François Mathy Jr, vous connaissez. Carrure de rugbyman, légèreté de jockey une fois en selle. La selle, justement… il l’utilise un peu moins depuis quelques mois. La faute, ou plutôt la chance, à une activité de coaching devenue sa priorité. Le Belge est maintenant annoncé comme coach de l’équipe d’Espagne de saut d’obstacles dès 2026.

Des souvenirs qui font vibrer
Maestro de l’obstacle, François a vibré sur les pistes de Calgary à Aix-la-Chapelle, en passant par Rome et Londres. « J’ai toujours fait du sport au haut niveau en ayant des élèves à côté. Donc ce n’est pas nouveau, ce qui est nouveau par contre, c’est que c’est devenu mon activité principale », confie-t-il, expresso à la main.
« J’ai toujours aimé les concours 5* et j’ai pu évoluer pendant de nombreuses années à ce niveau, notamment, grâce aux propriétaires que j’ai eu la chance d’avoir : Ingrid Norman, pendant plus de 20 ans, et la Princesse Haya (bint al-Hussein) avec le Team Harmony pendant une douzaine d’années aussi. J’ai alors connu une liberté totale dans le sport, ce qui m’a vraiment permis d’évoluer. »

Les souvenirs sportifs qui marquent sont nombreux. « Si je pense aux résultats sportifs qui m’ont marqué et m’ont donné le plus d’émotions, je dirais d’abord la victoire à Calgary. C’est un concours unique, que j’ai toujours tenu en très haute estime et qui a une place particulière dans mon cœur. C’est d’ailleurs la seule fois où la Belgique a remporté là-bas la Coupe des Nations. Mon cheval a joué un rôle décisif et c’était vraiment un grand moment de sport. »

Un autre flash, plus ancien, reste gravé à San Patrignano : « C’est un concours auquel j’étais très attaché. Cette victoire dans le Grand Prix 5* en 2000 (avec Viktor) a eu une résonance particulière car elle est arrivée juste après le décès d’un de mes amis, Guido Dominici, qui avait remporté le Grand Prix là-bas deux ans avant. Cela a donné une dimension émotionnelle très forte à ce succès. »
L’heure d’une transition
La transition est nette. « Si vous m’aviez demandé jusque quand je voulais monter, j’aurais dit comme John Whitaker », plaisante François Mathy Jr. Mais la réalité du terrain en a décidé autrement : « Mes deux chevaux de tête commençaient à prendre de l’âge et ont été commercialisés. Et puis derrière, j’avais des chevaux plus jeunes. Aller des semaines entières sur des petits concours pour faire progresser les chevaux de propriétaires et puis devoir les vendre une fois à maturité…et devoir recommencer. Moi qui aime le haut niveau, ce n’est plus trop mon truc et je peux le laisser faire à quelqu’un d’autre. Et puis j’ai ma groom qui m’a accompagné pendant près de 18 ans, qui avait décidé d’arrêter et de changer d’activité.

Cet ensemble de chose ajouté au fait qu’à la fin de l’année passée, quand j’ai regardé le calendrier pour 2025, j’ai vu que les demandes de coaching étaient assez importantes et que je n’allais pas être beaucoup en Belgique. Dès lors, conserver des chevaux n’avait plus beaucoup de sens. J’ai donc vendu ou confié les quelques jeunes qui étaient encore dans mes écuries. »
Globe-trotter et chef d’équipe
Canada, États-Unis… le globe devient son nouveau manège. Des opportunités en Amérique du Sud pour préparer les Jeux bolivariens. Et un jour, l’Espagne l’appelle. Le Belge devient officiellement chef d’équipe de l’équipe ibérique de saut d’obstacles, avec pour objectif… Los Angeles 2028.
« Il faudra suivre les cavaliers, faire les sélections, et même amener un peu de technique. Mais ce sont surtout des cavaliers expérimentés, donc le rôle est plus d’accompagner et de conseiller. Avoir quelqu’un au sol qui leur donne un feedback et qui les guide est aussi important. Ce n’est pas juste de la composition d’équipe. »

Mais tout n’est pas rose entre certains cavaliers espagnols et leur fédération. Le Belge va devoir rabibocher tout ce petit monde. La diplomatie, il connaît. Lui qui est également Président du Club des Cavaliers. « Par contre, la politique, très peu pour moi. Mais ces cavaliers espagnols, je les connais pour la plupart pour avoir évolué avec eux en concours et sur les tournées pendant des années. J’ai aussi passé une année d’étude en Espagne. » Bilingue dans la langue de Cervantes, Mathy apprécie le pays… et ça aide quand on va y passer des semaines.
L’expérience au service du collectif
Ses armes, François les a faites au fil des années avec ses élèves, mais sa dernière expérience d’équipe remonte aux cavaliers belges de complet : « Je n’étais pas chef d’équipe, c’était Kai (Stefen Meier), mais j’avais tout de même un rôle de suivi auprès des cavaliers, quelque chose qui se rapproche d’un rôle de chef d’équipe. Cette expérience m’a permis aussi de découvrir les cavaliers de complet que je ne connaissais pas. Des gens vraiment super également. Qui doivent souvent travailler plus pour un calendrier qui est beaucoup moins étoffé. Et de vrais hommes et femmes de chevaux aussi. Les accompagner jusqu’aux Jeux de Paris a été vraiment une belle expérience. »

Défendre le bon sens et les chevaux
François Mathy Jr n’entend pas faire de politique… mais il côtoie les règles et les excès de près en tant que Président de l’IJRC, le club international des cavaliers :
« On est à une époque où il manque de personnes de chevaux autour de notre sport. On a de plus en plus de gens qui ne connaissent pas grand-chose et veulent influer sur notre sport et ça, c’est une dérive dangereuse. Bien entendu, on doit mettre des règles et veiller au bien-être animal avec toutes ses implications. Mais ces derniers temps, il y a eu aussi beaucoup de dérive et d’excès. Nos chevaux sont sans doute les animaux qui reçoivent le plus d’attention et de soins au monde. Le bien-être des chevaux n’est pas quelque chose de nouveau. Le problème c’est qu’on le met un peu à toutes les suces maintenant. Mais il a toujours fait partie intégrante des préoccupations des cavaliers et surtout des cavaliers de hauts niveaux. Ce sont les personnes avec leur entourage qui passent le plus de temps avec les chevaux et de manière le plus professionnels possible. Ça a toujours fait partie de nos priorités.

Bien entendu, il y a des personnes qui sortent des clous. Mais c’est comme pour n’importe quel domaine, c’est toujours une petite minorité. Mais cela jette l’opprobre sur l’ensemble. Et du coup, on tombe dans des excès de règles mais aussi de suspicion. On était arrivé à un point où les officiels faisaient presque des procès d’intention aux cavaliers. Quand on voyait des stewards qui examinaient presque au microscope votre cheval en sortie de piste, non pas pour voir s’il y avait quelque chose mais pour trouver quelque chose. Ça n’allait pas dans le bon sens. Même si on est tout à fait d’accord pour qu’il y ait des régulations et des contrôles. Mais il y a les règles, l’esprit des règles et la manière dont elles sont appliquées.»

Le rôle du club des cavaliers ? Rappeler que ce sont les cavaliers, grooms et propriétaires qui connaissent le mieux leurs chevaux. « On n’a pas le pouvoir final, mais notre voix doit être entendue. Il faut ramener du bon sens. »

Des modèles et des inspirations
En tant que chef d’équipe, François sait de qui s’inspirer :
« Dans ma carrière, j’ai connu de nombreux chefs d’équipe. Deux m’ont particulièrement marqué. Le premier, c’est Philippe Guerdat : il connaissait absolument tout des chevaux et des résultats, parfois mieux que nous-mêmes. C’était assez impressionnant. Le voir assis sur une chaise en bord de piste dès le matin, regarder tout et tout voir… C’était impressionnant de précision et d’implication. L’autre, c’est Peter Weinberg, que j’admire pour sa gestion humaine et politique. Il savait apaiser les tensions, gérer les conflits, faire face aux pressions, et trouver des solutions pour ses cavaliers. Sa manière de communiquer et de gérer les hommes est un exemple dont j’aimerais m’inspirer. »
Toujours cavalier
Mais François n’a pas rangé sa selle au placard : « Je continue à monter, j’ai fait quelques concours aux États-Unis et au Canada dernièrement. Le catch-riding pour mes clients est quelque chose qui me plaît aussi beaucoup. Ça me garde en contact avec les chevaux et avec les concours. »

Entre missions internationales, coaching intensif et gestion d’un club des cavaliers en pleine dynamique, François Mathy Junior trace sa route à la manière d’un cavalier sur une piste d’obstacles : précision, anticipation… et à 55 ans, décrocher n’est pas dans son programme et son prochain objectif aura des accents ibériques.
(Photo cover © Ecurie Mathy)