Le Saut Hermes fait partie des rendez-vous très attendus de l’année où chacun entre sous la grande verrière, année après année, avec toujours autant d’émotions. Pourtant cette année, la maison Hermes et GL Events étaient devant un défi colossal : continuer à faire vivre l’évènement au sein du Grand Palais éphémère jusqu’en 2024. Le chef de piste Santiago Varela rappellera à quel point il est important pour un tel concours de travailler avec des gens de chevaux comme GL Events surtout lorsqu’on découvre une nouvelle salle comme ici. « Ce dimanche matin, à la reconnaissance, j’ai été surpris par le soleil qui n’était pas aussi haut que je l’espérais et cela allait engendrer un véritable problème. J’ai demandé à Kael Feuillerac, qui est la meilleure directrice d’évènement que je connaisse, la possibilité de retarder de cinq minutes l’épreuve. Ma demande a toute de suite été acceptée et ils ont réussi à gommer ce retard par la suite. » expliquera l’espagnol.
Un pari réussi, avec à la clé une somptueuse victoire sportive de Kevin Staut qui ne s’était plus imposé en Grand Prix 5* depuis 2016 à Bordeaux. Après une longue traversée du désert, qui s’explique aussi par une totale réorganisation de son système de fonctionnement, le normand a aussi pu profiter du retour au meilleur niveau de la crack Chepetta (Chepetto) qui avait fait le bonheur de Céline Schonbroodt.
« Sincèrement, je pensais être deuxième en sortant de piste. Henrik passait en dernière position et tout le monde reconnait le couple qu’il forme avec King Edward comme le meilleur couple du monde. Peut-être que si ils sautaient moins haut, ils iraient plus vite … (rire). Je pense qu’en plus, le dessin du barrage leur convenait bien. Cela me procure finalement une belle surprise à la fin. J’ai trouvé que le public applaudissait beaucoup pour une victoire suédoise… mais finalement, c’est beaucoup de bonheur. Cette période sans victoire en cinq étoiles a été tellement longue que si je devais tout raconter, il faudrait quelques psychologues autour de la table mais finalement, c’est le premier pas qui est le plus difficile car on n’imagine pas que ça peut arriver. Maintenant, cela m’est arrivé plusieurs fois alors, je suis au courant. Je vis actuellement une belle aventure avec différents propriétaires mais cela prend un peu de temps. » réagira Kevin Staut avant de poursuivre sur l’histoire incroyable du retour de cette incroyable jument : « Lorsqu’elle est arrivée chez moi, je me suis basé sur les résultats qu’elle avait faits avec Céline qui avait l’occasion d’aller faire de très beaux concours grâce à ses résultats avec Chepetta … mais elle n’avait quelle ! La jument a donc pas mal sauté … et en plus de cela, elle a un problème à l’œil qui s’est déclenché au même moment. Nous avons donc dû faire un break pour l’œil mais lors des deux concours où je l’ai montée à Grimaud, je me demandais comment Céline avait fait autant de bons résultats car mon ressenti n’était pas bon. Je pense que la jument avait vraiment besoin de ce break. Peut-être également que son œil commençait à lui faire mal. Nous avons cherché lorsqu’elle était chez moi en Normandie puis Virginie Couperie a trouvé un super ophtalmologue sur Bordeaux et ils ont laissé la jument souffler pendant huit mois.
L’avenir de la jument était très incertain, on a essayé énormément de choses d’autant que lorsque Franck et Virginie ont eu le souhait de la ramener en France pour que je puisse la monter, ils ont trouvé des investisseurs qui ont parfois pu s’impatienter un peu devant tous ses soucis. On a essayé des implants, le risque qu’elle perde son œil n’était pas écarté mais finalement, c’est une ophtalmo qui avait vu ce cas très rare sur un frison, qui a réussi à faire un traitement pour à la fois protéger l’œil, et équilibrer le système immunitaire de la jument qui était auto-immune très rapidement sur chaque traitement, ce qui rendait les choses quasiment impossibles. Il a fallu ensuite la remettre en route et c’était un moment où il y avait peu de concours pour nous, c’était donc difficile pour moi de la redémarrer sur des 120 alors que je devais faire tourner ma structure qui repose essentiellement sur les dotations. Laura Rayjasse lui a fait reprendre la compétition gentiment jusqu’au niveau 1m40, en gérant magnifiquement toute cette remise en route avec l’équipe du Château Macon. Je l’ai récupérée à un concours à Vilamoura et c’était une toute autre jument dans l’énergie et le potentiel. Elle est ensuite de nouveau retournée à Macon et je l’ai reprise de nouveau à Vilamoura en février où nous avons remporté notre premier Grand Prix ensemble. Je dois bien avouer qu’au départ, je n’y croyais pas du tout et que maintenant, elle fait partie des meilleurs chevaux que j’ai montés ! Je pense vraiment que ce break lui a fait le plus grand bien et que malgré son âge, elle est vraiment en pleine santé ! C’est une jument excessivement saine, les check up vétérinaires sont tous d’accord là-dessus. Elle a peut-être perdu 10 à 15% de sa vue à cet œil. On a laissé un voile s’installer mais elle voit complètement. Ce qui était vraiment important vis-à-vis de l’ulcère qui était le premier problème à la base, c’est que la jument ne souffre pas de crises qui auraient pu lui donner des maux de tête à n’importe quel moment ! Mais ce qui est clair, c’est que le caractère des chevaux est primordial. Si ces chevaux sont bons en piste, c’est aussi parce qu’ils savent surmonter des évènements de vie particulier. » expliquera Kevin Staut qui retrouve le sourire et voit l’avenir avec ambition et de belles perspectives : « Je n’ai pas eu beaucoup de chance l’an dernier mais aujourd’hui, en plus du retour de Chepetta, je peux également compter sur le retour du Viking ainsi que sur l’étalon Bond Jamesbond de Hay qui est arrivé dernièrement et qui a beaucoup de potentiel sans oublier les deux juments qui ont porté toute l’écurie l’an dernier, Tolède et Visconti. J’essaie aussi d’apprendre de mes erreurs du passé où durant mes différents hauts dans ma carrière, j’ai négligé le futur en oubliant de produire des jeunes chevaux. Je veux aujourd’hui corriger cela, je sais que je ferai encore des erreurs mais je vais éviter de faire les mêmes ! J’ai confié plusieurs jeunes chevaux aussi bien autour de Deauville mais aussi en Belgique chez Frédéric Bouvard car je pense que cela reste un circuit fantastique pour développer les jeunes chevaux. J’ai envie de garder cette petite structure chez moi ce qui me permet de collaborer avec des gens en qui j’ai confiance et qui savent très bien faire la formation de ces chevaux en devenir. »
« Je suis vraiment heureux d’avoir gagné ici à Paris devant un public qui a enfin pu revenir et qui aura été très chaleureux tout le week-end. Je suis vraiment heureux pour toute mon équipe. Dans une carrière de cavalier, il y a des hauts et des bas … et j’espère que cette victoire va pouvoir relancer cette dynamique pour aller atteindre de très bons résultats. » concluera le normand qui peut savourer cette victoire qu’il aura été chercher devant une concurrence très fournie, comme en atteste le podium mettant les deux suédois à ses pieds. Henrik von Eckermann et son incroyable King Edward (Edward 28) doivent cette fois se contenter de la seconde place devant le numéro un mondial Peder Fredricson qui sera troisième avec Hansson WL (Hip Hop).
On doit bien admettre que vu l’ordre de passage qui laissait la possibilité à Henrik von Eckermann de s’élancer en toute fin d’épreuve, peu auraient parié sur une troisième victoire française consécutive… comme le confirmait Kevin Staut lui-même … mais pourtant … « J’ai été trop lent et je ne dois en vouloir qu’à moi-même. Je suis très déçu de ma prestation. King Edward a très bien sauté et avec un tel cheval, je devais gagner l’épreuve. Ce cheval est un vrai génie. J’ai déjà manqué une autre épreuve il y a quelques semaines parce que je n’ai pas assez bien monté, il ne faudrait pas que cela devienne une habitude. Ici, j’ai bien commencé mais pour aller sur le dernier, j’ai tenu pour faire 8 foulées et j’aurais dû y aller pour faire 7, c’est tout ! Je suis néanmoins très content pour Kevin, il est allé chercher cette victoire et il la mérite ! C’est un homme de cheval fantastique et un bon président pour le Riders Club.
Le meilleur temps du barrage aura néanmoins été bouclé par le suisse Martin Fuchs très en verve avec Chaplin (Verdi) mais avec malheureusement une faute malgré une chronomètre de près de deux secondes plus rapide que le vainqueur du jour ! Christian Ahlmann s’en voudra d’avoir traversé sur le mur Hermès avec Dominator 2000 Z (Diamant de Sémilly) alors que son temps était lui aussi meilleur, comme Marcus Ehning avec sa surprenante Calanda 42 (Calido).
Une faute au barrage aussi, mais un large sourire, pour Willem Greve et son impressionnant étalon Grandorado (Eldorado vh Zeshoek) qui aura fait plaisir à tous les éleveurs qui lui ont fait confiance en bouclant une prestation exceptionnelle. « Je ne peux rien reprocher à mon cheval. C’est son troisième Grand Prix cinq étoiles … et son troisième sans-faute à la clé ! Malheureusement, à Vérone, il se blesse au barrage. Il est troisième la semaine dernière à ‘s Hertogenbosch et répond encore présent ici avec la manière. L’avenir s’annonce bien. »
La victoire de Kevin Staut n’effacera pas non plus les très belles performances de ses deux compatriotes Julien Gonin et Julien Anquetin respectivement sur Valou du Lys (Calvaro Z) et Blood Diamond du Pont (Diamant de Sémilly), très heureux de faire partie des douze barragistes, même si malheureusement leur barrage ne sera pas à la hauteur de leurs espérances, terminant respectivement 10 et 11ème.
La seule note d’ombre de cette édition aura été ce violent incident de Twentytwo des biches (Mylord Carthago) qui se blessera en prenant sa battue sur l’ultime obstacle du parcours avant de chuter violemment à la réception. Heureusement, rapidement prise en charge et transportée à la clinique de Grobois, l’alezane montée par Bryan Balsiger a été opérée avec succès d’une fracture à l’antérieur gauche. Si la jument ne retrouvera pas les terrains de concours, on ne peut que saluer le travail des équipes vétérinaires qui auront néanmoins permis de lui offrir une retraite sportive méritée.