Épisode 1 – La victoire parfaite
Boekelo, 12 octobre 2025, le genre de dimanche où tout se joue sur un millimètre de fer. Une barre qui tremble, un souffle retenu, et un stade qui explose. Le Military de Boekelo a encore tenu son rang : suspense jusqu’à la dernière seconde, podium serré comme un chrono de sprint aux JO, et une gagnante qui entre un peu plus encore dans l’histoire.
Lara de Liedekerke-Meier n’a pas seulement remporté l’épreuve : elle a signé une saison qui réécrit les chiffres. Vingt victoires internationales en 2025. Vingt !
Le précédent record ? Quinze, établi par Piggy March en 2019. Autant dire : préhistoire.
Une finale sous haute tension
Pendant deux jours, tout semblait promis à Laura Collett. Impeccable au dressage, impériale sur le cross. Et puis, comme souvent, tout s’est joué sur ces dix minutes de vérité : le saut d’obstacles.
Une barre. Une seule. Et tout s’effondre.

Derrière, Lara arrive sans bruit (bien qu’on commence tout de même à attendre le résultat au tournant), en selle sur Kiarado d’Arville, un hongre de neuf ans “fait maison”. Sixième après le dressage, elle remonte, patiente, et claque un score final de 28,8 points. Chirurgical.
Derrière elle, Alexis Goury (29,2) avec Coloree de Poteau Z et Izzy Taylor (29,7) avec Barrington Alice, complètent un podium à mouchoir de poche. Mais le sentiment, lui, est clair : Lara était intouchable.

Lara revient pour So Horse sur ce week-end un peu fou et cette nouvelle performance de taille.
Lara, c’était attendu, cette victoire à Boekelo ?
« Non, pas du tout. Personne ne l’attendait vraiment. Mais c’est vrai que c’est une belle surprise ! C’était tout de même un peu l’objectif de la saison avec Kiarado d’Arville. L’idée, c’était de le qualifier sur un quatre étoiles long pour préparer les championnats du monde à Aix-la-Chapelle l’année prochaine, et de viser une bonne performance à Boekelo.»

« En dressage, on a énormément travaillé. Il est fier, émotif, donc il faut bien gérer ses émotions. Ma groom Bettina, mon entraîneur de dressage Brecht D’Hoore… tout le monde a contribué. C’est un vrai travail d’équipe.
Je n’ai quasiment pas dormi la nuit avant le cross. J’ai visualisé le parcours des dizaines de fois. Je savais qu’il était prêt, qu’il était au top. Et sur le saut, j’ai appris seulement en piste que je jouais pour le podium ! Entre le 2 et le 3, j’ai entendu le speaker. À ce moment-là, je me suis dit : “Concentre-toi.” Il était serein, moi aussi, et ça a payé. Un point de temps, je savais que c’était ce que je devais concéder pour être sans faute. Il n’a que neuf ans, il va encore se solidifier avec l’âge, donc c’est très prometteur.»
Ce cheval Kiarado d’Arville, il a pris encore une autre dimension ces derniers temps?
« Il a été assez tardif. À six ans, au Lion d’Angers, il avait fait un refus, il est très émotif. Puis à sept ans, il devient vice-champion du monde. C’est un cheval qui m’a déjà offert beaucoup de victoires, et avec qui j’ai une vraie connexion. Il allie les origines de Nooney Blue, une jument que j’aimais énormément, et celles de Diarado. C’est un “cocktail maison” que je me suis créé il y a quelques années, et il me correspond parfaitement. Il est bon dans les trois disciplines, ce qui aide beaucoup.»
Tu le situes où par rapport à tes autres cracks ?
« Il est jeune, n’a que 9 ans, donc c’est difficile pour moi de le comparer déjà aux autres. Mais très régulier. Il a un caractère un peu particulier, il fait les choses à sa manière, mais tout paraît facile avec lui. Il a peut-être plus de talent que d’autres, même s’il m’en a fait voir de toutes les couleurs ! Aujourd’hui, il n’a que neuf ans, donc j’espère que j’ai encore de belles années devant moi avec lui donc je ne veux pas encore faire cette comparaison aux autres. Chaque cheval a sa place dans mon écurie, mais celui-ci a quelque chose de spécial»

Une histoire d’émotion et de famille
Chez les Liedekerke, la pierre fondatrice a été une jument. Nooney Blue, pour la nommer. Celle qui a donné trois chevaux exceptionnels, celle avec qui Lara a déjà tout vécu.
Premier cinq étoiles, vice-championne du monde, et maintenant… une lignée victorieuse à Boekelo.
Une sorte de cercle parfait.
«Quand je me rends compte que Nooney Blue, ma jument junior, a donné trois chevaux exceptionnels… c’est presque irréel. C’est fou. Et puis voir La La Land, à huit ans seulement, faire la finale de la Coupe des Nations ici à Boekelo, c’est bluffant.»
Boekelo, ce n’était donc pas juste une victoire de plus dans une saison folle. C’était un moment de reconnaissance, presque intime, dans une carrière qu’elle a construite pierre après pierre.
L’exigence comme moteur
Chez Lara, la victoire ne suffit jamais. C’est un trait de caractère aussi constant que ses galops : cette exigence qui la pousse à tout analyser, à tout remettre en question. Une perfectionniste lucide, parfois trop.
«Je doute beaucoup, mais ce doute me pousse à toujours vouloir m’améliorer. C’est épuisant pour mes proches, parce que je suis une éternelle insatisfaite, mais c’est aussi ce qui me fait avancer.»
Ce besoin de contrôle, cette volonté d’aligner chaque détail, fait d’elle une cavalière redoutable, mais parfois difficile à suivre, même pour son entourage. Les jours de victoire, elle trouve encore quelque chose à corriger.
Un virage un peu large, une transition pas assez fluide, un cheval un peu tendu au paddock. Jamais totalement satisfaite. Sauf cette fois…

«C’est une des premières fois où je ne me dis pas j’aurais pu faire mieux. Avec Kiarado, j’ai fait un concours parfait pour lui. Et c’est ce qui nous a permis de gagner.»
À Boekelo, tout s’est aligné. L’équilibre parfait entre contrôle et lâcher-prise, travail et confiance.
La cavalière exigeante s’est enfin autorisée un sourire sans arrière-pensée. Une victoire pleine.
Une victoire sans “mais”.
La suite au prochain épisode…
Dans le deuxième volet, Lara reviendra sur la machine derrière le succès : son équipe, ses doutes, et cette incroyable série de vingt victoires qui bouscule les codes du complet moderne.
Un entretien à cœur ouvert, entre perfectionnisme et foi tranquille.
Retrouvez les résultats complets du CCIO-NC-L 4* de Boekelo ici
(Photos © FEI/Libby Law Photography)