L’élevage Flamingo, bien plus qu’une histoire de coeur. (2/2)

Publié par Julien Counet le 25/07/2022

Deuxième partie de notre reportage sur la famille Rantet Lepage qui auront créé au fil des années l’élevage « Flamingo » au sein de leur Cavalex Team à Paimpont au coeur de la forêt bretonne de Brocéliande. Une véritable histoire de coeur et de passion qui débute par des rencontres humaines et qui débouchent sur de véritables choix de vies aux travers de rencontre avec des chevaux qui dessinent leurs destins.

Le transfert d’embryons aura été une opportunité incroyable pour vous ?

« Oui, nous avons toujours fait des transferts de manière raisonnée avec elle-même quand nous l’avions en copropriété avec l’élevage de Kergane. La première année, j’avais décidé de faire un transfert de Nangaye avec Campo Flamingo et Louis Meunier de Flipper d’Elle avec Mascotte pour avoir le même croisement que la mère de Berdenn. En fin de saison, Louis avait essayé un transfert de Quaprice Bois Margot sur Nangaye d’ailleurs mais les embryons n’ont pas repris. En fin de saison, nous avions deux embryons et au lieu de faire moitié, moitié, on a chacun pris le nôtre. Il y a juste eu l’année des 8 ans qui était un peu plus calme où nous avions fait un peu plus mais on savait que l’échéance de s’en séparer allait approcher à un moment donné. »


Et ce moment finit par arriver, ça reste difficile ou vous vous y êtes préparée ?

« On ne s’y prépare jamais assez et cela a été un moment très difficile mais c’était indispensable. Il faut se rendre compte quand on est jeune et qu’on lance une telle structure qu’il y a des investissements et quand on choisit d’en faire son métier, on ne peut pas se permettre de conserver une jument de cette qualité. Cela fait partie des choses qui me font rire lorsque je vois les commentaires quand un cavalier décide de vendre son cheval. Souvent on lit des commentaires tels que « Voilà, il n’y a que l’argent qui compte ». Les cavaliers sont loin d’être tous des gens qui roulent sur l’or. La vente est souvent une nécessité. C’est d’ailleurs cela qui me fait parfois regretter de faire ce métier car une jument comme elle, je n’avais pas envie de la vendre. J’aurais envie de la garder et de la voir dans mes prés. Ce n’est même pas que sportivement. Cette jument, elle allait dans le jardin de la maison pour brouter. Mais le moment arrive et on sait que c’est le bon moment. Beaucoup de gens s’y intéressent et on sait que les chevaux, le meilleur moment, c’est quand on n’a pas envie de les vendre qu’il faut les vendre ! On ne le fait pas sans regret … mais on sait que c’est la seule option. Ensuite, on est consolé parce qu’il y a ses filles et j’ai retrouvé toujours un peu de Nangaye dans chacune d’elle ! J’ai la chance qu’elle les trace. C’est fabuleux car on a des sensations similaires. D’ailleurs, ma plus grande émotion, cela n’a pas été avec Nangaye mais en montant sa fille Unladylike à Dinard sur le même terrain où Nangaye avait gagné car j’avais ressenti des sensations similaires et que ça en devient émouvant. »


photo Coldparadise Flamingo (Baloubet du Rouet & Nangaye de Kergane) poursuit aujourd’hui sa route aux USA mais sa fille, Izia du Désert est l’un des grands espoirs de l’élevage Flamingo qu’il possède en copropriété avec Laurent Aubaux. Une belle histoire également puisque Vertigo du Désert a croisé la route de Luciana Diniz sur les conseils d’Alexandra Rantet.

Par contre si Nangaye a été vendue, par la suite, vous avez conservé toutes ses filles et uniquement vendu ses fils.

« Oui, c’est vrai. C’était un choix mais qui n’a pas été guidé que par l’émotionnel, peut-être à tort car nous n’avions pas spécialement le même avis là-dessus avec Yoann. Lui pensait que pour que la souche soit valorisée, il était important qu’elle soit exportée alors que pour moi, vu le nombre restreint de filles que nous avions, il était important de les conserver pour ne pas diluer la souche. Nous avons donc fait le choix de conserver les quatre filles que nous avons eues en valorisant les filles de notre étalon maison Campo Flamingo alors que les filles de Baloubet du Rouet ont vite été mises à l’élevage car leurs papiers parlaient suffisamment pour elles. Nous les avons d’abord exploitées en transfert d’embryons mais nous avons connu un véritable passage à vide où notre réussite en transfert était proche du néant. On envoyait les embryons dans un centre où ils ne reprenaient jamais. Nous avons donc décidé de les conserver pour l’élevage d’autant que personnellement avoir des mères par Baloubet du Rouet, c’est quelque chose qui me parlait directement et on le voit aujourd’hui dans les résultats. Je pense qu’elle apporte une énergie incroyable. Elle donne une poussée et beaucoup de sang. Croisée à un père adéquat, je pense vraiment que c’est le top pour l’élevage. On savait que l’on devrait en vendre mais on voulait de nouveau avoir la suite avant de passer la main. Je pense qu’aujourd’hui nous sommes prêts pour en laisser partir et donner une chance à la souche de se développer ailleurs et de s’internationaliser. »

Dans votre vie de couple, il y a un enfant qui arrive et qui finalement bouleverse peut-être votre vie plus que prévu ?

« Oui, je ne m’y attendais pas vraiment. C’était pour nous le bon moment pour avoir un enfant car il était certain que nous voulions une famille. Nous avions confié Popstar Lozonais à Jérôme Guery dans cet objectif mais je ne m’attendais pas à changer mes objectifs professionnels une fois qu’il serait là. On ne peut pas prévoir l’instinct maternel et moi, ça m’est tombé dessus comme ça. Mon enfant est devenu instantanément ma priorité. Le sport est passé au second plan … mais je constate que dans le sport, c’est régulièrement le cas. Il y a néanmoins une deuxième raison, c’est que suite à ma grossesse, j’ai eu des ennuis de santé et j’avais de grosses difficulté à monter. La douleur était telle que je ne savais pas si je pourrais continuer à monter. »


Photo : Andréa Lepage sur Unladylike avec ses parents il y a quelques années …

Ce sont des raisons qui vous ont poussée à développer les gîtes ?

« En achetant la maison, il y avait un gîte que nous avions refait. Nous ne l’avons pas louer tout de suite néanmoins. En fait, je pense que le facteur déclencheur a été lorsque nous avons quitté les Gîtes de France pour le mettre en location sur Booking. La demande est devenue beaucoup plus importante et cela a commencé à nous passionner. Au départ, on l’a fait pour avoir des rentrées supplémentaires mais finalement, on a trouvé cela aussi passionnant que les chevaux en ayant une clientèle qui aime la nature comme nous et avec qui nous apprécions faire découvrir notre quotidien. Aujourd’hui, avec la mise en route d’un troisième gîte, cela nous obligeait à faire des choix. Nous avons envie de rester une petite structure et non de commencer à engager du personnel alors nous avons décidé de diminuer notre activité équestre. C’est ainsi qu’est née l’idée d’une vente aux enchères. Les années passent tellement vite que nous voulons passer plus de temps avant que notre fils devienne un ado qui n’a plus envie de passer du temps avec ses parents. Autant en profiter maintenant ! »


Yoann Lepage avec quelques yearlings …

Du coup, instaurer une vente avec des chevaux de tous âges issus uniquement de son élevage, c’est un pari ?

« Tout à fait. On aime bien les choses innovantes. Un de nos rêves aurait été d’organiser du concours. Nous aimons faire les choses à fond et notre structure ne s’y prête pas malheureusement alors faire une vente, cela m’a motivée. L’idée a germé de conserver suffisamment de chevaux pour organiser une vente qui sorte de l’ordinaire avec des chevaux de qualité qui sont des chevaux que l’on avait au départ décidé de garder pour nous. C’est aussi une opportunité de faire connaitre la souche de Nangaye, de montrer notre travail et que les gens puissent voir la qualité des chevaux et le travail que l’on a fourni durant toutes ces années. En Bretagne, les gens nous voient et connaissent la qualité de nos chevaux et elle est appréciée ici, mais il est important que les gens le sachent à l’étranger également. Cela me tient à cœur car c’est une jument qui a beaucoup compté pour moi. Je pense que c’est une souche émergeante et encore sous utilisée, car je pense que Nangaye mérite une place de pilier de l’élevage de la même manière que l’on parle de juments telles Tanagra, Etoile du château ou Fragance du chalus dans le Selle Français. »