Ulk d’été, un rêve éveillé.

Publié par Julien Counet le 27/01/2022

Installé à Robecq dans le Pas de Calais, Vincent et Laurence Roger élèvent des chevaux depuis de nombreuses années sous l’affixe « d’été » se faisant connaître en présentant très régulièrement leurs poulains de l’année lors des ventes Fences. Pourtant, un jour, les poneys reviennent dans leur vie ou plutôt une ponette ! « Avant d’élever des chevaux, nous avions déjà élevé des poneys mais nous avions tout arrêté jusqu’au jour où on nous téléphone car les propriétaires d’Elvey Jarnac étaient décédés dans de tristes circonstances et on cherchait des solutions pour les poneys. Nous y sommes allés … et nous n’avons pas pu nous empêcher de revenir avec Hipipip de la Motte. C’était leur ponette de cœur, celle qu’ils considéraient comme la meilleure fille d’Elvey Jarnac… nous ne pouvions pas la laisser partir n’importe où», nous expliquera Laurence Roger. Le hasard fait souvent bien les choses. A cette époque, la ponette est pleine d’Ardent D’angrie et vient rapidement le choix de l’étalon pour la saison suivante … ce sera l’étalon KWPN Heartbreaker ! « Nous l’avions utilisé cette année-là sur hipipip et une de nos juments « cheval ». » C’est ainsi que voit le jour en 2008, un poulain mâle alezan avec beaucoup de blanc : Ulk d’été !

Le marché du foal poney étant inexistant, ses éleveurs décident de le laisser grandir avec les autres poulains de l’élevage car si nos éleveurs ne produisent qu’un maximum de deux poulains par an, ils prennent aussi en pension plusieurs chevaux d’éleveurs hors-sol. « On le trouvait très mignon mais ce n’est qu’à deux ans lorsqu’on l’a mis sur les barres pour la première fois que l’on a vu qu’il n’était pas comme les autres ». Des premiers sauts qui se traduiront par une vidéo postée sur internet et qui fera le tour du monde. Entre temps, Ulk est sacré champion du concours inter-régional des mâles de deux ans et termine 4ème de la finale nationale durant le Sologn’Pony recevant son agrément au passage. La belle histoire commence, un véritable concours de circonstance. « Je finissais ma licence d’inséminatrice mais au départ, mon but était juste d’inséminer nos juments à la maison … puis avec l’approbation d’Ulk, je me suis dit que tant qu’à faire, nous pourrions le distribuer nous-mêmes… mais nous ne nous attendions absolument pas à une telle demande.  La première année, Ulk a fait 92 juments et 125 l’année suivante. C’est extrêmement rare pour un jeune poney. De plus, cela n’a pas été aisé car Ulk n’avait aucune libido. Antoine, notre fils, se levait à cinq heures tous les matins pour nous aider à le prélever avant de partir à l’école car nous voulions absolument servir tous les clients. Durant l’hiver, il partait à la congélation mais si je n’étais pas présente, il ne donnait rien donc je devais faire deux heures de route trois fois par semaine chaque saison pour le récolter. »


Dès son plus jeune âge, la famille Roger a choisi de mettre la priorité sur l’élevage au détriment du sport. Un choix délicat mais totalement assumé néanmoins. « Nous sommes conscients d’avoir gâché le poney sportivement mais à choisir, nous préférions avoir un top reproducteur qu’un top poney de sport. Evidemment, nous aurions aimé pouvoir combiner les deux mais cela n’a pas pu être le cas. »  A quatre ans, Ulk se consacre toujours exclusivement à la reproduction et ce n’est qu’à cinq ans que le chic alezan fait ses grands débuts sous la selle de Pauline Henry où tout le monde veut voir le phénomène en action. « Pour nous, il n’y avait pas de pression. Nous faisions entièrement confiance au poney. C’est un véritable génie. Nous n’avons jamais eu un poney comme lui avant et nous nous n’en avons plus eu de comme lui depuis ! Il est malin, il a de la force et de la souplesse, c’est vraiment un poney que j’aime d’amour. » Par contre, cette attention qui suivra Ulk sur les paddocks et les pistes de concours mettra une grande pression sur ses cavaliers. « Pauline se mettait beaucoup de pression car elle avait une énorme envie de bien faire et Ulk est une véritable éponge tellement son relationnel avec l’homme est fort. C’est une peluche qui est toujours dans l’échange. Rien qu’à voir ses mimiques, vous connaissez son humeur du moment. Néanmoins, à l’entrainement, Ulk a commencé à montrer des signes de rétivités qu’on ne lui connaissait pas et les examens médicaux ne révélaient rien. Il y avait beaucoup d’incompréhension jusqu’à ce qu’on décide de le mettre sous antidouleurs et de voir le poney se transformer. Là, nous avons repris les recherches et c’est finalement le CIRALE qui a mis en évidence un problème d’origine traumatique au niveau des cervicales. » Une fois infiltré, l’étalon retrouve toutes ses capacités, retrouve les terrains de concours avec succès sous la selle de la nièce de ses éleveurs mais l’accalmie ne dure que quelques mois. « L’utilisation d’un enrênement  non adapté réenflamme la zone douloureuse et nous nous retrouvons devant un dilemme de prendre le risque de devoir infiltrer notre poney de manière régulière pour que les éleveurs puissent voir ses réelles aptitudes avec le risque d’altérer à vie la qualité de sa semence ou arrêter le sport et nous avons finalement opté pour la seconde option en l’infiltrant une seconde fois pour son confort de vie. Malheureusement, les gens ont parfois gardé cette image de poney pas simple alors qu’il n’a pas une génétique compliquée comme on le voit dans sa production, même si il est évident que cela reste un fils de Heartbreaker. Ce ne sont pas des poneys de club mais des poneys volontaires qui n’aiment pas être contrariés et qui du coup, s’expriment souvent mieux avec des enfants. »


Durant sa carrière, Ulk d’été s’est néanmoins qualifié pour les finales des jeunes poneys à 5 et à 6 ans et aujourd’hui, il peut se targuer du titre de meilleur père de jeunes poneys en France après avoir été durant deux années, meilleur père PFS de jeunes poneys derrière les deux références Machno Carwynn et Dexter Leam Pondi qu’il se permet de devancer aujourd’hui grâce notamment à la très prometteuse Divine Meniljean, 3ème du championnat de France des 6 ans D ou encore l’étalon Daho du Paradis alors qu’on retrouve pas moins de 118 de ses produits indicés. « C’est la plus belle satisfaction qu’il pouvait nous offrir. Ulk a indéniablement changé ma vie. Sans sa mère, nous ne nous serions pas remis aux poneys et sans lui, je ne me serais pas intéressée à l’étalonage et nous n’aurions pas créé Pony Planet. La seule chose que l’on peut regretter c’est le peu de rentabilité que peut offrir l’élevage poney malgré le nombre d’heures que l’on peut lui consacrer mais cela n’enlève rien à tout ce que Ulk nous aura apporté.» concluera son éleveuse qui prend toujours le même plaisir de le retrouver pour l’hiver à l’élevage d’été.