effectué jusque là et j’ai évidemment appris par la suite que la personne qui devait le débourrer tombait 5 à 6 fois par séance! Je pense qu’il en a gardé de mauvais souvenirs. William l’a alors confié à un cavalier irlandais, Austin O’Connor, qui avait été brillant durant les Jeux Mondiaux de Tryon. Il lui a quand même fallut deux mois pour le débourrer et toujours aujourd’hui, sa cavalière a instauré de véritables codes et le longe systématiquement avant de le monter. Dernièrement, étant en retard, elle a voulu passer cette étape … mais elle a fini au sol.

A la fin de son véritable débourrage, il a commencé les concours et c’est alors que Kitty King cherchait un cheval. On lui a dit qu’il était difficile mais il lui plaisait. Je me rappelle la première fois que je suis allé me présenter sur un concours, elle m’a dit « He is naughty » (ndlr : il est vilain). Finalement, ils ont toujours été très respectueux l’un envers l’autre et ils en récoltent les fruits. Il a disputé trois championnats d’Europe et il n’y a jamais eu la moindre hésitation sur un obstacle! C’est d’ailleurs la raison qui a fait de lui l’ouvreur idéal pour la Grande Bretagne au Haras du Pin. Dans sa carrière, il a déjà signé des performances incroyables en étant 7ème à Badminton, 6ème à Burnley, en gagnant le difficile 4* de Bramham ou encore en terminant deuxième à Luhmuhlen. J’ai espéré les voir dans l’équipe pour ces Championnats d’Europe car je savais que ça leur donnerait une chance de remporter une médaille. Leur place d’ouvreurs ne les a pas avantagés au dressage où ils font une prestation propre, mais sans étincelle qui les placent en neuvième position. lors du cross, ils rentrent dans le temps et réalisent un très bon tour … mais il a ensuite fallu attendre comme ils passaient au début … et là, on a vu les autres candidats commettre des fautes … et finalement, ils sont remontés à la deuxième position! Le dernier jour, on a bien vu que Kitty était sous pression. Elle n’a pas osé mettre le même galop que d’habitude mais il a utilisé sa puissance et s’est sorti de toutes les situations. C’est un cheval qui aurait pu évoluer en CSO à coup sûr sur des épreuves 1m50. Cela leur permet de décrocher l’or par équipe … mais également l’argent en individuel ! C’est incroyable. Nous avons vraiment vécu ce championnat avec tellement d’émotion. Nous avons la chance actuellement d’avoir deux chevaux qui évoluent en 5* puisque Valmy Biats qui est un frère utérin d’Oslo par Orlando qui évolue également au plus haut niveau … et pourtant, je ne pense vraiment pas être un expert en croisement. Je serais très mal à l’aise de devoir expliquer à qui que ce soit ce qu’il faut faire … car je fais simplement les choses comme je les sens. Ce qui m’intéresse vraiment, c’est de pouvoir les suivre en concours et j’ai surtout la chance d’avoir une famille exceptionnelle qui me soutient. Aujourd’hui, chaque membre de la famille a sa propre vie mais grâce aux chevaux, nous avons des liens familiaux énormes. Nous partageons cette passion avec nos enfants et nos petits-enfants. C’est une chance incroyable. » conclu Philippe Brivois

Photos Marie Hélène Blanchet