Hippogriffe, quand les passions se mélangent

Publié par Julien Counet le 24/11/2023

Comme chaque année à Equita Lyon, le cabaret révèle des nombreux spectacles magnifiques où chaque invité fait étalage de son talent et de son savoir-faire sur la piste Nikito, moment fort pour les visiteurs du salon qui a d’ailleurs battu un nouveau record d’affluence avec 191.073 visiteurs cette année. En démonstration, Fabien Llorens et son épouse, Hélène Lombardi. Ils ont monté au fil des années un spectacle époustouflant liant l’équitation et la fauconnerie avec un résultat impressionnant.

« En fait, au départ, nous nous sommes rencontrés avec mon épouse parce que nous avions tous les deux des frisons. Je faisais de l’attelage et j’avais déjà des rapaces alors qu’elle montait des frisons en spectacle. Cette rencontre a d’abord débouché sur une belle histoire humaine puis s’est poursuivie à travers les chevaux. A l’époque, nous faisions des spectacles d’un côté avec les chevaux et d’un autre avec les rapaces, de manière séparée. Les frisons étaient des chevaux magnifiques. C’était le rêve de toute une époque mais ils étaient plus limités en dressage. Au fur et à mesure de notre parcours, nous avons rencontrés différentes personnes dont Mario Luraschi qui nous a vraiment fait découvrir l’intérêt du Pur Race Espagnol. Nous avons donc commencé à investir gentiment tout en conservant nos frisons qui aujourd’hui ont pris leur retraite et continuent de vivre avec nous jusqu’à leur dernier jour. Nous avons donc décidé avec mon épouse de nous lancer dans l’élevage de chevaux espagnols et nous avons franchi le pas il y a trois ans avec un poulain. Cette année nous en avons eu trois et nous avons actuellement cinq juments pleines pour l’an prochain. J’ai 64 ans et malheureusement, nous devons faire face à de plus en plus d’activistes qui, après s’en être pris aux animaux dans les cirques, veulent  désormais que les animaux sauvages ne puissent plus travailler. Je pense qu’il faut se rendre compte que lorsque ces gens-là auront atteint leurs objectifs, ils s’en prendront alors aux animaux domestiques. Je trouve ça d’autant plus regrettable que nos activités ne se limitent pas qu’aux spectacles, nous avons également une mission pédagogique. Je me rends régulièrement dans des écoles avec mes rapaces pour expliquer aux enfants les bienfaits de la biodiversité. Ce que je risque malheureusement de ne plus pouvoir faire dans quelques années. Tout ça parce que, bien souvent, des gens sortent de leur contexte des choses qui ne heurtent personne dans le but de faire le buzz sur les réseaux sociaux…

Lors du spectacle, vous avez pu voir un aigle de 13 ans qui est né au Puy du Fou où j’avais envoyé un de mes stagiaires pour parfaire son apprentissage. Les parents avaient l’habitude de tuer leurs jeunes, du coup, ce rapace a été élevé au biberon dès son plus jeune âge et sur l’insistance de ce jeune homme, je l’ai acquis lorsqu’il avait deux mois. Nous avons donc désormais 13 ans de vie commune. Nous mettons tout en place pour soigner ces rapaces au mieux. À tel point que leur espérance de vie en domestication est de 5 à 10 ans plus longue que dans la vie sauvage. Lorsque vous voyez la douleur que vous provoque la disparition d’un chien après 8 à 10 de vie commune, imaginez-vous le déchirement que cela nous provoque avec des rapaces qui vivent 25 à 30 ans à nos côtés. C’est un métier passionnant où on travaille 7 jours sur 7, 14 à 15h par jour avec au mieux une semaine de congé par an. Notre structure est toute petite et comme toujours avec les animaux, il y a parfois des moments difficiles. Mais qui sont compensé par tous les moments extraordinaires que nous vivons. La semaine dernière, notre aigle a participé à l’inauguration d’un pont où la mairie s’était beaucoup investie pour préserver la faune et la nature. Je trouvais ça un magnifique symbole d’avoir l’aigle qui apportait la paire de ciseaux pour l’inauguration du pont … et il faut bien dire que pour lui, le poids de la paire de ciseaux par rapport à des poissons de plusieurs kilos qu’il peut emporter dans la nature ne posait pas de problème! »

Véritable passionné de chevaux depuis son plus jeune âge, Fabien Llorens découvre les rapaces par un heureux concours de circonstances … mais ils ne le quitteront plus. « A mon époque, on commençait à travailler tôt et mes parents ont complété l’argent que j’avais gagné durant mes vacances pour que je puisse m’acheter mon premier cheval qui était un croisement de Barbe avec un Espagnol. Les rapaces sont arrivés plus tard. Un jour, j’arrive à une chasse et je rencontre un homme qui était venu chasser avec un rapace et … un arc à flèche. Je l’ai regardé comme un extraterrestre… mais ça m’a intrigué. J’avais besoin de comprendre. Je l’ai donc accompagné et c’est comme cela que ma passion est née. Je n’ai jamais été un cavalier de concours par contre. J’ai fait et je fais toujours de l’attelage. Aujourd’hui, nous avons un char romain pour les spectacles ainsi qu’un corbillard que nous utilisons pour des représentations d’halloween. J’ai bien fait un peu de complet mais je suis avant tout un utilisateur « plaisir ». Je n’ai pas la rigueur que mon épouse peut avoir. C’est néanmoins l’orientation que nous avons également choisi pour notre élevage où nous ne voulons pas prendre la voie très à la mode pourtant actuellement de produire des chevaux de sport. Nous préférons rester dans un modèle baroque d’un petit cheval comme il l’était à l’origine de la race. Nous avons acquis plusieurs très bonnes juments et nous avons décidé de faire agréer nos étalons de spectacle. Pour nous, montrer la polyvalence des chevaux espagnols est une chose essentielle et malheureusement, ce n’est pas suffisamment mis en avant.

Notre première venue à Equita Lyon, nous a permis, au travers de nos spectacles, de mettre en avant notre élevage mais aussi en participant au défilé des races. Je suis persuadé qu’avoir nos étalons qui évoluent en spectacle avec du dressage de haute école, en liberté ou à l’attelage est un plus. Le travail entre les chevaux et les rapaces s’est finalement fait de manière très naturelle. Il faut bien se rendre compte que les volières des rapaces se trouvent au milieu des prairies des chevaux. Ils vivent donc sur le même territoire. Nous lâchons les rapaces durant plusieurs heures chaque jour, chacun leur tour. Les chevaux et les rapaces sont donc habitués ensemble. Après lorsque nous avons une idée, nous regardons comment nous pourrions l’adapter. Au final, c’est un défi permanent. Arriver à ce que le rapace se pose sur l’encolure du cheval, cela représente des heures de travail car vous vous doutez bien que si le cheval a la sensibilité pour sentir une mouche, il faut l’habituer aux griffes du vautour même si elles ne sont pas très grandes. C’est ce qui rend ce métier aussi passionnant. Cela me fait d’autant plus plaisir quand on me contacte pour me dire que notre spectacle a plu. Car souvent le positif ne remonte pas alors que les détracteurs ne se gênent pas et sont souvent bien plus organisés. Nous espérons vraiment revenir à Equita’Lyon qui est vraiment un salon magnifique auquel nous avons été heureux de participer. »

Julien Counet