1m60 de pure sélection, 50 cavaliers au départ, et au final, une certitude : il fallait être très, très fort pour jouer un rôle cet après-midi à La Baule. Le Grand Prix 5* du CSIO s’est joué sur un parcours relevé concocté par Grégory Bodo et son équipe. Et s’il a fait mal, il a surtout mis en lumière huit couples capables d’en sortir sans faute. Pas un Français parmi eux. Ils étaient pourtant 11 au départ. Pas plus de Belges non plus. Il y a des années comme ça. L’histoire s’est donc écrite ailleurs. Et elle s’est bien écrite…

Première manche : huit élus
Parmi les heureux de la première manche, un casting cinq étoiles : le Brésilien Pedro Veniss, le Suédois champion olympique Henrik von Eckermann, le roi d’Écosse Scott Brash sur sa jument étincelante Hello Folie, l’Américain toujours dans le bons coups McLain Ward, l’Italien Riccardo Pisani, l’Allemand Richard Vogel, le Colombien inoxydable René Lopez, et enfin, un certain Daniel Deusser, en selle sur un étalon, Otello de Guldenboom, digne héritier de son père.
Barrage : du sang froid, des virages, et une affaire de centièmes
Pedro Veniss est le premier à plonger dans ce barrage très tournant. Il joue juste : les angles sont bons, l’équilibre est là, le galop bien cadencé. Chrono correct. Le temps peut être amélioré, mais le double sans faute est là.
Henrik von Eckermann, lui, cale : deux fautes, un barrage à oublier. Scott Brash, qui avait la gagne dans un coin de tête, hausse le ton. Il attaque, envoie sa Hello Folie dans un tempo à faire frémir les chronomètres, mais une faute vient tout gâcher. Et le temps ? Même pas meilleur que celui de Veniss finalement.
Et voilà McLain Ward. Avec Imperial HBF (VDL Glasgow vh Merelsnest x Original VDL, un cheval qu’il ne monte que depuis quelques semaines mais qu’il gère déjà comme un vieux complice. L’Américain relance à chaque réception, et gratte six dixièmes sur le Brésilien. C’est chirurgical. 39.17. Nouveau leader.

« Je dois vraiment féliciter tous ceux qui se sont occupé du développement de ce cheval auparavant, ils ont vraiment fait un super boulot. Je dois remercier aussi mes propriétaires qui me permettent de monter un tel cheval. C’est seulement notre troisième concours ensemble. Il avait déjà sauté un double sans faute dans la Coupe des nations de Rome. Et c’était aussi là bas notre premier Grand Prix ensemble. Il fait tout ce que je lui demande. Il a sauté un peu haut sur le premier vertical, mais ensuite tout a été parfait. Il livre vraiment toutes ses promesse et je suis vraiment curieux de voir jusqu’où on pourra aller ensemble. » conclut l’Américain sous le charme.

Lopez allume les tribunes, Deusser éteint le suspense
Pisani tente sa chance mais fait tomber une barre. Vogel, trop généreux dans sa seconde moitié de parcours, en fait deux. Et puis surgit René Lopez.
Avec Londina (Glock’s London x Chacco Blue), la fluidité est reine. Dans la combinaison, le Colombien parle à sa jument comme un vieux capitaine parle à son bateau : avec respect et fermeté. La combinaison passe. Les virages sont nets. Il attaque l’avant-dernier vertical avec un brin de panache. Ça ne tangue pas. Lopez sort de piste en 38.36.

« Je voulais vraiment être à cette place avant le Grand Prix » confie le Colombien « je suis très content de cette jument qui progresse sans arrêt. Mais je tiens surtout à remercier les gens du concours. C’est vraiment ma deuxième maison. Merci pour l’accueil que j’ai toujours eu, même quand je n’avais pas les chevaux ou qu’ils n’étaient pas prêts, chaque fois on m’a ouvert les bras ici et pour ça je veux vraiment remercier les organisateur de La Baule. »

Le cavalier de 61 ans, vainqueur de Derby ici même en 2018 en bouclant son parcours vient de poser une sacrée question à celui qui doit encore s’élancer.
Daniel Deusser y répond sans trembler. Otello de Guldenboom (Tobago Z x Caretino), étalon BWP de 11 ans, un fils de Tobago Z. Deusser, connait le sang de sa monture et la musique. Dès le départ, ça fuse. Le public comprend très vite : il est venu pour gagner. Il boucle son barrage sans toucher une barre et claque un 37.81. Game over. Le cavalier Stephex s’adjuge sa première victoire dans le Grand Prix de La Baule.

« Mon avantage était de partir en dernier, je savais ce que j’allais faire. J’ai eu juste eu un petit doute en début de barrage, j’ai hésité entre une ou deux foulées pour aller jusqu’au double. Et puis j’ai vu McLain, et là je n’avais plus de doute. J’ai ensuite fait tout ce que je voulais et le cheval a pensé comme moi. J’en suis très heureux. Stephan (Conter) ne s’est pas trompé en l’achetant il y a trois ans. Il a connu un gros développement. C’est un fils de Tobago Z, que je connais plus que bien. Même si ils n’on rien avoir de part leur taille (Tobago est petit et Otello est plutôt grand), quand je rentre en piste je retrouve cette même envie.

J’ai deux chevaux qui sautent 1M60, Gangster (VH Noddefelt) a sauté la Coupe vendredi, et pour les championnats d’Europe je n’ai rien vraiment planifié à ce jour. Otello est encore très jeune et mon objectif est de garder les deux chevaux en forme. Leur faire répéter les performance et puis ensuite on verra. » conclut le vainqueur du jour.

Les bulles et l’ambiance
Sous les vivats du public et au son de bandas et de « Dans les yeux d’Émilie » (non non vous n’êtes pas au rugby, mais bien à la remise des prix d’un 5* parmi les plus chatoyants du calendrier). Deusser file sur le podium chercher son trophée. Lopez, rayonnant, prend la deuxième place et au passage quelques jets du champagne. Double D maitrise aussi très bien le muselet et n’a pas tardé à dégoupiller. Ward sur la 3ème marche participe aux réjouissances mais au sec, à distance.

C’est ça aussi, La Baule : de la précision, du spectacle, de l’ambiance et parfois, un Allemand qui remet tout le monde d’accord., un peu comme au foot à la grande époque de la Mannschaft.
Les résultats complets du Rolex Grand Prix de La Baule ici
(Photos © Rolex Series)