Mariette Withages, le caractère et la passion. (1/2)

Publié par Sébastien Boulanger le 16/11/2024

Il est des personnes qui, quand vous les rencontrez, vous impressionnent d’emblée par leur charisme et par le respect qu’elles imposent. Mariette Withages fait partie de cette catégorie de gens. Si vous ne connaissez pas encore cette figure du dressage mondial, un petit bout de dame distinguée au caractère bien trempé, vous allez découvrir beaucoup de choses. Si vous la connaissez déjà aussi…

So Horse: Mariette Withages vous êtes active dans le monde du dressage depuis plus de 65 ans. Mais comment est-ce que tout ça a commencé. Comment avez-vous rencontré les chevaux?

Mariette Withages: « Mon grand père était « gentleman rider », comme on disait à l’époque, dans les courses de pur-sangs pour amateurs donc. Il y avait quand même quelques champs de courses dans la région d’Anvers. Et il allait en Angleterre, en bateau, pour acheter des jeunes pur-sangs. Il les amenait en bateau jusqu’à Ostende et les débourrait sur la plage. Ensuite il les ramenait en train jusqu’à Anvers. C’était une sacrée expédition. J’ai donc toujours connu des chevaux dans la propriété de mes grands-parents à Schoten. On était là les week-ends et les vacances. Mon grand père attelait ses chevaux et on allait d’Anvers à Schoten. Un jour, là bas, j’ai failli faire avoir un infarctus à mes grands-parents et à ma mère… je devais avoir autour de trois ans, tout le monde me cherchait dans la propriété. Quand ils m’on retrouvé, ils se sont figés car j’étais dans un paddock au milieu des chevaux. L’un d’entre eux était couché sur le dos, les quatre fers en l’air et moi j’étais montée sur son ventre et je m’amusais à le faire aller à gauche et à droite en tenant ses jambes. Ils osaient à peine respirer de peur que le cheval se lève d’un coup…mais tout s’est bien passé.« 

S.H.: À ce moment vous aviez déjà le virus?

M.W.: « J’ai commencé avec un poney par ci, un poney par là, mais rien de sérieux. Jusqu’à mes 12 ans où j’ai commencé à monter à cheval en obstacles. J’aimais le sport. J’ai d’abord fait de la voltige, comme ça se faisait dans le temps. Sans selle. après avec une selle sans étriers. C’était mon passe trmps, mon hobby. A côté, j’ai fait du piano pendant 12 ans. À la fin j’ai abandonné le piano car ma professeure de piano trouvait que je n’avais plus la souplesse dans les doigts à cause du fait que je montais. J’ai dit ok, alors j’arrête le piano et j’ai choisi le cheval. J’ai fait de l’obstacle comme Junior. Ça s’appelait « landelijk en stedelijk » (littéralement: rural et urbain), c’était plus ou moins comme un communautaire.

Et puis mon grand-père et ma mère on créé la première régionale. c’était l »ARV, l’Antwerpse Ruiters Vereniging, l’association des cavaliers anversois. Ils ont commencé avec des petits concours dans la régions anversoise, aussi bien d’obstacles que de dressage.

Remise de son premier flot par son grand-père, fondateur de l’ARV.

S.H.: Comment s’est fait le passage de l’obstacle au dressage?

M.W.: À l’époque, je montais un gros hanovrien. Nos chevaux étaient dans une écurie qui appartenait à des amis de ma mère dont le fils était cavalier d’obstacles plus ou moins professionnel. Et c’était mon prof. Moi je trouvais qu’il faisait ça très bien mais ce n’était tout de même pas un professionnel. Et puis je trouvais mon hanovrien limité, du coup mon grand père m’a acheté un pur-sang qui venait du steeple. Très joli et très bien mais quand j’allais en concours avec, il refusait toujours sur l’eau. Je n’étais pas contente et j’ai dit à ma mère qu’il fallait qu’elle vende le cheval parce que ça n’allait pas. Ma mère qui était une femme d’affaire et ne réagissait pas toujours comme je voulais. Elle en parle à des amis également dans le monde du cheval qui lui disent » ta fille à du talent, elle est courageuse, mais elle monte comme un cowboy…il faudrait qu’elle fasse du dressage. » Ma maman leur demande qui pourrait me donner des leçons et à ce moment ils lui disent que le meilleur du moment est justement dans cette écurie, il vient de l’école espagnole de Vienne et a fait aussi bien des champions de Belgique en jumping comme Pierre Charon ou Edmond Bastiaens, mais aussi en dressage. Ma maman me dit d’aller demander des leçons à ce monsieur. Un jour, j »aperçois de loin les cavaliers qu’il entrainait et je dis à ma mère : « non je ne prendrais pas de leçons, ils ne font que tourner en rond ». Ma maman qui était assez décidée me dit alors que j’ai le choix, soit je demandais des leçons à ce monsieur, soit elle vendais mes chevaux. Je traine, je traine et elle finit par me mettre un ultimatum. Je devais demander endéans la semaine sans quoi mes chevaux partaient.

Cette semaine là, c’étaient les vacances, pour rentrer chez moi à midi, j’emprunte un velo de garçon trop grand à l’écurie et en sortant je fais une embardée, mon vélo et moi on se séparer et je me retrouve dans un fossé profond avec le vélo au dessus de moi. J’étais un peu KO, et là il y a le monsieur en question qui se penche au dessus du fossé, me regarde et puis s’en va sans m’aider. Je suis sortie comme j’ai pu en montant sur le velo et en m’agrippant. En rentrant à la maison j’ai dit à ma mère  » si tu crois que je vais prendre des leçon avec ce monsieur là et bien oublie. » Elle m’a répondu: « très bien, je vends tes chevaux ». Deux jours après, avec du plomb dans les souliers je suis allé trouvé le monsieur pour lui dire que ma maman avait dit que je devais prendre des leçons avec lui. Il m’a répondu qu’il m’avait vue…  » Oui, dans le fossé, je lui répond fâchée » Il me répond exactemen! Maintenant va chercher ton cheval et montre moi ». Je commence à monter et après m’avoir un peu regardée il me dit qu’on va commencer avec huit semaines de longe…et que c’est à prendre ou à laisser. Comme je n’avais pas vraiment le choix avec ma mère, j’ai fait 2 mois de longe pendant l’été. Ensuite, après je pouvais monter sans étrier et puis vers le mois de mars il me dit que ce n’est pas si mal et que je peux aller en concours. Je suis super contente et lui demande où on va et là il me parle d’un concours…de dressage. Ce n’était pas vraiment prévu dans le deal de départ, mais il me répond: « le dressage, c’est la base de tout. et c’est à prendre ou à laisser ». Donc je vais faire ce premier concours à l’Étrier Belge, à Bruxelles et j’ai gagné la plus petite reprise…et j’aimais le dressage.« 

Ce monsieur, c’était Raymond Withages et quelques années plus tard il deviendra l’époux de Mariette…

Mariette Withages et son mari, Raymond Withages.

S.H. Ensuite il n’y avait plus que le dressage qui comptait?

M.W.: « J’ai encore été en concours plusieurs années avec 3 ou 4 chevaux, je faisais le petit tour avec Jeu d’Esprit, un Hanovrien qui avait un père pur-sang et qui détestait le transport. Mais j’avais un groom qui se préparait un gros pain avec du choco, du saucisson, du fromage et il partageait avec mon cheval qui restait toujours calme avec lui. Mais pour mon premier international, au polo Club de Paris, mon groom était malade et c’est son frère qui l’a remplacé et après 3km seulement on a vu l’a jambe du cheval qui sortait à travers la paroi du van…verdict, 18 mois au boxe…J’avais encore un jeune, mais malheureusement, la semaine d’après, il est mort d’une colique.

J’étais très triste et mes amis ont essayé de me remonter le moral en m’emmenant avec eux au concours à Braaschaat. Et là-bas il manquait un secrétaire, personne pour écrire à côté d’un juge. Je me suis dit que j’aimerais bien savoir ce qu’un juge raconte. Alors j’ai fait ça pendant quelques semaines. et puis un dimanche matin, très tôt, j’attendais le juge qui n’est jamais arrivé parce qu’il était en panne. À l’époque, il n’y avait pas de GSM…j’attendais dans la cabane avec le stylo en main. Le premier cavalier attendait en tournant autour de la cabane. L’organisateur m’a alors demandé pourquoi si je pouvais juger. Je lui ai répondu que je n’étais pas juge…Il a insisté et réussit à me convaincre. Mais j’ai dit qu’on ne me « tue » pas après si ça se passait pal. Il m’a rassuré en disant que c’était un petit concours. À l’époque, il n’y avait pas encore de commission de dressage, il y avait juste l’association des cavaliers de dressage dont le Président était Henry Peeters. Après cette première expérience en tant que juge, il m’a dit: « Pourquoi est-ce que tu ne suis pas les cours pour devenir juge? ». Je voulais encore monter, mais vu que mon cheval était encore pour un moment en convalescence , je me suis lancée…Et voilà comment tout est arrivé. »

Dans le deuxième épisode, découvrez comment Mariette Withagues , désormais juge, a gravi les échelons jusqu’à devenir présidente du jury aux Jeux Olympique, mais pas seulement… vers le deuxième épisode ici

© Photos:Collection privée.