Lors des Jeux Olympiques de Paris, Caracole de la Roque (Zandor Z x Kannan) s’est rappelée aux bons souvenirs de tous en contribuant activement à la médaille d’argent des USA avant de manquer la médaille individuelle d’un fifrelin. Tout cela, après avoir remporté le Grand Prix du CSIO 5* de Rome et terminé seconde de celui de La Baule. Quelques semaines plus tard, à seulement 9 ans, Foxy de la Roque (Armitages Boy x Kannan) remporte le Grand Prix du Global Tour de Rome. L’élevage de la Roque marquait une nouvelle fois les esprits.
Une belle occasion de rencontrer leur éleveuse Alexandrine Bonnet Dian, qui même si elle a quitté désormais les installations du Haras de la Roque continue avec passion son travail d’éleveuse … et de détection de jeunes talents.
Durant de très nombreuses années, le Haras de la Roque a été sacré meilleur élevage en France avec énormément de chevaux. Aujourd’hui, que représente l’élevage de la Roque ?
Alexandrine Bonnet Dian : « Il faut savoir que la dernière grosse génération du Haras de la Roque date de 2010. En 2000, nous avons fait l’acquisition du Haras de la Roque … et en 2008, on s’est retrouvés avec 300 chevaux ! Nous avons réalisé que nous étions complètement débordés. Nous avons eu trois grosses générations de 2008 à 2010 où nous avons fait 40 naissances par an … mais on était encore très loin des 80 naissances que peuvent faire les gros haras en France. Après 2010, nous avons réduit notre élevage à 15 naissances par an. C’est vraiment un mythe de dire que nous avons eu plein de chevaux depuis 10 ans. De nos grosses générations de poulains, il ne reste à ce jour que Toupie de la Roque. Je pense que ces grosses générations nous ont permis de sélectionner des mères sur lesquels nous voulions nous concentrer. Aujourd’hui, j’ai essayé de conserver les bonnes souches et il reste avant tout la passion. J’ai toujours envie de chercher des chevaux, de faire des croisements pour des chevaux de sport. Les résultats que nos chevaux ont aujourd’hui me montrent que cela vaut la peine de continuer. Il y a aussi le fait d’avoir rencontré Victor (NDLR : Bettendorf, conjoint de sa fille Adeline Hécart) qui est capable, si l’on a un bon cheval, de l’amener tout en haut. Ce qui est très motivant. J’ai aussi cette motivation de trouver pour chaque cheval ce qui lui convient le mieux. Ils ne feront pas tous du 5* mais il faut leur trouver un juste débouché. Par exemple, Iggy de la Roque (Untouchable x Kannan) qui vient de remporter le Championnat de France des 6 ans avec Geoffroy Bréant, c’est une très jolie histoire car ce titre est une très belle performance et elle avait été vendue un mois avant la finale à un jeune cavalier qui monte bien, qui évoluait jusqu’ici en poney. C’est une petite jument qui est exceptionnelle dans sa catégorie car elle est très intelligente et elle a le sens du concours. Elle va pouvoir faire le plaisir d’un jeune cavalier. C’est donc très satisfaisant. »
Comment est née votre passion pour l’élevage ?
« Je suis née avec un cheval dans la tête … dans une famille qui n’avait rien avoir avec les chevaux… et avec l’interdiction de monter à cheval jusqu’à mes 15 ans. Pour mes parents, c’était dangereux et c’était un milieu épouvantable. Malgré tout, je ne pensais qu’à ça. Souvent mon cadeau de Noël, c’était aller voir les chevaux au salon du cheval et un abonnement à Cheval Magazine. Je rêvais devant Eugénie Legrand et je connaissais tous les pedigrees par cœur, c’était vraiment une passion. Lorsque ma mère a vu que c’était impossible de me retirer ça de la tête, elle m’a dit « Maintenant que tu as ton bac, tu as deux ans où tu peux faire ce que tu veux. » Elle était amie avec Colette Ducornet qui était l’éleveuse de Galoubet A et son époux, le commandant Lefrant . Ils avaient un élevage dans l’Eure près de Gisors. Elle m’y a déposé un matin de septembre alors que je montais à peine à cheval, j’avais juste mon deuxième degré. C’était un endroit assez austère où j’habitais dans une ferme. Ils étaient très amis avec la famille Pelissier. J’avais 20 ans et eux une soixantaine d’années. Je pense que ma mère s’est dit qu’au bout de trois semaines, j’allais la supplier en pleurant de venir me rechercher… sauf que deux ans après, quand elle est venue me rechercher, j’avais appris à monter et que je commençais à faire du concours avec un cheval que ma mère m’avait acheté qui s’appelait Irish Coffee. Je nourrissais les poulinières, je faisais les boxes, je savais tout faire ! J’avais eu l’occasion de découvrir la grande semaine de Fontainebleau, j’avais connu le début des ventes Fences … c’était vraiment un rêve éveillé pour moi. Ma mère espérait que je reprenne mes études mais c’était peine perdue car je ne pensais qu’aux chevaux. Je n’étais pas très bonne cavalière car j’avais peur… mais il y a tellement d’autres choses que l’on peut faire dans les chevaux. Colette Ducornet était une personnalité de l’élevage à cette époque. Michel Pélissier était pour moi le plus grand homme de cheval du moment car il avait une approche particulière. Ce sont des choses qui m’ont vraiment marquée.
Finalement, je suis rentrée à Paris, je me suis mariée assez rapidement et j’ai eu mon premier fils … mais les chevaux ne m’avaient pas quittée. J’ai divorcé assez vite et c’est là que j’ai rentré Michel (NDLR Hécart). Nous étions à Fontainebleau. Nous avons assez rapidement décidé de faire quelque chose ensemble. Lui ne voulait faire que le sport. Pour moi, l’élevage était vraiment important. Nous avons acheté plusieurs chevaux, puis en 2000, nous avons fait l’acquisition de Kannan. On l’avait vu en septembre chez Guido Bruyninx et je savais que c’était ce cheval là que je voulais acheter. En janvier, au Sunshine Tour, il m’a dit qu’il avait eu des offres et que je pouvais l’acheter. J’ai réfléchis toute la journée et je n’en ai même pas parlé à Michel, c’était vraiment ma décision. C’était une folie mais je voulais le faire. On a acheté Kannan et on connait l’histoire. Mais surtout nous nous sommes installé en Normandie. Kannan avait 8 ans à l’époque et je me suis dit que nous allions acheter toutes sortes de juments pour les croiser avec lui. Je suis partie en Belgique avec Guido qui m’a très bien conseillée. Il m’a fait acheter Akynoek Ourai qui était issue d’une sœur de Bijou Ourai et de très bonnes juments mais nous avons aussi acquis des trotteuses, des ponettes … c’est comme ça que l’on s’est vite retrouvé à 300 chevaux. Un peu plus tard, nous avons acquis la souche de Qerly Chin avec Walloon de Muze. Nous étions à l’époque assez copains avec les Chenu. Ce qui nous a permis d’élever pas mal avec la souche de Bourée. C’est ainsi qu’est née Plume de la Roque. Pour moi, c’était vraiment des gens inspirants. Mon idole, c’était Fernand Lereede. Je trouvais extraordinaire ce qu’il faisait. J’essayais d’écouter les meilleurs. J’ai très peu fait en Allemagne non pas par manque de curiosité, mais tellement de gens avaient fait bien autour de chez nous et semblaient déjà très inspirants que je n’ai pas vu l’utilité d’aller ailleurs. »
Kannan a été la chance de votre vie ?
« Oui ! Sportivement, c’était beaucoup de frustrations. On avait vraiment ce sentiment qu’on nous avait jeté un sort. Lorsqu’il faisait une performance pour nous prouver qu’on avait raison de croire en lui, le lendemain on le retrouvait dans le boxe avec une jambe en l’air. Une fois devant, une fois derrière, c’était incroyable. En père de mère, il est vraiment incroyable. Je n’étais pas étalonnière et je savais que ce n’était pas un métier que je pouvais faire. Nous essayions déjà de faire le métier d’éleveur, celui de formateur de jeunes chevaux et de sport de haut niveau. Ce sont déjà trois métiers à part entière. Étalonnier, c’était quelque chose que je ne me sentais pas capable de faire. Lorsque nous avons acquis Kannan, les Chenu nous ont présenté Patrice Boureau. C’est lui qui a distribué Kannan durant plusieurs années. Il a fait un travail manifique. C’est quelqu’un de très honnête. Pour lui, les étalons ne doivent saillir que des juments qui leurs conviennent. Du coup, Kannan faisait entre 100 et 200 juments alors que d’autres bons étalons en faisaient 1000. A un moment, c’était aussi une frustration pour nous. C’est à ce moment là qu’Aurélien Laguide est venu me trouver pour me proposer de l’acheter pour le GFE. Je n’ai pas voulu le vendre au GFE car j’avais cette idée un peu « con » qu’il allait faire partie d’un grand catalogue et que même numéro un du catalogue, ce n’était pas ce que je voulais pour lui. Du coup, Arnaud Evain, qui est quand même plus intelligent que tout le monde, a envoyé Ken Rehill et ils l’ont acheté. Au final, c’est très bien car Arnaud a fait le boulot et a promu le cheval comme je n’aurais pas été capable de le faire. Ce qui est rigolo c’est de voir que le cheval a été numéro un des étalons pendant longtemps lorsqu’il avait une production de 150 juments … et qu’il ne l’a pas spécialement été avec une production de 1000 juments. Il y avait aussi une question de tarifs puisque nous le commercialisions à 3000 euros alors qu’Arnaud l’a commercialisé à 1500 ! »