Abdelkebir Ouaddar en état de grâce à El Jadida

Publié par Julien Counet le 25/10/2022

Dernier tableau du triptyque Morocco Royal Tour, l’étape d’El Jadida était la dernière chance de se racheter pour ceux qui, jusque là, étaient passés un peu à côté de leur tournée, pour les autres c’était une occasion de confirmer les bons résultats de Tétouan et de Rabat. Pour tous c’était en tout cas le moment de passer en “indoor”. Quatre jours de compétition en marge du Salon du Cheval dans une atmosphère hors du commun avec un public, même si il était souvent novice, n’en était pas moins fervent et passionné. Et en apothéose, le Grand Prix de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Grand Prix 4* Coupe du monde.


Après les victoires marocaines lors des deux premiers Grand Prix de ce tour, c’est bien avec un sentiment de revanche que les cavaliers européens se présentaient dimanche après-midi dans le Palais des Exposition d’El Jadida. Emanuele Gaudiano, Charlotte Philippe, Jérôme Guéry, David Will, Simon Delestre avaient donné le ton lors des premières épreuves quatre étoiles du week-end en s’imposant ou en prenant des places d’honneur.


Mais de leur côté, les cavaliers du “pays du couchant” pas encore complètement rassasiés de victoires ne semblaient pas décidé à se laisser faire. À l’instar d’Abdelkebir Ouaddar. Le vainqueur du Grand Prix de Tétouan avec Istanbull V.H Ooievaarshof qui allait remporter le vendredi l’épreuve qualificative pour le grand rendez-vous du dimanche.

Ils étaient donc 39 qualifiés pour affronter le parcours tracé par l’Allemand Peter Schumacher. 10 seulement de ceux-là allaient être retenus pour participer à la seconde manche. Les “4 points” les plus rapides: Mel Thijssen, Charlotte Philippe et Elian Baumann. Deux amazones sans faute, mais comptant respectivement un et deux points de temps: Jeanne Sadran et Luciana Diniz. Et enfin les sans-faute, ils étaient au nombre de cinq.

Mel Thijssen ouvrait le bal. Malheureusement , 3 fautes de Cartolana 2 réduisaient a néant tout espoir de remontée au classement pour la jeune cavalière des Pays-Bas. Pas plus de chance pour Elian Baumann. Vainqueur de l’épreuve ranking le matin même avec little Lumpi E, il n’allait pas rééditer la performance avec Campari Z dans le Grand Prix. Le Suisse, auteur d’un super chrono allait devoir se contenter de la neuvième place avec une addition de deux fois quatre points.


Charlotte Philippe allait, elle aussi, jouer le jeu de cette deuxième manche, et saisir sa chance en compagnie de Cacharel de Amoranda Z signant le premier double sans faute.
“Après le loupé de la Coupe des Nations de Rabat, il fallait se rattraper sur le dernier Grand Prix. Ma jument sautait de façon magnifique, malheureusement la faute de la première manche nous coûte cher. Mais bon, la 6ème place finale, c’est magnifique. D’autant que Cacharel avait commencé la tournée blessée. Elle s’était donné un coup dans le boxe en arrivant à Tétouan et nous avons du attendre quelques jours avant de vraiment débuter la compétition et ce n’est qu’à partir de Rabat qu’elle a été vraiment mieux et ici elle était revenue à 100%. Terminer comme ça c’est magnifique.” De quoi donner envie à la cavalière liégeoise de revenir dès l’année prochaine sur ce MRT.

Jeanne Sadran avec Dexter de Kerglenn et Luciana Diniz avec Vertigo du Desert allaient aborder le barrage de ce grand prix sur un tout autre mode. Avec l’objectif du sans faute. Ne prêtant pas vraiment attention au chrono. Une tactique qui ne va pas payer puisqu’avec une barre chacune la Française et la Brésilienne vont reculer au classement final en 7ème et 8ème position

Premier cavalier à zero point à s’élancer dans ce barrage, Jérôme Guéry allait soigner les trajectoires comme il sait le faire. Mais sa jument, Azaria Dinero manque, elle, encore un peu d’expérience dans l’exercice à ce niveau confiait le vice-champion du monde auteur de 4 points et qui devait se contenter, cette fois de la 5ème place.
“Un des objectif de ma venue sur ce MRT était clairement de venir prendre des points pour me qualifier pour la finale du Top Ten à Genève, au mois de décembre. Il y avait la Coupe des Nations de Rabat et le Grand Prix ici à El Jadida comme opportunités. Malheureusement je repars sans prendre les points espérés. C’est comme ça, c’est le sport, mais je suis tout de même content car mes deux chevaux ont très bien sauté lors des deux semaines. Ils ont tous les deux fait des classements.” conclura Jérôme Guéry avant de se tourner vers Lyon.

Avec Quincassi, Niklaus Schurtenberger savait qu’il ne disposait peut-être pas de toutes les chances pour disputer le chrono de ce barrage. Le cavalier suisse sortait de piste avec le premier double sans-faute de l’après-midi. Mais son 44.08 ne lui laissait pas beaucoup d’espoir, sauf dégâts parmi les trois derniers à s’élancer.
Mais le médaillé de bronze des Jeux de Pékin allait vite déchanter quand David Will claquait un 37.50 au terme de son deuxième tour bouclé en toute maitrise avec Zaccorado Blue.

Mais étais-ce suffisant pour plier la victoire? Rien n’était moins sur avec un cavalier de la trempe de Simon Delestre prêt à s’élancer. Même si l’expérience d’I Amelusina R 51 en Grand Prix était limitée (un seul avant ce Moroco Royal Tour). Mais le cavalier français avait choisi des épreuves 1m50 et 1m55 avec barrage (notamment à St Tropez) pour construire ce cheval. Déjà rassuré dans le GP de  Tétouan avec un double sans faute, Simon Delestre allait enfoncer le clou dans ce barrage mené plein gaz, sans laisser place à la moindre hésitation, avec un nouveau double zero à la clé, signant au passage le tour le plus rapide, 32 centièmes devant David Will.

“Contrat dix fois rempli pour Amelusina, qui pour moi est un crack et pour lequel j’ai vraiment pris le temps. Ces cinq, six dernières semaines j’ai vraiment pu lui donner énormément d’expérience. C’est positif à tout point de vue.” Simon Delestre sait alors qu’il a frappé fort. Son index pointé en l’air, son barrage bouclé ne laisse que peu de doute sur le sentiment de la performance accomplie.

Mais reste un cavalier à s’élancer dans le barrage de ce Grand Prix, et pas n’importe lequel.
Si le public marocain, montre un patriotisme à toute épreuve quand un cavalier montant sous la bannière étoilée est en piste, quand il s’agit d’Abdelkebir Ouaddar, c’est encore d’une autre dimension. On est alors entre adulation et amour profond. Et cette fois encore, quand “Kebir” et Istanbull V.H Ooievaarshof, vont rentrer dans la piste du Palais des Exposition pour la deuxième fois de l’après-midi, les murs vont trembler.


Le pilote marocain sait ce qu’il a a faire, lui qui s’est imposé deux semaines plus tôt à Tétouan dans le Gand Prix avec ce même Istanbull. Le couple s’envole alors. Devant ce public qui retient son souffle, les huit difficultés à franchir n’en sont pas pour ce duo en état de grâce qui coupe la ligne avec deux secondes et demie d’avance sur le temps de Simon Delestre.
Alors que les spectateurs ont déjà laissé exploser leur joie, ne laissant aucun doute sur le résultat, “Kebir”, lui, regarde l’écran géant pour vérifier ce que tout le monde a déjà compris. C’est une troisième victoire en trois Grand Prix pour le Maroc sur ce MRT 2022, la deuxième pour Ouaddar et Instanbull.
Le vainqueur du Grand Prix plus qu’heureux de démontrer que le dicton “nul n’est prophète dans son pays” ne s’applique en tout cas pas à lui.
“Je suis heureux de cette victoire, mais je suis aussi super heureux que ce soit face à une brochette de cavaliers comme Jérôme Guéry qui est un super champion pour qui j’ai beaucoup de respect, ou encore Simon Delestre, Luciana Diniz et tous les autres. Je suis vraiment fier et très ému d’avoir pu offrir ce cadeau à mon pays et à mon roi. D’autant que c’est son cheval qui a gagné aujourd’hui.


Après Quickly (de Kreisker), les gens ont dit que j’étais fini. Je me suis donné énormément de mal pendant deux ans. Je suis allé travailler en Europe, j’étais en Belgique notamment pour faire ces plus petits concours. J’ai construit mon cheval calmement. Je me suis donné du mal, parfois sans résultat à la clé. Dans ces moments, on se demande si on doit continuer ou arrêter. Mais je n’ai pas baissé les bras et je savais qu’un jour je serai récompensé et je savais que l’espoir que je plaçais dans ce cheval, il me le rendrait. Et une récompense comme celle-ci ça n’a pas de prix.”
Et Kebir de rêver encore un peu plus des Jeux de Paris 2024…