Le Jumping de Malines aime sortir du cadre. Et ce vendredi soir, le Battle of the European Champions a pleinement tenu sa promesse. Un format spectaculaire, exigeant, et une certitude à l’arrivée : au petit jeu de la tournante, Pieter Devos a su s’adapter mieux que les autres.
Sur la piste, il n’y avait pas n’importe quels cavaliers. Les quatre hommes engagés formaient le quatuor champion d’Europe par équipes de l’été dernier à La Corogne. Même cavaliers, même niveau, mais pas les chevaux de La Corogne. Chacun avait amené une autre monture:
Gilles Thomas: Riviera van het Dennehof, jument de 8 ans (Chatman x Prince van de Wolfsakker)
Pieter Devos: Diabelle PS, jument de 10 ans (Diatendro x Papillon Rouge)
Thibeau Spits: Quendelin van’t Merelsnest, jument de 9 ans ( Kannan / Darco)
Nicola Philippaerts: Rakker van St Anneke, hongre de 8 ans (Goldspring van St Anneke / Baltic VDL)
À Malines, tout le monde repartait sur un pied d’égalité, avec une seule mission : s’adapter.
Par son esprit, l’épreuve rappelait clairement la feue finale tournante des Championnats du monde (la dernière de la sorte s’est déroulée lors des JEM à Caen en 2014), ce moment à part où les quatre meilleurs cavaliers affrontaient le même parcours, chacun montant non seulement son cheval, mais aussi ceux de ses trois adversaires. Une équitation mise à nu, sans automatisme ni confort.
Une épreuve où l’on apprend à lire vite
Le principe est simple en apparence : même tracé, mêmes chevaux pour tous, avec une monture différente à chaque manche. En réalité, l’exercice est redoutable. Très peu de temps pour comprendre, quelques sauts à peine pour se mettre en route, et l’obligation de décider juste immédiatement.
Nicola Philippaerts le résume avec lucidité :
« Ce n’est évidemment pas très facile, parce qu’on ne connaît pas le cheval que l’on reçoit ni comment il faut le monter. Mais je pense que c’est une très bonne idée. On s’est bien amusés, on a fait un joli sport et c’était vraiment un bon moment. »
Pour lui, l’intérêt du format est évident, tant pour les cavaliers que pour le public. Il insiste aussi sur la nécessité d’une adaptation immédiate, comparable à certaines situations rencontrées en concours lorsque les conditions changent brusquement.
« Il faut essayer de s’adapter rapidement. Je pense qu’il faut toujours bien travailler et construire les chevaux pour qu’ils restent agréables à monter. J’étais très content du mien. Je ne l’avais jamais monté avant et je pense que c’est un très bon cheval pour l’avenir. Il n’a que huit ans. »
Observer, ressentir, s’engager
Même discours du côté de Gilles Thomas, qui insiste sur le facteur temps, ou plutôt sur son absence.
« Le plus compliqué, c’est qu’on n’a pas beaucoup de temps pour s’adapter au cheval. On a trois minutes et on peut faire deux sauts pour se mettre en route. »
Alors, l’observation devient un outil clé. Regarder les autres, analyser leurs tours, comprendre comment le cheval réagit, ce qu’il accepte ou refuse.
« Ça permet déjà de comprendre un peu comment il réagit et d’essayer de faire mieux au tour suivant. »
Mais une fois en piste, tout va très vite.
« On doit surtout se fier à son ressenti et s’adapter très vite, parce que tout va vraiment très court.»
Thomas apprécie clairement ce type d’épreuve, différente du cadre habituel, rendue agréable par des chevaux bien préparés. Il souligne aussi le plaisir, rare, de voir son propre cheval monté par d’autres cavaliers. Et puis il y a la dimension humaine : ces cavaliers se connaissent parfaitement, sont amis, et cet échange de montures prend aussi une dimension conviviale.
Sur la disparition de ce format aux Championnats du monde, le Belge se montre mesuré.
« C’est une très belle épreuve à regarder, et à monter aussi. Mais pour les chevaux, ce n’est pas toujours simple, car ils ont déjà beaucoup sauté pendant le championnat. Peut-être que c’est bien que cela ait disparu à ce niveau-là, mais ça reste une très bonne idée pour des concours show, comme ici. »
Devos, dernier en selle
Sportivement, l’épreuve est restée indécise jusqu’au bout. Après quatre manches, Pieter Devos et Nicola Philippaerts sont les seuls à rester sans faute et se retrouvent au barrage.
Avec Diabelle PS, Devos déroule un parcours propre, fluide, sans discussion. Philippaerts tente de répondre avec Rakker van St Anneke, mais deux barres tombent.
La victoire revient finalement à Pieter Devos. Plus encore que le classement, un chiffre frappe : Diabella PS est la seule jument à terminer l’épreuve sans la moindre faute, toutes rotations confondues.
Quand l’équitation parle sans alibi
Comme jadis dans la finale tournante des Mondiaux, cette formule enlève toutes les excuses. Même parcours, mêmes chevaux, même pression. Il ne reste que l’essentiel : la capacité du cavalier à comprendre, décider et agir.
À Malines, face à ses partenaires de titre européen, Pieter Devos a rappelé qu’au jeu des selles musicales, l’équitation pure finit toujours par faire la différence. Et lorsque la musique s’est arrêtée, il était encore en selle.