Ludo Philippaerts: « Maintenant, je m’amuse… »

Publié par Sébastien Boulanger le 29/02/2024

Alors qu’il fêtera ses 61 ans au mois de juin et que ses victoires en Grand Prix, Coupes du monde et sa participations aux Jeux Olympiques sont derrière lui, Ludo Philippaerts n’a pas remisé sa selle pour autant. Disons plutôt qu’il l’a ressortie (NDLR: son dernier concours datait du Grand Prix 4* de Mons Ghlin en 2014) en 2021, presque par hasard…

“J’ai d’abord perdu beaucoup de poids, je me sentais à nouveau mieux dans mon corps. J’accompagnais Olivier à Oliva et j’ai commencé à monter un peu ses chevaux. Comme ça, pour m’amuser. Je me sentais bien et puis j’ai recommencé à sauter. 1m30, 1m40, Grand Prix…Une fois que tu as le feeling pour monter, je pense que ça ne passe jamais. »

Mais ne lui parlez pas pour autant de deuxième carrière.

”Ce n’est pas une deuxième carrière pour moi. J’ai recommencé parce que j’aime monter à cheval. Je prépare les chevaux pour ensuite les donner à mes enfants quand ils sont prêts. C’est maintenant le moment pour moi de m’amuser un peu en concours. ”

Ça veut dire qu’avant vous ne vous amusiez pas?

“Pas vraiment, car c’était toujours stressant. Le fait d’aller sur les grands concours, de devoir prester pour un sponsor ou pour un propriétaire, c’était toujours du stress. Maintenant je n’ai plus aucune obligation, tout ce que je fais, je le fais avec plaisir. Et ça c’est une grande différence.”

La manière dont vous vivez le sport est différente, mais qu’en est-il de votre manière de monter?

“Je ne sais pas si ça a vraiment changé, mais beaucoup de personnes me disent que je monte plus “léger” qu’avant. Mais bon, je monte comme je monte et j’essaie surtout de monter avec les chevaux que j’ai. Il faut dire que les chevaux que je monte aujourd’hui sont beaucoup plus légers donc ça change aussi. Bien sûr, il y a beaucoup de choses qui ont changé depuis l’époque ou j’étais en cinq étoiles. Je dois dire que quand j’ai recommencé à monter en concours, j’avais beaucoup de mal à parvenir à être dans le temps. C’est tellement court maintenant…Il a vraiment fallu que je m’habitue.
Et puis les obstacles sont également beaucoup plus délicats qu’il y a dix ans et les parcours sont beaucoup plus techniques. Ça m’a pris un peu de temps pour m’adapter. »

Votre regard sur le sport, il a changé?

“Je pense que j’ai toujours la même vision du sport que j’avais quand je montais le grand sport. Ok, tout s’est amélioré ces dernières années et tout est beaucoup mieux et je dois évoluer avec le sport aussi. C’est d’ailleurs très bien pour moi que je puisse monter en concours car ça m’aide pour acheter des chevaux. Je connais les difficultés en piste et les exigences du coup ça m’aide vraiment pour mon commerce. Je vois des choses maintenant que j’avais peut-être un peu oubliées. »

Les enfants sont grands, ils ont leur propre carrière maintenant, comment se passent les échanges entre vous?

“On discute beaucoup ensemble. Le lundi, quand tout le monde revient de concours on a toujours une petite réunion durant laquelle on parle de ce qui s’est passé durant le week-end. Mais ils ont aussi leurs propres entraineurs avec qui ils discutent, ce n’est pas seulement avec moi qu’ils s’entrainent. On a essayé de créer un groupe de personnes qui aide tout le monde et ça je pense que c’est pas mal. Mais ça ne les empêche pas d’avoir aussi un regard sur ce que je fais. Presque tous les jours j’ai les commentaires dans notre groupe Whatsapp. Quand j’ai monté un cheval ils me disent si c’est bien ou pas bien. Ils suivent ça de près et ne se gênent pas pour me chambrer un peu. Mais moi aussi je le fais quand ils ne montent pas bien. Donc ce n’est pas un problème.”

Ce sont essentiellement des jeunes chevaux que vous montez maintenant?

“Je monte deux sept ans, Hannibale de Hus (Vivaldi du Seigneur x Fergar Mail) et Lolita du Fourcroix (Greco Sitte) et deux huit ans, Gadget Mouche (Andiamo Semilly x Consul DL Vie Z) et Nobel van de Vrombautshoeve Z (Nabbab de Rêve x Corrado I). Je pense qu’avec les huit ans, dans quelques semaines je pourrai monter un peu des épreuves ranking. Mais je ne vais pas monter des chevaux de dix ans. Les chevaux qui sont bons assez, ils vont chez mes enfants. »

Avec quatre fils dans le sport, Comment ça se passe entre vous? C’est un peu la “guerre” entre les enfants pour savoir qui va avoir tel ou tel cheval? 

“Tout le monde me pose la question:”comment tu fais?” C’est moi généralement qui décide qui va monter qui. Quand un cheval va bien avec un, je ne vais, bien entendu, pas le lui retirer pour le mettre à un autre. Par contre, le jour où ça ne va pas, on doit changer. Mais on fait toujours ça ensemble. Je ne vais pas retirer un cheval sans en discuter avec eux. Ce n’est pas facile, de temps en temps il y a aussi des mots. Mais jusqu’à maintenant on y arrive.”

C’est un défi de tous les jours de trouver des chevaux pour cinq cavaliers?

“Oui, tous les jours la question se pose. Jusqu’à maintenant ça va, j’ai trouvé beaucoup de chevaux. On a beaucoup de jeunes chevaux. Ce que le futur va nous donner je ne sais pas, mais j’espère pouvoir continuer à trouver de bons jeunes chevaux. Et quand tu en as en suffisance, alors tu peux les donner aux différents cavaliers. Mais le fait d’en avoir beaucoup, c’est ce qui permettra aux enfants d’en avoir pour le grand sport j’espère.”

Il y a eu la tournée d’Oliva en début d’année, c’est quoi la suite de la saison pour vous?

“Je ne veux plus aller en concours tout seul. Ce que je veux, c’est accompagner mes enfants en concours. Après Oliva je vais sans doute aller à Wellington chez Nicola aux Etats-Unis, et puis j’aimerais peut-être aller à Gorla Minore ou Arezzo avec Thibault. Mais sa dépend si il a les chevaux pour y aller car son meilleur cheval est vendu et je dois trouver un autre cheval pour lui.

Mais je veux encore, avec Thibault et Anthony, faire des quatre et peut-être cinq étoiles un jour. Nicola et Oliver, ils peuvent aller sans moi, mais Thibault et Anthony ils ont encore besoin de moi pour le sport. »

Une équipe de Coupe des nations avec uniquement des Philippaerts et vous dedans, ce serait là l’apothéose finale?

“C’est clair que ce serait la cerise sur le gâteau. Peut-être l’année passée, quand j’avais deux chevaux pour monter les grosses épreuves, ça aurait pu arriver. Mais ce n’est pas toujours évident car tout le monde a son plan. Nicola est en cinq étoiles et en Amérique, Olivier monte le Global Champions Tour, Thibault et moi on n’a pas les chevaux pour le moment, donc ce n’est vraiment pas évident. Mais le jour où on a les chevaux, on peut le faire. J’espère que ça arrivera un jour… »

Vous allez monter jusqu’à quand? Vous vous êtes déjà fixé un âge pour arrêter?

“Je n’en ai aucune idée. Tant que je m’amuse. J’espère continuer encore quelques années car j’adore vraiment monter à cheval. Et puis je ne dois pas savoir combien de temps il me reste à monter. Je dois juste le faire et le jour où je n’aimerai plus, j’arrêterai. »

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Interview Sébastien Boulanger