Il y a ceux qui raccrochent les bottes, et ceux qui, à 66 piges, se remettent à la compétition pour manger du kilomètre à travers les cailloux d’Italie sous 40 degrés. Ce samedi, Pierre Arnould participera aux Championnats d’Europe d’endurance à Castiglione del Lago avec l’équipe belge. Oui, Pierre Arnould. Oui, encore lui.
L’ancien sélectionneur national, figure tutélaire de l’endurance belge, n’en finit plus de faire des boucles. Sauf que cette fois, il ne sera pas planqué sous une casquette de coach, mais bien cramponné à ses étriers, sur la ligne de départ. Ce retour à la compète, ce n’est pas juste pour « faire un dernier tour », c’est avec des ambitions pleines les sacoches. Et un cheval du feu de dieu entre les jambes : Ph.ibn Jadara’h

“Je n’avais jamais arrêté. J’ai juste perdu 15 kilos.”
À écouter Pierre Arnould, on croirait presque qu’il s’est remis au haut niveau comme on reprend le jogging du dimanche. “J’ai recommencé en décembre 2023.” balance-t-il, comme s’il parlait de reprendre le Scrabble. La vérité ? C’est sa compagne, Karin Boulanger, autre pointure de la discipline, qui lui a gentiment botté le train : « J’en avais marre de tout faire, je lui ai dit : tu vas bouger tes fesses », rigole-t-elle.
Piqué au vif et poussé par l’envie de remonter en compétition — qu’il n’avait jamais vraiment perdue — Pierre se remet en selle avec la volonté d’un rookie et la discipline d’un moine tibétain. L’âge, c’est dans la tête.
« Comme vous le savez, j’ai eu maille à partir avec la fédération internationale (FEI) et la fédération belge qui avaient décidé de se débarrasser de moi via des moyens peu reluisants. J’étais donc « libre sur le marché ». Je me suis d’abord recentré sur l’entraînement de l’écurie des Alizés. je m’y suis concentré à fond. Et puis, comme vient de l’expliquer Karin, elle m’a poussé au derrière« .
Résultat : moins quinze kilos au compteur, et un ticket en équipe nationale décroché à la force de la rigueur et des kilomètres passés dans la selle.
Un cheval de guerre, un palmarès express

Le déclic s’appelle Jadara’H, une machine de course prêtée par Karin, qui avait décidé de se consacrer à d’autres montures. “C’est plus qu’un cheval, c’est un partenaire, un ami”, confie Pierre. Pas n’importe quel ami non plus. Le couple Karin/Jadara s’était classé numéro 1 au classement mondial fin 2022, le cheval était lui 2ème mondial en individuel). Un ami qui gagne aussi avec Pierre Arnould en 2024 : victoire à Samorin (Bratislava) (120 km), victoire à Rotenburg (120 km), 7e place à Florac, le Mordor de l’endurance (160 km), et un podium à Saint-Barthélémy-de-Val (140km) malgré trois déferrages dans la dernière boucle. Le tout en quelques mois.
On a connu des come-backs moins clinquants.
Team Arnould-Boulanger : pas de figuration

Ce week-end à Castiglione, l’objectif est clair : pas question de venir faire du tourisme équestre. “L’ambition, c’est de ne pas avoir de regrets”, annonce Pierre. Et s’il faut se sacrifier pour une médaille par équipe, il le fera. “On préfère finir avec une médaille collective que neuvième ou dixième en individuel. On joue en équipe.” Une vision partagée avec Karin (qui elle s’aligne avec GHaliyah du Courtisot) , avec qui il s’entraîne chaque jour, les deux chevaux en tandem. Un avantage.

Le binôme des « ancêtres » (Pierre et Karin ont tous deux 66 ans) sera accompagné d’une partie de la relève belge : Steve Peignat, 30 ans, avec son solide Eaunoire Ikam ; Marion Lamorinière, expatriée provençale avec Apple du Colombier ; et Clémentine Truffet, la benjamine du groupe, avec Eol Coutillas. Une équipe intergénérationnelle qui, sans faire de bruit, pourrait bien aller créer une surprise.
Dolomie et sueur
Castiglione, ce n’est pas qu’un décor de carte postale. Ou alors, version western-spaghetti. Pierre décrit un terrain en dolomie — comprendre : du gentil caillou —, six boucles dont deux bien vallonnées et pas un arbre à l’horizon. La chaleur ? “Le facteur limitant”, assure-t-il. Qu’à cela ne tienne : leurs chevaux s’entraînent en plein cagnard depuis des semaines, toujours entre midi et deux. Pas à la fraîche. Mais pas question de sorties outrancières non plus. « Le plus qu’on fait, c’est quatre heures au pas. Sinon, il arrive régulièrement qu’on fasse des galops d’une heure, 1 h 20 maximum. Mais sinon on les galope tous les jours, une demi-heure. c’est notre spécificité, que les chevaux travaillent tous les jours. Et ça semble plutôt nous réussir.«

Objectif : surprendre
Dans un peloton dominé par les gros bras espagnols et français, la Belgique sait qu’elle joue le rôle d’outsider. Mais c’est bien là que réside son charme. Pas de calcul. Juste un cavalier fringant qui revient sur le devant de la scène, avec un cheval d’élite et une équipe qui vit bien.
Et si Pierre Arnould remettait ça ? Si le vieux briscard allait chercher une médaille là où personne ne l’attend ? “On n’a pas envie de faire de la figuration.” Ça tombe bien. Personne n’est venu en Italie pour lézarder.