Fabienne Daigneux-Lange : de l’arène aux prairies, l’autre terrain de jeu de la cavalière belge

Publié par Sébastien Boulanger le 17/09/2025

Elle a longtemps couru sous le drapeau belge, parfois, sur les plus belles pistes du monde. Aujourd’hui, Fabienne Daigneux a troqué en partie ses bottes de concours contre une casquette d’éleveuse. Moins de parcours, plus de naissances : la cavalière s’est découvert un autre frisson, l’élevage. Et pas n’importe lequel : une lignée de chevaux stars, ses fameuses « Fées », qui enchaînent les titres et suscitent les convoitises.

« Je prends mon pied tous les jours avec mes jeunes chevaux. Monter La Baule, du cinq étoiles avec la Belgique, c’était exceptionnel. Mais faire naître et voir progresser mes poulains, c’est un kif différent.»

Une histoire qui commence avec Baby

Tout démarre de façon originale quand Dominique Lamette (Élevage des Hazalles), pour qui Fabienne a monté pendant 20 ans, lui vend six premiers poulains. Parmi eux, Venue d’Fée des Hazalles (Président x Alcatraz). Bonne pioche.

(Fabienne & Venu d’Fées des Hazalles, 10èmes du GP de La Baule.)

Puis, il y avait aussi Baby, la propre soeur de Venue. Pas beaucoup moins bonne. À trois ans à peine, Baby avait déjà été championne d’Europe de saut en liberté. La Jument a été montée par Grégory Wathelet jusqu’au 1m50, puis une blessure l’a orientée plus tôt que prévu vers sa deuxième carrière.

« Je lui ai fait faire un poulain, puis un autre. Ces deux premiers-là ont vite montré de vraies dispositions. Le premier c’était Tinka’s Fée. Vendue en Turquie et qui à 8 ans a sauté 1m45. et l’autre c’est Bb. Qui pour moi est un vrai vrai vrai bon cheval. Mais comme elle n’a que « mamie » sur le dos, on ne le saura pas vraiment. (rires). Ces deux poulains sont arrivés en même temps que la vente de ma jument Venue. Je me suis dit : OK, je refais des poulains.»

(Fabienne & Tinka’e Fée. Collection privée)

Les produits de cette deuxième vague ont aujourd’hui 6 ans et explosent dans tous les coins.

« J’ai Echo d’Fée avec Niels Bruynseels qui est monté par Jorik Vervoort qui fait un travail exceptionnel le cheval est vraiment très bon et en plus ses poulains sont déjà fantastiques.» Comme quoi un bonheur ne vient jamais seul.

(Fabienne & Baby Fée des Hazalles. Collection privée)

La machine est lancée. Aujourd’hui, la jument Championne de Belgique des six ans, La Fée Sauvenière Z, porte encore cette signature. « Au départ je voulais la garder, elle ressemblait tellement à Venue. Mais l’âge faisant, je l’ai confiée à un jeune cavalier pété de talent, Sacha Beghuin.» Fabienne garde le sourire : ses poulains explosent sous d’autres selles, mais viennent tous du même creuset.

(voir notre article ici )

(Sacha Beghuin & La Fée, Champions de Belgique des 6 ans 2025)

La souche Reine Fée, ADN d’une success story

Dans l’histoire de Fabienne, il y a une base, une matrice : « Reine Fée (mère de Venue, Baby, etc). Cette souche a marqué ma vie. De génération en génération, les qualités sont toujours là. C’est une belle histoire. »
La gentillesse, la volonté, cette envie de faire sans faute : « Ils veulent absolument m’aider. C’est ce qui me touche le plus. »
Dans la production de Baby, Fabienne observe même un pattern amusant : « Pour les juments, côté Venue : plus léger, beaucoup de sang. Pour les mâles, côté Clinton : la grosse machine. »

(Fabienne & Reine Fée. Collection privée)

Moins de concours, plus de transmissions

Aujourd’hui, Fabienne monte moins ses jeunes chevaux elle-même. « C’est plus difficile de juger directement, mais je le vois par les résultats. Au départ, je gardais les poulains jusqu’à cinq ou six ans pour faire le travail de base, parce que mes partenaires sont déjà des cavaliers de haut niveau. Puis ils partent chez eux. »
Elle connaît sa lignée par cœur et adapte la progression. Les précoces côté Clinton, les tardifs côté Venue : on ne brusque pas une Fée. « À quatre ans, ils sortent deux ou trois fois, puis retour au pré. Quand ils ont cinq ans, cycle classique, quelques épreuves, puis on laisse décanter. Quand le cheval est bien dans sa tête, il n’y a pas besoin de faire plus. »

L’élevage 2.0

Fabienne utilise aussi les outils modernes. L’ICSI, les mères porteuses qu’elle achète et connaît. « Je sais qu’elles nourrissent bien, éduquent bien. Et ça me coûte moins cher. » Elle accède à des étalons qu’elle n’aurait jamais pu utiliser autrement. Jusqu’ici, ses poulains stars venaient d’étalons « coup de cœur » plutôt que de pères stars. Mais ça fonctionne. « Alors je me dis qu’avec des stars, ce sera aussi très très bien. »

Pas la course au nombre, mais la quête du bon

Pas question pour Fabienne Daigneux-Lange d’industrialiser. « Chaque année j’essaye d’en avoir cinq, d’en vendre trois. Il faut bien vivre et nourrir tout ce petit monde. J’ai d’ailleurs Mylady Fée Sauvenière Z, une pouliche Mylord Carthago x Baby de cette année qui sera mise aux enchères dans la Qaulity Auction à Zangersheide dans quelques jours. C’est assez valorisant. » Le reste, elle le garde pour se faire plaisir, égoïstement, dit-elle en riant.
Résultat : ses « Fées » raflent les titres. Championne de Belgique des six ans, champion de Belgique des deux ans dès la première sortie, approbations SBS avec double 10… Et les coups de fil pleuvent, même de l’étranger maintenant. Mais elle ne change rien. « Je continue comme je fais. Je laisse le temps. C’est un peu le secret. »

Le plaisir comme fil conducteur

Fabienne ne crache pas dans la soupe. Sa carrière de cavalière a été forte. Mais aujourd’hui, elle assume : « J’ai peur des grosses épreuves. J’ai mis du temps à l’accepter. Mais ce n’est pas grave, je redescends et je me fais plaisir. »
Elle garde un ou deux chevaux pour elle, monte plus à la maison, forme pour d’autres. S’occupe de jeunes cavaliers. Elle continue d’aimer les chevaux « pour les chevaux ». Même sur le plat, elle est heureuse. Et quand en plus ce sont ses poulains, le plaisir est décuplé.

Fabienne Daigneux-Lange n’a pas tourné la page, elle l’a enrichie. Après avoir côtoyé le haut niveau, elle écrit aujourd’hui une saga familiale avec ses Fées. Des chevaux qui, comme elle, ont le goût de l’effort, du respect… et de la belle histoire.