La Tbourida première discipline équestre du Maroc

Publié par Julien Counet le 23/10/2022

“Dans le moindre village, toutes les familles, même les plus simples, ont un cheval, parfois deux ou même trois. Ces chevaux, ils ne font que manger et dormir. C’est principalement pour le prestige ici au Maroc” raconte en souriant Ahmed, venu, comme des milliers de ses compatriotes, assister au concours de Tbourida au Salon du Cheval d’El Jadida.
Le salon, un incontournable pour beaucoup d’habitants de la région et pour toutes les écoles qui y défilent durant cinq jours. Et le graal pour tous ces visiteurs, c’est de se faufiler dans le stade plein comme un oeuf, au bord du mahrek, cette piste en terre rouge longue de 200m où s’affrontent les 18 troupes (ou sorbas) venues de représenter douze régions du royaume et tenter de remporter le Grand Prix de Sa Majesté le Roi Mohamed VI.

Au milieu de la foule, la compétition de tbourida se vit avec presque tous les sens. Les couleurs vous sautent aux yeux, une odeur âcre vous prend le nez. Une odeur que l’on identifie instantanément quand la première salve de détonations retentit. Ah oui, au fait, le terme “tbourida” vient de “poudre à canon”. Ce détail, vous vous rendez-très vite compte que ce n’en est pas un. Car même quand on y est préparé, vous ne pouvez vous empêcher de tressaillir au moment où les cavaliers alignés déboulant au galop en suivant les ordres du mokkadem, appuient sur la gâchette et déclenchent, en plus de votre sursaut, un coup de tonnerre qui n’a d’égal que le nuage de fumée qui l’accompagne. En plus de la moukalha, ce fusil typique marocain qui crache sa poudre noire, l’équipement des cavaliers est plutôt fourni: une djellaba, un seroual, une rezza ( turban ), des bottes équestres traditionnelles (tmagh), un petit livret de coran, un poignard (khanjar) et parfois un sabre (nimcha) accroché dans le dos.
C’est ainsi que la troupe se présente devant les membres du jury qui scrutent, au cours des différents passages, l’alignement parfait jusqu’au ralentissement final ou encore la synchronisation des tirs. Bref, la représentation parfaite de la parade militaire ancestrale (les origines de la tbourida remontent tout de même au 15ème siècle).

Mais la Tbourida que l’on appelle aussi fantasia ne serait rien sans ses chevaux. Eux aussi sont caparaçonnés de leurs plus beaux atours, mais c’est par leur calme à toute épreuve qu’ils étonnent surtout.

Ces montures sont de race Barbe, mais également, depuis peu, des chevaux de race Arabe-Barbe (croisement du Barbe avec le Pur-Sang arabe). Un cheval de tbourida peut valoir jusqu’à trente cinq mille dirham (environ 3200€) ou plus encore. Une somme plus que conséquente quand on la met en perspective avec les mille à mille cinq cent dirham demandés habituellement pour un cheval. Un sérieux indicateur sur la place qu’occupe la tbourida dans le coeur des marocains. Et pour préserver ce pan du patrimoine culturel arabo-marocain, la tbourida a été inscrite sur la liste du patrimoine immatériel de l’humanité de l’UNESCO en 2021.