Omar Al Marzooqi, la promesse émiratie sur la scène internationale.

Publié par Sébastien Boulanger le 31/01/2025

2024 a été son année…Vainqueur d’un Grand Prix 4* à Montefalco, des Sires of the World à Lanaken (voir notre article ici), qualifié en finale individuelle des Jeux Olympique de Paris (plus jeune cavalier de la compétition, il terminera 19ème), Omar Abdul Aziz Al Marzooqui, à chaque fois épaulé par Enjoy de la Mure (Vigo cece x Calvados) a marqué les esprits. Mais le cavalier émirati d’Al Shira’aa s’était déjà fait remarquer un an plus tôt avec les deux médailles (l’argent en individuel et le bronze en équipe) ramenées des Jeux asiatiques de Hangzhou avec cette fois Dalida van de Zuuthoeve (Thunder van de Zuuthoeve x Sir Lui). A tel point que la FEI a décidé de décerner au cavalier de bientôt 23 ans le trophée de « Rising Star » (d’étoile montante) à la fin de l’année dernière. Une première pour un cavalier issu du monde arabe…

Omar Almarzooqui

Une première mais pas vraiment une surprise non plus. Dès son plus jeune âge, le destin d’Omar Al Marzooqui semblait tout tracé…

Avec une discrétion naturelle, toujours empreint de respect et de gratitude dans chacun de ses gestes et de ses mots, le jeune émirati nous dévoile un peu de sa personnalité quelque peu atypique dans le monde équestre.

So Horse: Omar Al Marzooqi, on est à Abu Dhabi, c’est ici que vous avez grandi et que tout à commencé?

Omar Al Marzooqi: « Je voudrais d’abord vous remercier pour cet interview… Oui on est ici à Abu Dhabi. C’est ici que j’ai grandi. J’ai commencé l’équitation grâce à mon père (Abdulaziz Ali Al Marzooqui, NDLR). Il monte depuis 40 ans, peut-être même un peu plus… C’est comme ça que j’ai vu mes premiers chevaux. j’ai très vite commencé à monter un poney. Je devais alors avoir environ 3 ans. Ensuite j’ai commencé à monter dans le club équestre de mon père en 2009 et puis j’ai débuté en compétition en 2011, j’avais alors neuf ans. Je vais alors devoir attendre encore quatre ans pour disputer mon premier concours international, c’était à Londres. »

Omar Almarzooqui

S.H.: Vous avez toujours voulu devenir cavalier professionnel?

O.A.M: « J’ai toujours eu en tête cette finalité internationale parce que j’ai toujours voulu représenter mon pays de la meilleure manière possible. C’est le moins que l’on puisse rendre aux Emirats Arabes Unis. Un pays qui accomplit des choses formidables pour nous. C’est grace au soutien et à la vision de personnes comme le Président Hamad bin Zayed Al Nahyan mais aussi Son Altesse Sheikh Mansoor Bin Zayed Al Nahyan, (Vice-Président, Vice-Premier Ministre des Émirats Arabes Unis, fils du défunt Sheikh Zayed bin Sultan Al Nahyan, fondateur des Émirats Arabes Unis. NDLR) ou encore Sheikh Hazza Bin Zayed Al Nahyan (frère cadet du Président et lui même Président du conseil sportif des émirats, NDLR) que nous sommes arrivés où nous sommes aujourd’hui. Ce sont nos principaux soutiens ici au pays. Je les en remercie grandement. Comme je remercie également mes parents pour tout ce qu’ils ont fait. »

Omar Almarzooqui

S.H.: Que représente le cheval dans votre culture? On a l’impression qu’il est plus qu’important, qu’il est essentiel.

O.A.M: « Les chevaux font partie de la culture aux Émirats Arabes Unis, de la culture arabe en général. Mais ils sont liés également à notre religion qu’est l’islam. Les chevaux sont présents depuis plus de 2000 ans, c’est un héritage pour nous. J’ai beaucoup de mal à imaginer ma vie sans les chevaux. »

Omar Almarzooqui

Toujours apprendre et viser l’excellence.

Le garçon que le port de la moustache fait paraitre un peu plus âgé que son âge, ne se cantonne pas à sa carrière sportive. Son éducation parentale lui a inculqué aussi d’autres valeurs importantes et c’est donc logiquement qu’Omar Al Marzooqi a suivi un cursus assez poussé…en français, s’il vous plait.

Omar Almarzooqui

S.H.: C’était important pour vous d’avoir quelque chose à côté des chevaux?

O.A.M: « Bien sûr. J’en avais l’idée, mais mes parents m’ont encouragé à poursuivre mon master (il suit notamment un cursus de philosophie à la Sorbonne d’Abu Dhabi), car je sais que dans le sport, on ne sait jamais. Une blessure pourrait nous éloigner de la compétition ou autre chose.  Donc, c’est aussi bien d’élargir nos connaissances, d’avoir une base en dehors du sport. J’aime vraiment apprendre, lire beaucoup d’articles, et approfondir des sujets qui pourraient m’être utiles un jour, au-delà des chevaux. »

S.H.: Quand vous avez du temps libre, que faites-vous pour vous détendre ?

O.A.M: « Je monte à cheval. Je profite de la vie, je passe du temps avec mes amis. J’ai des amis cavaliers et d’autres qui ne le sont pas. Nous gérons aussi nos propres écuries avec mon père,  selon sa vision. J’essaie aussi de développer mon propre business. En ce moment, j’ai deux entreprises. Je gère un café et je suis distributeur des selles CWD. »

Omar Almarzooqui

Omar Almarzooqui

Viser les sommets, guidé par Al Shira’aa.

S.H.: Depuis vos début en international presque, vous évoluez au sein de la structure d’Al Shira’aa. C’est un véritable plus?

Son Altesse Sheikha Fatima Bint Hazza Bin Zayed Al Nahyan à travers Al Shira’aa (qu’elle a fondé. NDLR) a soutenu toute l’équipe depuis presque dix ans maintenant. Et elle a accompagné environ 5 ou 6 jeunes cavaliers. J’ai eu la chance d’en faire partie, heureusement.
Depuis les juniors, les children, les jeunes cavaliers, avec de bonnes idées, ils ont évolué jusqu’au niveau senior et aux Jeux Olympiques, comme nous l’avons vu en 2024.

Omar Almarzooqui

Je dois dire que nous avons beaucoup de talents ici dans le pays. Avec le soutien et la vision des entraîneurs, et avec la volonté de Dieu. Et comme je l’ai mentionné, grâce au président et à tous les soutiens des différentes institutions du pays, ils ont rendu possible la qualification aux Jeux Olympiques. Aujourd’hui, si nous regardons l’état d’esprit et la manière de monter à cheval,
je pense que nous pouvons voir une grande différence. Avant, il y a 15 ans, nous avions peut-être seulement 2 ou 3 cavaliers au plus haut niveau. Aujourd’hui, nous en avons plus de six capables de concourir en épreuves cinq étoiles, ce qui est une grande avancée, je dois dire.

Omar Almarzooqui

S.H.: En Europe, certains ont cette vision que les cavaliers émiratis ou arabes plus généralement achètent seulement des chevaux, mais ne les forment pas réellement. Qu’en pensez-vous ?

O.A.M: « Je pense que c’est une mauvaise perception de la part des Européens.
Nous avons en fait produit plusieurs chevaux de haut niveau. Je peux donner en exemple Asathir (Diamant de Sémilly x Papillon Rouge), un cheval produit et construit ici et ensuite acheté très jeune par Ludger Beerbaum, qui a ensuite remporté trois Grand Prix 5 étoiles. Il a aussi participé à plusieurs compétitions de haut niveau. Aujourd’hui, on peut voir qu’il y a plus de dix chevaux qui ont été formés dès le début dans notre pays et qui ont atteint, sinon les Jeux Olympiques, du moins le niveau des compétitions cinq étoiles et des Grands Prix. Tout en respectant les opinions des autres
, je pense donc que cette vision est erronée. Les choses ont fortement évolué ces 20 dernières années. On ne peut plus avoir la même perception. Si nous regardons les compétitions pour jeunes chevaux, nous voyons de nombreux chevaux prometteurs, ainsi que des cavaliers qui forment des chevaux avec patience.
Évidemment, certains chevaux ont des limites, et dans ces cas-là, on les confie aux juniors ou aux enfants. C’est une stratégie bien pensée. Nous voyons que les écuries Al Shira’aa ont un programme d’élevage, ce qui prouve que nous investissons dans la formation des chevaux.
Nous avons un programme pour les jeunes chevaux et nous essayons de les amener
jusqu’au niveau Grand Prix. Comme je l’ai mentionné, tout cela repose sur une vision claire. »

S.H.: Faire partie d’une équipe est quelque chose d’important pour vous?

O.A.M: « Oui, c’est quelque chose que j’adore! Car on peut échanger des avis et progresser ensemble. Dans l’équipe, tous les cavaliers sont de haut niveau. Les entraîneurs aussi, comme William Funnell et Duncan Inglis, qui ont tous deux concouru au plus haut niveau du sport. Leur vision et leurs idées, combinées à l’expérience de mon père, qui a travaillé avec de grands cavaliers,
m’apportent énormément. J’essaie de tirer le maximum de leurs conseils.
J’aime aussi discuter avec mon vétérinaire, les grooms ou le maréchal-ferrant
pour voir comment améliorer la routine de mes chevaux.
Je demande parfois l’avis de mes collègues pour voir si je peux améliorer certains détails. Je pense qu’il y a un vrai esprit d’équipe aux Émirats. Quand un cavalier gagne, tout le monde est heureux. Ce n’est pas seulement une victoire individuelle, c’est une victoire pour tout le pays. Hier encore, quand un cavalier a remporté la grosse épreuve, tout le monde était heureux et sautait de joie.
Gagner à domicile, dans notre propre compétition, est une sensation incroyable. »

Omar Almarzooqui

S.H.: À part votre père, avez-vous un modèle en équitation ?

O.A.M: Oui, j’en ai plusieurs même, notamment Christian Ahlmann.
Une fois, lors d’une compétition, j’ai terminé premier et lui deuxième. C’était un moment spécial. Je lui ai dit : « C’est incroyable, vous êtes mon modèle depuis toujours. » Mais en réalité, tous les meilleurs cavaliers sont mes modèles. Je cherche à apprendre de chacun d’eux, des dix ou vingt meilleurs mondiaux.

Vous avez mentionné Lanaken. C’était un moment clé de votre carrière ?

O.A.M: Oui, en 2018, j’ai participé aux Jeux Olympiques de la Jeunesse en Argentine où j’ai remporté une médaille d’argent. Ensuite, il y a eu les Jeux Asiatiques et puis Lanaken,
où j’ai concouru face aux meilleurs cavaliers du monde. C’était un moment fort de ma carrière. J’ai appris énormément, surtout lors du barrage contre Christian Ahlmann.

Quel effet cela fait-il de battre son idole ?

O.A.M: Pour moi, l’important est d’apprendre de lui. C’est le sport : un jour on gagne, un jour on perd. Mais j’ai reçu de bons commentaires de sa part, et cela m’a beaucoup apporté.

Omar Almarzooqui

 
« J’aimerais préserver Enjoy pour L.A. »

Quels sont les autres concours emblématiques que vous aimeriez gagner ?

O.A.M: « Genève est sur ma liste. C’est l’un des concours que j’aimerais vraiment faire. Mais mon objectif est de participer aux plus grandes compétitions cinq étoiles et d’obtenir les meilleurs résultats pour mon pays. Bien entendu, les Jeux Olympiques de Los Angeles 2028 sont dans mes plans aussi. C’est dans un peu plus de trois ans maintenant. Donc il faut être prêt. Dès maintenant, nous travaillons pour maintenir les chevaux en forme, sans les surmener, afin qu’ils soient au top pour les prochains Jeux Olympiques. C’est un vrai défi. Certains chevaux ont 7 ou 8 ans, ils sont encore jeunes.
Ils pourraient devenir des chevaux de deuxième plan ou évoluer au plus haut niveau.

Omar Almarzooqui

Mon cheval « Enjoy » a été exceptionnel à Paris, mais nous manquions un peu d’expérience en tant que couple. C’est un cheval unique dans une carrière et nous espérons le préserver pour les prochains Jeux. (Enjoy de la Mure vient de prendre onze ans, NDLR) »

Omar Almarzooqui

S.H.: Comment s’organise votre quotidien en équitation ?

O.A.M.: « Je suis principalement basé aux Émirats. L’été, je vais en Europe pendant 4 à 6 mois.
L’an dernier, je suis resté six mois à cause des Jeux Olympiques. D’habitude, de mai à septembre ou octobre, je vais au Royaume-Uni, en France, en Allemagne, en Belgique,
en fonction des compétitions les plus adaptées à mon programme. »

Omar Almarzooqui

S.H: Vous parlez français. Cela vous aide-t-il à vous intégrer en Europe ?

O.A.M: « Oui, c’est un atout de parler plusieurs langues. Je parle arabe, anglais et français. J’ai appris le français à la Sorbonne,  et même si je ne l’ai pas pratiqué depuis sept mois, je pense qu’en une semaine, je pourrais le retrouver facilement. « 

Omar Almarzooqui

Combien de chevaux montez-vous chaque jour ?

O.A.M: « Sur des concours comme la tournée ici aux Émirats j’ai cinq chevaux en compétition.
J’essaie d’en monter entre six et huit par jour. Tout dépend du programme et des besoins de chaque cheval. Quand je n’ai pas le temps, mon équipe m’aide à les entraîner. Certains sont destinés au haut niveau, d’autres peuvent être vendus, cela dépend des opportunités. »

Omar Almarzooqui


S.H.: Où vous voyez-vous dans dix ans Omar?

O.A.M.: « C’est une question difficile. J’essaie de maintenir mes résultats et d’acquérir plus d’expérience. Chaque jour est une nouvelle leçon et monter de plus en plus de chevaux ne fait qu’enrichir cette expérience. Mon objectif est de hisser le drapeau de mon pays dans les plus grandes compétitions, pas seulement en saut d’obstacles, mais dans tout ce que je fais… »

Omar Al Marzooqi est actuellement le premier cavalier émirati au classement mondial. Il vient d’intégrer le top 200, à la 193ème place.

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