Parfois, le monde du saut d’obstacles ressemble à un western élégant : bottes cirées, regards de plomb et chevaux prêts à bondir vers la gloire. Dans ce décor, Stanny Van Paesschen, c’est le sage à l’accent belge et aux poches pleines de médailles. Cavalier prodige hier, chef d’équipe magicien aujourd’hui, il a tout gagné, partout. Et toujours avec la même philosophie : sérénité, travail, respect.
Le Mozart du paddock
À 19 ans, certains découvrent la vie, d’autres remportent une médaille olympique. En 1976, à Montréal, Stanny Van Paesschen devient le plus jeune cavalier médaillé de l’histoire du saut d’obstacles, avec le bronze par équipe. Le gamin belge, au visage encore juvénile, grimpe sur le podium comme d’autres montent sur scène : sans fioritures, mais avec le charisme tranquille des grands.

Une médaille d’argent européenne Juniors à Anvers, deux titres de champion de Belgique (1976, 1986), une centaine de Coupes des nations et une carrière professionnelle qui s’étale de 1975 à 2005 : le palmarès de Van Paesschen cavalier tient la route, et pas qu’un peu. Mais le meilleur était encore à venir.
Le coach aux médailles planétaires
En 2005, il raccroche la bombe et enfile la casquette d’entraîneur. « Dirk Demeersman m’avait appelé», se souvient-il. «Il voulait un coup de main. Je me suis engagé, et on a travaillé ensemble pendant quatre ans. Heureusement, on avait Jos Lansink, champion du monde et vice-champion d’Europe avec Cumano. »
Alors qu’il collabore avec l’équipe, la Belgique retrouve des couleurs : or mondial, argent européen, deux argent et cinq bronze en Coupes des nations, excusez du peu. Mais quand la fédération ne suit pas sur le plan financier, Stanny plie bagage. Destination improbable : l’Arabie Saoudite.
Miracle du désert
Là-bas, tout est à construire. « L’équipe n’existait pratiquement pas », raconte-t-il. Mais il relève le défi. Avec Ramzy Al-Duhami, Kamal Bahamdan, le Prince Abdullah bin Mutaib Al Saud et Abdullah Waleed Sharbatly, il façonne une équipe qui étonne le monde : or en équipe et or et bronze en individuel aux Jeux asiatiques de Guangzhou, bronze par équipe aux Jeux olympiques de Londres 2012, argent mondial à Lexington…
Le tout avec des chevaux que « personne n’aurait pris aux États-Unis ou en Allemagne ». Miracle du désert, version équestre.

Tour du monde en 80 médailles
Puis le Mexique, où il rafle tout à Bogota (double or en 2018 avec Francisco Pasquel) avant de repartir de Lima avec le bronze par équipe aux Jeux panaméricains 2019.

Et comme les bons entraîneurs finissent toujours par atterrir dans les grandes écuries, c’est la Grande-Bretagne qui fait appel à lui en 2022. Di Lampard, la cheffe d’équipe britannique, le veut à ses côtés. Résultat ? Une moisson de médailles :
- Bronze par équipe aux Jeux mondiaux 2022,
- Or olympique à Paris 2024,
- Argent par équipe et individuel pour Scott Brash aux Européens 2025 à La Corogne,
- Et la victoire en finale de la Coupe des Nations à Barcelone en 2025.
On appelle ça un CV, mais ça ressemble plutôt à un musée des trophées.

« Yesterday’s champion is yesterday »
Stanny Van Paesschen, c’est la mémoire vive du saut d’obstacles. Mais c’est aussi un homme d’une humilité rare. « David Broome me disait souvent : Yesterday’s champion is yesterday. Il ne faut jamais s’endormir. » (et le gaillard s’y connaissait aussi en médailles…)
Ceux qui l’ont vu au travail savent : il n’élève jamais la voix, ne gesticule pas. Il observe, ajuste, encourage. Il crée une bulle de confiance autour de ses cavaliers, qu’ils s’appellent Scott Brash, Ben Maher ou qu’ils viennent du bout du monde.

Et quand on lui demande combien de médailles il a collectionnées, il répond sans hésiter : « Je ne sais pas exactement. Mais trois comptent plus que les autres : Montréal, Londres et Paris. » Trois époques, trois vies, une même ligne : l’excellence tranquille.

Le stratège de l’ombre
Son secret ? Une approche humaine. Pas de recettes miracles, pas de slogans creux. Juste la conviction que « les cavaliers doivent se battre les uns pour les autres ». Et ça marche. Qu’il dirige des stars britanniques ou des outsiders mexicains, Stanny Van Paesschen transforme les équipes dispersées en armées soudées.

Il aurait pu revenir coacher la Belgique ? « Non. Cette page est tournée », tranche-t-il. Et on le croit volontiers. L’homme regarde toujours devant. Vers Los Angeles, peut-être. Vers une nouvelle médaille, sûrement. Parce qu’un champion comme lui ne s’arrête jamais vraiment.
Stanny Van Paesschen en chiffres
- Cavalier : 1 argent européen Juniors, 2 or nationaux Seniors (1976, 1986), 1 bronze olympique (Montréal 1976)
- Coach :
- Belgique : 1 or mondial, 1 or européen, 2 argent, 5 bronze
- Arabie Saoudite : Double or & bronze aux Jeux asiatiques, argent mondial, bronze olympique
- Mexique : double or (Bogota 2018), bronze (Lima 2019)
- Royaume-Uni : bronze mondial 2022, or olympique 2024, double argent européen 2025, victoire en Coupe des Nations 2025
- Plus de 20 médailles internationales en 20 ans de coaching

L’élégance du gagnant discret
Il y a les entraîneurs qui crient, et ceux qui inspirent. Stanny Van Paesschen appartient à la seconde catégorie. Avec lui, pas de show, pas de slogans. Juste une rigueur de métronome et un regard bleu azur qui voit tout.
Son palmarès est un continent à lui seul, mais son héritage est ailleurs : dans chaque cavalier qu’il a aidé à croire un peu plus en lui. Et dans chaque équipe qu’il a réussi à transformer en famille.
