Vingt victoires internationales en une saison. Un chiffre qui claque comme un chrono. Mais derrière les statistiques, il y a une femme qui doute, réfléchit, s’interroge — et qui, cette année, a trouvé une forme de paix.
Le doute comme moteur
Ce n’est pas une posture. Chez Lara de Liedekerke-Meier, le doute fait partie du quotidien, presque de la méthode. Elle le dit sans détour :
«Je doute beaucoup, mais ce doute me pousse à toujours vouloir m’améliorer. C’est épuisant pour mes proches, parce que je suis une éternelle insatisfaite, mais c’est aussi ce qui me fait avancer.»
Le mot est lâché : épuisant. Ceux qui l’entourent savent que l’exigence est constante, que la moindre imperfection peut relancer la machine à questions. Et pourtant, c’est cette obsession du détail qui fait la différence entre une bonne saison et une année historique.
Trouver la bonne distance
Cette saison, Lara a appris à respirer. À accepter l’imperfection sans la transformer en défaite. Le coaching mental a sa part de résultat.
«Une contre-performance n’est pas forcément un échec. J’arrive à mieux gérer mes émotions, à accepter quand ça ne va pas sans tout remettre en question.»
C’est peut-être ce qui explique la sérénité affichée à Boekelo. Une forme de maturité, acquise à force de parcours, de chutes et de reconstructions. Aujourd’hui, elle sait que la constance vient aussi de la paix intérieure.
Une histoire d’équipe
Si les titres se remportent seule en piste, ils se construisent à plusieurs. Derrière Lara, il y a des visages familiers, des voix rassurantes : sa groom, son entraîneur de dressage, son mari, bref, un entourage qui vit à son rythme, entre précision et émotions.
«Même si je n’ai pas couru après ce record de victoires internationales. Il faut tout de même marquer le coup. Pas pour moi, mais pour toute mon équipe. Donc oui, je veux célébrer ces vingt victoires, pour toute mon équipe. On a beaucoup travaillé ensemble, souvent dans l’ombre, et c’est avec eux que je veux profiter de ce record.»
C’est aussi ça, la nouveauté : accepter de profiter. Laisser un peu de place à la fête.
Parce que si la cavalière n’accepte pas la défaite, elle a du mal à accepter le succès aussi …
«Tout ça est un peu irréel pour moi. Je n’ai pas vraiment les mots. J’ai toujours du mal à croire que je fais partie de cette catégorie de très bons cavaliers. Quand je les regarde, je suis toujours un peu timide et je me dis « ah celui-là fait ça comme ça, peut-être que je devrais… ». Je n’ai pas beaucoup d’assurance en fait. Les gens se moquent gentiment, parce que les résultats prouvent que je sais le faire. Mais ça reste dur à réaliser. Je pense que je vis un rêve éveillé là grâce à mes chevaux.»
Le syndrome de l’imposteur, elle en rit à demi. Puis elle ajoute :
«Ce n’est pas vraiment crédible pour mes chevaux, le syndrome de l’imposteur. Mais moi, Lara, toute seule, sûrement.»
Pas vraiment la vision des autres cavaliers du top…
«J’étais en conférence de presse à Luhmühlen, entre Tom McEwen et Ros Canter et j’étais toute gênée et je pensais que je n’avais pas ma place là. Ils avaient été un peu perturbés que je pense comme ça. Mais ils savent que je suis très introvertie et plutôt dans le doute tout le temps. Mais pour moi, cette remise en question permanente n’est pas négative. C’est aussi ça qui me fait avancer et progresser. »
La saison est loin d’être finie pour Lara de Liedekerke.
«Je repars au Lion d’Angers cette semaine avec deux super chevaux : Le sept ans, Hélios, qui ne va pas gagner le dressage, mais il est vraiment super. Il a gagné trois concours cette année. Je vise clairement un top 10. Et Tara van het Leliehof, qu elle peut gagner. Il faudra que j’ai un peu de chance avec le tirage au sort etc, mais elle est excellente, c’est une vraie pépite. Mais on sait qu’aux championnats du monde jeunes chevaux, il faut que tout s’aligne pour que ça passe. J’ai de super chevaux, une équipe de propriétaires qui me suit aussi.
Ensuite, Kronenberg avec Call Me Senorita, une jument de sept ans qui fera son premier quatre étoiles. Elle a gagné à Strzegom et terminé deuxième à Arville. L’idée, c’est de préparer la suite, sans brûler les étapes.»
Tout est dit. Derrière le palmarès, il y a la méthode : écouter les chevaux, respecter leur évolution, refuser la précipitation.
Et maintenant ?
Les yeux tournés vers Aix-la-Chapelle et les Jeux de Los Angeles, Lara n’élude pas le rêve. Mais elle le garde à sa juste place.
«J’aimerais continuer à être cette locomotive qui peut tirer la Belgique vers une qualification pour L.A. Kiarado d’Arville a le potentiel pour ça. Si on continue à progresser comme cette année, pourquoi pas viser une qualification pour la Belgique ? Ce serait un immense accomplissement. Mais il va falloir encore progresser. Mais je pense qu’on a cette marge de progression avec Hooney et Kiarado. Avec Kiarado si on peut passer de 28 à 25, je pense que c’est bien. Mais il y a encore du travail. On va d’abord laisser Kiarado profiter de ses vacances»
Un rêve, oui (elle a fait de LA28 un objectif dès la fin des JO de Paris). Mais pas une obsession.
C’est peut-être ça, la clé de sa saison : croire. Non pas en la victoire, mais dans la justesse du travail, dans la connexion avec ses chevaux, dans cette force tranquille qui s’installe quand on ne cherche plus à prouver.
À Boekelo, Lara de Liedekerke-Meier n’a pas seulement gagné une épreuve : elle a redéfini la constance à haut niveau. Sa réussite est autant le fruit d’une écoute fine que d’une discipline sans faille, montrant que l’émotion et l’excellence peuvent avancer main dans la main.