Longtemps, Bernard Mathy a suivi son père sur les rectangles de sables, un peu comme on apprend un métier en traînant derrière l’atelier. Aujourd’hui, il n’est plus « le fils de », mais un chef de piste qui prend ses marques aux quatre coins du monde. Après Lanaken, Bonheiden ou le Sunshine Tour, le Belge s’invite désormais sur les grandes scènes internationales, de la Suisse à Barcelone, aux côtés de pointures comme Gérard Lachat ou Santiago Varela. Et chaque parcours qu’il trace ressemble un peu à sa trajectoire : réfléchi, progressif, sans chercher les raccourcis faciles.

« À la base, je n’avais jamais prévu de devenir chef de piste. » La phrase tombe sans storytelling, pas de détour. Bernard était cavalier en Allemagne, puis en France. Un jour il décide de mettre fin à sa carrière et quitte l’écurie de Thierry Navet (le frère d’Eric), et décide de faire son retour en Belgique. À ce moment, le centre équestre Euregio de Welkenraedt avait changé de mains (racheté par Jean-Paul Lemaître et Nicolas Kroonen), et les concours d’hiver s’annonçaient. Son père, jamais avare d’un conseil, lui suggère de s’y coller. « Jorganisais les concours et j’ai alors pris Eugène (le paternel) comme chef de piste. Et de fil en aiguille, j’ai commencé à l’aider. j’ai découvert alors que ça me plaisait. Il m’a dit : “Passe tes examens.” Alors je me suis lancé. »
De là, le parcours – sans faute – s’enchaîne : examens, concours régionaux, premières responsabilités. « Je ne voulais pas devenir chef de piste juste parce que je portais un nom. J’avais insisté : si je ne suis pas bon, il faut me le dire tout de suite. » Mais il était bon. Très bon même. Assez pour se passionner et grimper jusqu’au level 3, l’ultime étape avant le level 4, sésame olympique, entre autre.
Lanaken, Sunshine et Brésil
Son terrain de jeu préféré reste Lanaken, théâtre des championnats du monde des jeunes chevaux. «Mon père m’avait vraiment formé là-bas et un jour, Judy-Ann Melchior m’a fait confiance comme chef de piste principal. C’était très gratifiant. » Depuis, Bernard a enchaîné : Championnats de Belgique des Jeunes chevaux, Championnats de Belgique Seniors (depuis 3 ans), Sunshine Tour, rendez-vous internationaux à Opglabbeek, Bonheiden, Wuustwezel. Sans oublier ses nouvelles escales exotiques : le Brésil, où il officie deux fois l’an et s’occupe des Championnats sud américains des jeunes chevaux, et plus récemment au Maroc où il gère des concours nationaux..

À l’entendre, on sent que l’homme n’a pas fini de voyager. Mais pas question de brûler les étapes : «Je ne veux pas courir après le level 4. C’est difficile de se forger une réputation comme chef de piste, et très facile de la perdre. Une ou deux grosses erreurs et tout s’écroule. »
Avenches, Barcelone et les rêves
Pour progresser, Mathy fait ce que font les ambitieux patients : il se met dans le sillage des meilleurs. Gérard Lachat en Suisse, Santiago Varela à Barcelone. Deux pointures: l’un officie à St Gall, à Genève, construit la finale du Top Ten, et l’autre a fait notamment les Jeux Olympiques et les derniers championnats d’Europe, à La Coruña. « Concrètement, je fais ce qu’on me demande, je propose mes idées, on échange. C’est un vrai travail d’équipe. » Les prochaines semaines, à Avenches pour la finale EEF, comme à la finale 5* de Barcelone, il engrangera l’expérience qu’il espère transformer un jour en Coupe des Nations, voire en parcours cinq étoiles dessinés de sa main.
Un style Mathy
Alors, c’est quoi une piste signée Bernard Mathy ? Ni guillotine, ni cadeau. « J’essaye de faire travailler les cavaliers plutôt que de piéger les chevaux. J’aime bien quand les cavaliers hésitent, doivent marcher plusieurs fois différentes lignes. Ça veut dire que je les fais réfléchir. Mais je veux que les chevaux sortent bien, calmes, pas traumatisés. Quand je vois un cheval quitter la piste avec les rênes longues, relâché , alors je me dis que j’ai bien fait mon boulot. »

Pour l’instant, Bernard Mathy trace sa voie avec méthode : des lignes propres, une courbe de progression maîtrisée, un œil aiguisé. Le rêve olympique n’est pas encore pour demain. Mais au rythme où il avance, on sait déjà qu’il devrait promener son décamètre bien au-delà des pistes nationales.