Onze ans après son sacre avec Hello Sanctos, Scott Brash a de nouveau inscrit son nom au palmarès de la finale du Top 10 Rolex IJRC. Vendredi soir à Genève, l’Écossais de 40 ans s’est imposé avec Hello Chadora Lady au terme d’une épreuve haletante, dominée par la précision, le sang-froid et un duel intense avec le numéro un mondial Kent Farrington.
Une finale d’élite, sans filet
Dix cavaliers. Deux manches. Zéro droit à l’erreur.
La finale du Top 10 IJRC est une épreuve à part, scrutée, commentée, convoitée. Dessiné par Gérard Lachat et Grégory Bodot, le parcours du premier acte a rapidement fait la sélection.
Porté par le public genevois, Steve Guerdat ouvre la soirée par un sans-faute avec Venard de Cerisy, mais derrière lui, les fautes tombent. Julien Épaillard, seul Français engagé, concède une barre avec Donatello d’Auge. Harrie Smolders, Christian Kukuk (1pt de temps), Daniel Coyle ou encore Ben Maher laissent filer de précieuses pénalités, parfois pour un rien, parfois sous la pression. Richard Vogel se retrouve piégé sur le vertical n°10 avec Cloudio. Une faute frustrante, tant l’Allemand sent son cheval en pleine ascension.
D’autres passent le premier écueil sans encombre: le gamin, Gilles Thomas ne manque pas son sa premier « Top Ten » et emmène son inexpérimentée mais talentueuse Qalista Dn au bout sans rien lâcher.
Puis il y a les deux qui se tirent la bourre depuis le début de l’année. Les braqueurs de GP 5* qui pour cette finale s’étaient donné rendez-vous pour un face à face digne des plus grands westerns: Scott Brash et Kent Farrington,
Brash et Farrington, le duel annoncé
Avec Hello Chadora Lady (Chacco-Blue x Nintender), l’Écossais signe un premier parcours d’une grande fluidité. Sans forcer, sans précipitation, Brash rend une copie propre qui le place immédiatement dans le groupe des favoris.
Mais Kent Farrington, associé à Toulayna (Toulon x Parco), répond du tac au tac. Le numéro un mondial déroule à son tour un sans-faute légèrement plus rapide et prend la tête provisoire après la première manche.
Vogel, la frustration puis la fierté
Reparti en seconde manche avec la ferme intention de se rattraper, Richard Vogel signe un parcours de très haut niveau, sans-faute et engagé. Une performance qui lui ouvre les portes du podium. C’e sera’est le seul des fautifs de la première manche a remonter au classement.
Après l’épreuve, l’Allemand ne cache pas son émotion :
« Je suis plus que fier. C’était incroyable aujourd’hui.
J’ai vraiment tout donné dans les deux manches et Cloudio n’aurait pas pu sauter mieux. C’était sa première participation ici à Genève, mais il a vraiment su répondre présent et se hisser au niveau de l’événement. »
Le Champion d’Europe revient ensuite sur la faute du premier acte, avec beaucoup de lucidité :
« Après la première manche, j’étais un peu déçu, car j’ai le sentiment de l’avoir mis en difficulté. J’ai pensé que les trois foulées seraient un peu courtes pour moi, alors je me suis redressé après l’oxer. J’ai abordé l’obstacle d’eau de façon assez engagée, et lui, au contraire, attendait vraiment.
Tout à coup, les trois foulées sont devenues longues, cela m’a échappé, et il n’a pas eu la possibilité de franchir correctement le vertical. Il n’y pouvait rien. »
Et de conclure, soulagé :
« Dans la deuxième manche, nous avons corrigé cela, nous avons avancé un peu plus, et le résultat était bien meilleur. »
Troisième place finale, et une certitude : Cloudio aime les grandes scènes.
La seconde manche décisive
Sortir avec panache reste la volonté des fautifs du premier tour. On s’active tout de même du côté des battus.
Pour Ben Maher, la soirée prend une mauvaise tournure quand il se retrouve à pied à côté de Dallas Vegas Batilly après le roll back menant sur le vertical numéro 7.
Guerdat lui lâchait le peloton de tête, presque sans prévenir. Deux barres tombent au sol en même temps que les espoirs de toute une nation. Mais le Palexpo pardonne tout à Steve.
Thomas, de son côté, péchait là où d’autre avaient également laissé des plumes. Ce satané vertical numéro 10. Des regrets, qui doivent laisser la place a la satisfaction du job presque parfait malgré tout.
Lorsque Scott Brash s’élance, lui, pour son deuxième parcours, la pression est maximale. La jument est rapide, très volontaire, parfois même trop. Sur le tournant menant au vertical n°4, Hello Chadora Lady , après le demi-tour menant sur le numéro 16, se vérouille . Brash rectifie, ajuste, et garde le contrôle. La jument se tord dans tout les sens et franchit le vertical. Balayant, en symbiose totale avec son cavalier et avec classe, la difficulté dans laquelle elle avait mis le couple.
Après coup, il analyse avec honnêteté :
« Pour être honnête, je n’ai pas eu le sentiment que tout était parfaitement exécuté.
Elle est extrêmement rapide maintenant, très volontaire, toujours pressée d’aller vers les obstacles. En arrivant sur le tournant, elle s’est verrouillée, ce qui est de ma faute : j’aurais dû mieux l’anticiper. »
Malgré ce moment délicat, le couple tient bon :
« Malgré cela, elle a été incroyable sur le vertical. La ligne suivante était un peu délicate, parce que la situation était déjà un peu brouillonne. Mais elle est naturellement très rapide et elle a vraiment sauté pour moi. Au final, j’étais satisfait de la stratégie. »
Chrono : 45’’63. La barre est haute. Même si rien n’est jamais trop haut pour Farrington.
L’Américain battu… et lucide
Dernier à partir, Kent Farrington sait exactement ce qu’il doit faire. Son parcours est propre, mais légèrement plus prudent sur l’avant-dernier obstacle. Résultat : 45’’79, et une deuxième place frustrante.
Le yankee peste mais ne se défile pas quand on lui demande de parler de sa statégie :
« Ma stratégie n’était vraiment pas bonne. On le voit au résultat.
Mon idée était de monter très fluide, très propre, en pensant que je pourrais rattraper au temps grâce à la vitesse naturelle de ma jument. Mais le cheval de mon concurrent est lui aussi naturellement très rapide. »
Il poursuit, précis dans son analyse :
« Sur l’avant-dernier obstacle, alors que beaucoup prenaient des risques, j’ai pris un peu plus de temps pour être sûr de bien franchir. Cela m’a légèrement décalé vers l’extérieur et je me suis retrouvé à faire dix foulées jusqu’au dernier obstacle, alors que la plupart ont pu en faire neuf.
Au final, j’ai perdu pour une fraction de seconde. Donc clairement, ce n’était pas la bonne stratégie. »
Les grands gagnent et perdent avec la même classe.
Onze ans après Sanctos, Brash renoue avec l’histoire
En 2014, Scott Brash remportait la finale du Top 10 IJRC avec Hello Sanctos, avant de signer un doublé mémorable avec le Grand Prix de Genève.
Onze ans plus tard, c’est Hello Chadora Lady qui le propulse à nouveau au sommet.
Une victoire qui n’est pas un hasard, mais l’aboutissement d’une saison exceptionnelle, marquée par plusieurs succès en Grands Prix 5*, deux médailles européennes à La Corogne, et un retour au deuxième rang mondial.
Sur l’importance de cette épreuve, Brash résume parfaitement l’état d’esprit général :
« Les épreuves du Top 10 sont probablement parmi les plus regardées de toute la saison.
D’abord, on veut être dans le Top 10, et ensuite, quand on y est, on veut le gagner. Tous les cavaliers pensent la même chose.
Si vous disputez cette épreuve dix fois, vous aurez probablement dix résultats différents. C’est ce qui la rend si spéciale. »
Et maintenant, le Grand Prix
Avant le Grand Prix dominical, reste une question : quel cheval choisir ?
Scott assume la complexité de sa situation :
« Je suis dans une position incroyable en ce moment avec trois chevaux exceptionnels ici.
Le plan a toujours été Hello Folie, mais elle a un peu moins d’expérience que Jefferson, que je connais parfaitement.
Honnêtement, il y a de fortes chances que je regrette quel que soit le cheval que je choisirai dimanche. » Et quand on insiste pour savoir qui. La réponse: « Chadora Lady ».
Un “problème de riche”, qu’il conclut avec lucidité :
« C’est une situation très privilégiée, et je suis ravi de l’état de forme des chevaux et de toute l’équipe. »
Rendez-vous dimanche pour un autre moment d’histoire.