Rodinde Rutjens, triple championne du monde d’attelage poney en paire à 26 ans

Publié par Julien Counet le 20/10/2023

Début septembre, le monde de l’attelage poney s’était donné rendez-vous aux Pays-Bas à Oirschot au nord d’Eindhoven pour les Championnats du monde de la catégorie. Trois couronnes étaient en jeux avec la catégorie single, en paire ou à quatre poneys!

Nous sommes allés à la rencontre de la triple championne du monde d’attelage en paire, Rodinde Rutjens. A 26 ans, la fille du célèbre meneur Riny Rutjens est en train d’assoir autoritairement sa domination sur la discipline. Pourtant cette victoire, son troisième titre consécutif, glané devant son public était empreinte de nombreux doutes qui rendent ce succès encore plus beau.

« Au début de la saison, j’avais sept poneys que je travaillais en vue de la saison de concours. Finalement, j’en ai utilisé cinq en concours. En tout début de saison, j’ai fait un premier petit concours dans lequel j’ai intégré un jeune cheval de 6 ans. Je ne savais pas à quoi m’attendre mais j’ai constaté durant les épreuves qu’il se comportait très bien, alors au moment de partir pour notre premier international de l’année, je l’ai mis dans le camion. Mon oncle qui me suivait en voiture sur la route m’appelle au téléphone et me questionne sur qui est dans le camion et ce que j’espérais sur le concours. Je m’en rappelle très bien car je lui ai répondu que j’avais mis le jeune poney et que je savais que tous les meilleurs meneurs seraient là. Du coup, je ne savais vraiment pas à quoi m’attendre. Je lui ai dit que je pouvais peut-être espérer être dans le top cinq … mais qu’on pouvait aussi bien se retrouver vingtièmes et que si je voyais que ça n’allait pas dans le marathon, je n’hésiterais pas à abandonner car ce n’était que le deuxième concours de sa vie et que je ne voulais surtout pas le dégoûter. Le premier jour, lors du dressage, il était impressionné mais il a été très bien. Nous étions 3ème ou 4ème. Le lendemain dans le marathon, il était un peu frais au premier obstacle mais il écoutait bien. Au final, à chaque obstacle il était meilleur et je pouvais lui en demander toujours plus. Il a été fantastique … et au bout du troisième jour, nous avons gagné la compétition. C’est un poney incroyable dans lequel je crois beaucoup. Je me suis donc posé beaucoup de questions pour voir si je devais l’emmener ou pas aux Championnats du monde mais finalement, je me suis dit que j’étais double championne du monde, que je voulais vraiment défendre mon titre et que je ne voulais pas pousser un tel poney aussi jeune avec autant de pression pour un tel évènement. Du coup, deux mois avant les Championnats, j’ai décidé de n’emmener que mon piquet de trois chevaux expérimentés … mais qui n’avaient pas été attelé une seule fois de l’année ensemble car j’avais toujours mixé des jeunes chevaux dans mes concours de début de saison pour former la relève. C’était un énorme pari. Avoir cet échéance aux Pays-Bas devant mon public rajoutait énormément de pression sur mes épaules, ce n’était pas facile. »

Lors du dressage, Rodinde Rutjens prend une belle 2ème place derrière l’allemand Christof Weihe et elle est loin de faire partie des favorites pour le marathon avec ses grands poneys alors que la concurrence à souvent choisi des poneys plus petits et plus agiles … pourtant, la Hollandaise fera preuve d’un savoir-faire hors du commun. Au terme d’une démonstration parfaite, elle remporte le marathon avec le meilleur temps dans quatre des huit obstacles!

« C’était une véritable surprise pour moi! Je savais que j’étais désavantagée par la taille de mes poneys d’autant que les obstacles étaient très étroits et techniques. Mon objectif était de limiter les dégâts au marathon mais lorsque je suis sortie du premier obstacle et que j’ai vu « meilleur temps », j’ai été très surprise. J’ai pris à chaque fois le parti de ne pas prendre la trajectoire la plus courte mais celle qui permettrait à mes poneys de garder de la vitesse en exploitant leur puissance. J’ai mené des poneys plus petits en étant plus jeune, je connais leur vivacité. En fait, à 14 ans, j’ai voulu mener des chevaux. Mon père en a beaucoup à la maison car il en travaille pour des clients, il en vend… donc j’avais l’habitude de mener des chevaux. Mais mes parents ont trouvé que c’était encore jeune et ils ont décidé que c’était mieux pour moi de passer sur de grands poneys qui se travaillent comme des chevaux … mais au final, j’ai tellement adoré que je suis restée dans le milieu « poney ». Aujourd’hui, cela fait cinq ans que j’ai développé mon propre business au sein des écuries de mes parents en travaillant exclusivement des poneys. J’ai mon team de compétition mais j’ai aussi des chevaux que je travaille pour des propriétaires et des poneys destiné au commerce. J’achète, que je forme à l’attelage et je revends. Pour la compétition, mon team est exclusivement composé de Welsh part bred principalement hollandais et parfois belges mais pas anglais car je les trouve plus lourds alors que ce qui me plait chez eux, c’est justement leur sensibilité. Ce ne sont pas toujours les poneys les plus facile mais ils ont du sang, ce qui fait d’eux de véritables poneys pour le haut niveau. Pour le commerce, j’achète également pas mal de New-Forest. Pour en revenir à Oirschot, j’étais vraiment ravie de la performance de mes poneys à la fin du marathon et j’ai dit à mon équipe que peu importait le résultat, c’était une victoire pour nous d’être aussi performants ce jour-là … et puis nous avons appris que Christof avait fait une erreur qui lui coutait très cher dans un obstacle et que nous remportions le marathon …. En prenant la tête du général! »

A une journée de la fin, la meneuse hollandaise est bien partie pour réaliser un incroyable triplé. « Sincèrement, en reconnaissant le tour de la maniabilité, je n’ai pas trouvé cela spécialement compliqué … puis j’ai vu les autres concurrents passer et j’ai vu les fautes s’enchainer. Là, j’ai commencé à m’inquiéter car ,c’était loin d’être facile et en plus, autant je suis bonne pour le dressage et le marathon, autant la maniabilité n’est pas mon domaine de prédilection. Finalement mes poneys ont été si gentils et si faciles qu’une fois en piste, la pression est retombée et j’ai mené vraiment comme à un entrainement et non un Championnat du monde! En prenant la troisième place, nous nous sommes assuré la victoire finale. J’étais vraiment contente. A la fin de ces championnats, j’étais doublement heureuse car, d’une part, j’ai réussi à conserver ce titre mais en plus, j’étais ravie car Bérengère Cressent prend une magnifique médaille d’argent avec Dakotah’s Owen, un poney qu’elle a acheté chez nous en 2001 et qui lui avait déjà permis de remporter le bronze quelques mois plus tard. C’est important pour moi que l’on voit qu’il n’y a pas que nos poneys qui font de belles performances mais aussi ceux qui viennent de chez nous. Cela me fait énormément plaisir. Cela ne fait que cinq ans que j’ai démarré ce business. Au départ, personne ne s’était spécialisé dans les poneys. Les gens ont commencé à me demander et finalement, cela s’est mis en place naturellement. Je travaille en famille avec mes parents mais mon papa s’occupe des chevaux et moi des poneys. Evidemment, il m’aide parfois et me donne toujours des conseils quand j’en ai besoin, mais on a chacun notre secteur. C’est d’autant plus difficile que le milieu du poney intéresse moins les médias. Je ne comprends pas spécialement pourquoi mais il est certain qu’il y a plus d’intérêt pour les chevaux. Personnellement, j’adore ce milieu et même si à 14 ans, je voulais mener des chevaux, aujourd’hui, pour rien au monde je n’échangerais mon attelage de poneys. Je me réjouis de continuer à former mes jeunes poneys pour les prochaines échéances car cette fois, il est certain que ce ne sera plus à mon team expérimenté de défendre ce titre ! »